Hegel a la réputation d'être tellement incompréhensible que je n'ai jamais tenté de le lire. Pourtant, je me demande parfois s'il n'y a pas quelque-chose d'évident à l'origine de toute cette complexité.
A son époque (les Lumières) la grande histoire de l'Europe était celle de la liberté et de la raison : "la raison apporte la liberté". En conséquence tous les philosophes d'alors se demandaient comment libérer l'humanité par la raison. C'était à qui trouverait le premier la réponse à cette question.
Et si c'était cela la "chose évidente" ? Ce que fait Hegel, ce n'est pas de démontrer cette assertion, car elle est supposée juste, par tous ! C'est de partir d'elle pour en tirer des conséquences logiques ?
Concrètement, comment aurait procédé cet hypothétique Hegel ? "Nous serons un jour libres et raisonnables" signifie que nous ne le sommes pas. Point. Tout le raisonnement vient de là, il est purement formel ! Il suffit de tirer le fil :
Le contraire de "libre" est "aliéné". Le rôle de la "raison" est (donc) de nous libérer de "l'aliénation". Or, depuis les Grecs, la "dialectique", un raisonnement qui procède par contradictions, est la marche que suit la raison pour parvenir à la "vérité". Puisqu'il est libéré par la raison, l'homme est "aliéné", parce que ce qu'il croit "vrai" est "faux". Donc, il sera libre le jour où il verra la "vérité". Autrement dit, il est libre, mais il ne le sait pas, faute de disposer d'une raison en état de marche ! C'est cette raison imparfaite qui le conduit à la servitude !
La raison parfaite, celle, donc, qui libère, a peut-être quelque-chose à voir avec la société. Nous tendons à croire que la société est un "super être" qui transforme ses constituants (les hommes) en rouages. Ce pourrait être une erreur de raisonnement. Comment cela peut-il être possible ? La société à sa dernière étape de développement pourrait être à l'image de notre corps. Imaginons que notre corps ne soit pas une machine, mais un ensemble d'êtres doués de libre arbitre et qui nous permettent d'être ce que nous sommes, en étant ce qu'ils sont, sans contrainte, comme un orchestre sans chef d'orchestre. Nous sommes intelligents, et nous apportons à ces êtres (les cellules) ce qu'ils n'auraient pas pu obtenir d'eux-mêmes, Internet et ce blog, en particulier. Ce serait cela la société "à sa dernière étape de développement", et donc le résultat de la "raison parfaite".
Oui. Mais ce raisonnement, purement formel, a-t-il le moindre intérêt ? Je mets des guillemets à certains mots ("vérité"...), parce que ces mots n'ont aucun sens a priori (surtout pas celui qu'on leur donne dans la vie courante). Ce sont des "inconnues", dont on trouve la valeur en appliquant le modèle à la réalité. C'est vrai, en particulier, pour "libre" et "raison" ! Voilà ce qui fait l'intérêt de ce travail :
Quand il applique ce modèle formel au passé, mon hypothétique Hegel a l'espoir de trouver la valeur des "inconnues" "vérité", "liberté" ou "raison". Et comment se manifeste la "dialectique".
Illustration ? Que signifie "liberté" ? Ce serait la "société à sa dernière étape de développement". Cette société nous donnerait des possibilités inconcevables aujourd'hui. Etre libre ne serait donc pas "pouvoir nous agiter dans tous les sens", façon 68, mais profiter des capacités (inconcevables aujourd'hui) d'un "sur être", de même que nos cellules participent à ce qui fait notre vie, Internet et ce blog, en particulier.
Bien sûr ce n'est qu'une hypothèse concernant la pensée de Hegel. Mais il me semble que la démarche décrite ici pourrait être le véritable travail du philosophe. Le philosophe ne doit pas "démontrer", c'est impossible. Il doit partir d'hypothèses sur la nature du monde et chercher leurs conséquences logiques. Il n'affirme pas "le monde est comme ci ou comme ça". A la rigueur, il peut dire : "si nous suivons cette route, voici ce qui peut en résulter, êtes vous prêt à vous y engager ?". Serait-ce le travail de la raison ?