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Une chose menant à une autre, de Joy Setton

Publié le 29 novembre 2020 par Francisrichard @francisrichard
Une chose menant à une autre, de Joy Setton Que reste-t-il, peut-on se demander si on retire de la philosophie les parties critiques et questionneuses? L'affirmation, la formulation et la re-formulation.

Dans ce livre Joy Setton s'en donne à coeur joie. Elle emmène prétendument le lecteur dans une promenade parisienne mais c'est pour mieux le conduire ailleurs.

Dans le métro, elle lit un conte érotique de Robbe-Grillet et se rappelle Baudelaire. Dans le Jardin des Tuileries, elle continue de le lire et il lui fait penser à Joyce:

Au poste suicidaire de l'avant-garde, Robbe-Grillet rejoint Joyce; ils s'immolent tous deux sur l'autel de la modernité.

Séparée des attendus de ce jugement, la sentence paraît sévère, mais l'auteure, en fait, ne s'en laisse pas conter...

Elle critique et sépare le bon grain de l'ivraie, en parcourant les allées et perspectives du Jardin:

Je lis Foucault pour le langage; je ne veux pas dire par là ses développements sur la nature du langage, mais pour son style, les belles phrases, l'arrangement de verbes, de noms, de prépositions et de virgules.

Quand elle arrive au bassin, Une chose menant à une autre, elle qui n'est chrétienne que par les personnages de romans qu'elle a lus, s'en vient à parler de péchés bien qu'il n'y ait plus de cette poiscaille dans nos mares :

Le système des péchés regarde l'action, un peu l'intention, mais finalement assez peu les conséquences.

Comme elle aime créer des catégories (même si pas de catégorie sans empiétement), elle catégorise les actions répréhensibles: Dans le discours [...], le mensonge; dans les actions interhumaines, la cruauté; et dans le monde physique, le gâchis.

Assise sur un banc, au bord du bassin, elle lit L'Amour et l'Occident de Denis de Rougemont et mène une réflexion sur la vision morbide que l'Occident a de l'amour. Elle y voit surtout de la paresse: Même en matière de tentation, ne pas faire est souvent plus facile que faire...

Au Palais d'Orsay, L'Origine du monde de Courbet la conduit, de fil en aiguille, à encourager des actions, quelque imprécises qu'elles puissent être, pour contrecarrer celles qui sont répréhensibles: Il faut parler le mieux possible, écrire juste, être gentil et poli, et efficace; et faire de l'art...

Mais c'est à la Comédie Française qu'elle donne toute sa mesure - les deux plus gros chapitres du livre -, en partant du pamphlet de Stendhal sur Racine et Shakespeare, puis en lisant des livres scientifiques, enfin en déconstruisant Descartes pour finir par dire qu'il gagne à être connu...

Les auteurs déjà cités, avec lesquels elle se promène impertinemment ne sont pas les seuls. Il serait vain de citer tous ceux, principalement français et anglo-saxons, qui lui viennent à l'esprit, toujours critique, lors de sa déambulation littéraire, philosophique et scientifique: ils sont trop nombreux.

Un peu avant d'arriver à la fin de cet ouvrage jubilatoire, et impossible à résumer parce qu'il part dans tous les sens (il ne faut d'ailleurs pas négliger de lire l'appendice où elle se dévoile), l'auteure écrit cette phrase qui peut laisser rêveur ces temps-ci:

De parler de choses que l'on ne connaît pas, n'est-ce pas l'essence même de la science, au contraire de l'écriture romanesque qui parle de choses que l'on peut connaître, les passions de l'âme.

Francis Richard

Une chose menant à une autre, de Joy Setton, 192 pages, Éditions La Baconnière

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