Six ans après Gone Girl, c’est sur Netflix que David Fincher a choisi de présenter Mank, son nouveau long-métrage. Un choix qui avait de quoi laisser perplexe au départ, compte tenu notamment de l’amour du réalisateur pour le grand écran, mais qui prend finalement tout son sens à la vision du film. Une œuvre aussi singulière et complexe, de surcroît en noir et blanc, avait effectivement peu de chance de séduire les grands studios de cinéma.
Au-delà de sa forme atypique, c’est néanmoins surtout le fond qui passionne ici. A travers cet épisode d’écriture du scénario de Citizen Kane, le long-métrage propose en effet une histoire dense, abordant une multitude de thématiques telles que l’industrie cinématographique des années 30, bien sûr, mais aussi la politique, l’intégrité, les remords ou encore la puissance idéologique de l’art (qui peut aussi se transformer en propagande). Une richesse de sujets qui rend le film extrêmement complexe à appréhender, et qui le place donc par la même occasion parmi les œuvres à visionner plusieurs fois pour en saisir réellement toutes les subtilités. Construit sur deux lignes temporelles qui semblent régulièrement se répondre (celle du présent où l’on suit Mankiewicz élaborer le fameux scénario, et celle du passé où l’on découvre son évolution tumultueuse dans le milieu hollywoodien), le récit puise notamment sa force dans la qualité de ses dialogues, chacune des interventions des personnages faisant mouche pendant plus de 2 heures.
Formidablement mis en scène, Mank dévoile, scène après scène, une galerie de personnages tous plus charismatiques les uns que les autres, de laquelle émerge magnifiquement l’anti-héros interprété par Gary Oldman. A nouveau sensationnel dans la peau de ce scénariste désabusé et cynique, l’acteur britannique livre en effet une partition sans la moindre fausse note, évitant de sombrer dans le cabotinage grotesque qu’un personnage constamment imbibé d’alcool comme celui-là pouvait engendrer. Au contraire, le comédien fait montre d’une belle nuance de jeu, lui permettant de retranscrire, outre l’humour grinçant, toute la tendresse et la sensibilité du célèbre scénariste. A ses côtés, difficile d’extraire une performance plutôt qu’une autre tant l’ensemble du casting s’avère convaincant. On appréciera toutefois la malice du personnage incarné par Amanda Seyfried, dont les interactions avec Mank sont assez savoureuses, ainsi que la jolie dévotion de Tuppence Middleton, parfaite en épouse aimante et dévouée. Malgré le relatif retrait de son personnage, que l’on imagine au départ seulement dans l’ombre de son mari, ses échanges avec lui sont parmi les plus délicats du film.Pour son premier film en six ans, David Fincher livre donc, avec Mank, un biopic dramatique extrêmement dense, aussi complexe que singulier. A travers l’histoire de l’écriture du script de Citizen Kane par Herman J. Mankiewicz (dit Mank), scénariste cynique très porté sur la boisson, le réalisateur propose un point de vue caustique sur le Hollywood des années 30. Emmené par un Gary Oldman étourdissant dans la peau de cet anti-héros, le film vaut autant pour sa plastique remarquable que pour la richesse de son propos. Une petite pépite !