Pourquoi une femme aussi belle viendrait me chercher à la gare, serait-elle aveugle, ou quoi? La femme avait les yeux couleur miel de sapin...
Le narrateur ressemble à l'auteur. Comme lui, c'est un paysan qui a été mis à la retraite après cinquante années de labeur, d'abord dans les alpes, puis dans une ferme, et qui, pour se maintenir en vie, écrit des romans:
J'ai de la chance, on me le demande, et je m'exécute volontiers, mais ça me prend du temps, et si je veux garder mes personnages jusqu'à la fin, je dois enrichir leur curriculum vitae.
Il ne sait pas raconter les histoires, alors il les écrit. Quand une femme se croit amoureuse de sa figure littéraire, il appréhende, parce qu'il sait bien qu'après qu'elle l'aura rencontré, ce sera pour elle la douche froide.
Ce n'est pas le cas avec la première femme dont il est question dans ce récit et qui l'accueille dans la gare de la ville où il doit participer à des journées littéraires organisées par l'Office de la culture du canton.
Ce premier personnage de Roman de gares, il l'appelle Iveline, mais elle préfère qu'il la prénomme Marianne dans son livre, ce à quoi il consent bien volontiers, d'autant qu'elle n'est guère gênée qu'il soit un SDF.
Cependant Marianne, nom d'emprunt ou pas, ne veut pas que leur liaison se sache, ou plutôt que son mari l'apprenne, parce que ce vieux con le prendrait très mal, vu qu'il occupe une position importante, surchargée...
Entre deux histoires de gare, le narrateur écrit comment il est devenu berger avec ses propres bêtes pour quelques saisons d'alpage avant de se retrouver dans une ferme où il aura passé quelque quarante-cinq ans.
Pour ce retraité nomade, les gares sont des lieux non seulement où les trains s'arrêtent et repartent, avec ou sans lui, mais où ses amours charnelles peuvent naître sans lui faire oublier les purs bonheurs de sa vie d'antan.
Dans un train, il rencontre Dina: rien à voir avec Marianne, car elle est dans la simplicité. Il la revoit dans un café après leur descente du train. Mais il se fait peur d'introduire ainsi une seconde femme dans son roman:
Ce n'était pas du tout prévu.
Leurs amours sont facilitées parce qu'ils appartiennent à un monde similaire. Peut-être que ce qui les rapproche le plus, c'est qu'ils ont l'une un ex et l'autre une ex... et que Dina ne se révèle pas si superficielle que ça...
Francis Richard
Roman des gares, Jean-Pierre Rochat, 136 pages, éditions d'autre part
Livre précédent:
Petite Brume (2017)