Chronique poésie
Chacun y va de sa phrase, l’une incisive, l’autre ciselée, directe à l’uppercut ou stylisée, c’est la rentrée. Et le gros du bataillon littéraire cultive sa force de vente, à coups de griffe. On ne voit que des romans. L’édition poétique avance à flux détendu trois semaines derrière le lancement officiel, qui suffisent à rappeler son absolu bienfait. Absente au présentoir des meilleures scores de la quinzaine, la fonction sacrée se combine jusqu’à la composition du livre, l’obligeant à d’autres règles formelles. Gérard Haller, Claude Ber, Laurent Albaracin, Jacques Demarcq, Régis Lefort, Maulpoix, Giovanoni, Edith Azan sont quelques noms dans cette rentrée.
« Modulation » pour dire l’oiseau vif, moteur interne de tout poème en lisière de la littérature. Furtivement étrangère à tout ce qui pense, la modulation chante. Ou change, corrigera l’électronicien : la modulation transforme un signal, c’est sa loi. Pour Merleau Ponty, la poésie est modulation de l’existence, quand le roman s’attache aux événements inter-humains. Jacques Demarcq change et chante, reste sur sa branche mais s’autorise des voyages, fait entrer éléphantes crabes ou phacochères dans les vies volatiles de son titre, chez « Nous ». L’édition se fait réédition d’exploits et d’empreintes. Livre constellé, illogique & calligraphique, carnet de voyages, collages, méditations et traductions d’oiseaux. Autre chant autres mœurs. D’où qu’on les prenne, ses oiseaux nous cueillent. La Vie volatile est un achèvement à n’en plus finir des Zozios (2008), à propos desquels Jacques Demarcq dit qu’à la manière d’un alcoolique il a arrêté. L’oiseau serait ce qui rend la poésie plus interessante que de la poésie, pour paraphraser Fillioud. « Les oiseaux sont une chance à saisir à l’égal de l’amour. Leur prêter attention amplifie la vie. »

L’affaire Panthéon est en passe de se régler. On sait que des bandes adverses s’y frottaient et ce sont les gardiens du lieu qui ont trouvé la solution sous la forme monumentale d’un tombeau pissotière modèle Alcide Bava à la mémoire des Vilains Bonshommes. Cela fait défaut à l’actuel bâtiment et pour les restes des deux illustres, leur valeur générique suffit à les valoriser : Arthur & Verlaine gamme créative, accessoires et paletots gays. Un coin buvette, pourrait y être adjoint pour une absinthe verte et naturelle, donnant avec la récupération des urines une façade écologique et néanmoins délinquante au futur projet. Surtout, pas question de léser Charleville, son cimetière, où l’on raconte que Rimbaud reçoit encore une moyenne de deux lettres par mois. Au Panthéon, les graffitis seraient permis, conservés et classés.
Jacques Bonnaffé