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WACQUANT, Loïc, Corps et âmes. Carnets ethnographiques d’un apprenti boxeur. Compte-rendu

Publié le 18 novembre 2020 par Antropologia

WACQUANT, Loïc, Corps et âmes. Carnets ethnographiques d’un apprenti boxeur. Compte-rendu

Marseille, Agone, 2002.

Comme les leçons du livre de Loïc Wacquant Corps et âmes ont été négligées lors de sa publication, il me semble nécessaire de revenir sur ce qu’il a apporté en 2000, vingt ans !

L’écriture d’abord, un livre à la première personne, banalité hors de France depuis Malinowski et ses Argonautes, un siècle déjà, qui ici restait encore incongru. Wacquant présentait ses expériences d’enquêteur, ses commentaires, les dialogues avec ses locuteurs ainsi que ses observations. Il mélange à loisir des extraits de son carnet d’enquête, ses sentiments, les informations des journaux et les propos, parfois enregistrés de ses locuteurs. Il rend compte d’une expérience, la fréquentation assidue d’une salle de boxe de Chicago où naissaient les plus grands champions. Il présente donc, de l’intérieur, un monde où il est le seul « blanc » à s’entraîner, échelle microscopique, pour rendre compte des propos des acteurs, boxeurs amateurs ou professionnels et de leur entraîneur – le vénéré DeeDee – mais surtout de ses propres émotions dans la préparation du combat.

Tel Gide dans Les faux monnayeurs, Wacquant juxtapose différents types de textes chacun correspondant à ses perceptions, le compte-rendu de ses enquêtes, ses observations, ses opinions, des extraits de son carnet d’enquête, la transcription d’extraits d’entretiens enregistrés… autant de points de vue et d’écritures différents mais néanmoins complémentaires qui donnent à voir au lecteur la vie d’un boxeur sous différents angles.

Outre le « jeu », Wacquant présente donc une « anthropologie de l’acteur », de l’indigène, au fur et à mesure de ses expériences successives séparées par le déroulement du temps. Mais pour comprendre les situations successives qu’il rencontre, les personnes qu’il croise, il est amené à s’intéresser aux trajectoires des individus, aux contextes de leurs vies y compris la sienne.

Curieusement, si au début du livre il éprouve le besoin de recourir aux banalités répétées des grands ancêtres, Durkheim, Mauss… il finit par les abandonner au profit du magnétophone qui apparaît aux 2/3 du livre (les paroles des acteurs) et de la présentation de situations comme le match, pardon la « réunion », de Curtis, formidable expérience dont il est un des protagonistes. Non seulement il décrit le déroulement de l’événement mais il se met en scène dans l’action pour ensuite chercher à expliquer les conduites des uns et des autres dont la sienne. Outre l’expérience – fréquentation assidue d’une salle de boxe de Chicago – les ghettos seraient-ils le lieu privilégié des meilleurs « bourdieusiens », pensons à Philippe Bourgois avec ses drogués new-yorkais?

Wacquant s’inscrit ainsi dans cette anthropologie de l’acteur qui non seulement parle à la première personne mais présente les situations dans lesquelles le chercheur rend compte de ses propres expériences, dans lesquelles il est impliqué.

Ultime détail, les occitanismes montrent que Wacquant est de Montpellier.

Bernard Traimond


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