Le parti de Cabral Libii a perdu les élections régionales dans son fief, en faveur du Rdpc, mais dans un contexte d’hostilité aigue contre l’émissaire du comité central, le Secrétaire général adjoint Grégoire Owona. Enquête !
L’affaire fait encore grand bruit. Les résultats des dernières élections régionales au Cameroun disponibles et rendus publiques par Elecam, la semaine dernière. La razzia du parti au pouvoir, plus que jamais incontestable, ce d’autant que le Rdpc contrôle l’ossature du collège électoral constitué des conseillers municipaux. Au terme des verdicts, les dix commissions régionales de supervision ont dévoilé le choix des grands électeurs. Les partis politiques, 14 au total, engagés dans cette consultation électorale, voient émerger quatre qui obtiennent des sièges dans les conseils régionaux. A noter, la très forte avance du Rdpc, suivi de loin par l’Undp, l’Udc et le Fsnc. Mais la plus grande surprise dans le grand Sud Cameroun, vient du département du Nyong-Ekelle dans la région du Centre. La claque du Rdpc au Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn) qui n’obtient aucun conseiller régional dans son fief, le Nyong-Ekelle. Le parti de Cabral Libii qui disposait pourtant de la majorité dans cinq conseils municipaux (128 voix) a été boudé par certains de ses grands électeurs. Un feuilleton sans précédent qui laisse pantois et suscite moult interrogations. Que s’est-il passé dans le Nyong-Ekelle lors de ces élections régionales ?
Dissidences ou désaccords parfaits au Pcrn ?
Après l’euphorie de l’élection présidentielle de 2018 au Cameroun, Cabral Libii, arrivé 3ème avec 6,28% de suffrages exprimés, a réussi par un coup de force, à se défaire du parti Univers de Nkou Mvondo, pour se hisser au Pcrn. Un parti basé à Yagoua dans la région de l’Extrême-Nord, totalement inconnu de la scène politique dans notre pays. Bon an, mal an, Cabral Libii va réussir un petit coup de force en remportant cinq sièges à l’Assemblée Nationale, lors des élections couplées des législatives et municipales de 2019, qui vont le porter comme député du Nyong-Ekelle, dont il visait vraisemblablement le contrôle total comme base électorale. Le Pcrn va contrôler quasiment six des dix communes que compte ce département.
L’affaire paraissait pliée pour certains, la majorité des conseillers municipaux étant acquis au parti du 3ème à la présidentielle au Cameroun. Entre temps, beaucoup d’eau vont couler sous les ponts. Les clashs des investitures et des élections dans les exécutifs communaux vont rester présents dans les esprits et créer les premières lignes de fractures profondes au sein de ce parti. Dans les communes de Makak et Eseka, où les confrontations seront ouvertes, Cabral Libii va essuyer les affronts et les défiances de ses partisans. Deux maires seront érigés par la volonté des conseillers municipaux, et non, celle du leader du Pcrn qui avait choisi d’autres candidats à l’investiture. A Makak, deux conseillers municipaux nous révèlent : « nous ne pouvons pas accepter le dictat et l’autocratie qu’on veut nous imposer (…) Nous l’avons rejeté avec le Rdpc à l’époque où nous étions encore à l’Upc ». Dès lors, le Pcrn prend-t-il de l’eau ? Son leader, Cabral Libii n’a-t-il plus le contrôle de ses lieutenants ? Le sujet est dans toutes les conversations à travers les principales villes que sont Makak, Messondo etc. Un habitant plus amer déclare : « on ne comprend pas notre frère Cabral. Il nous ramène des personnes comme Charly Gabriel Mbock, pourquoi en faire encore…Alors que nous, on pensait qu’il est jeune, et devait faire émerger des jeunes comme lui ».
L’Upc, trouble-fête ?
La contre-performance du Pcrn coïncide avec le retour de l’Upc mis à l’écart aux législatives et municipales, et réhabilité par la Chambre Administrative où le parti de Um Nyobe avait introduit son recours. Le parti de crabe va rafler 20 voix au décompte final lors de ces élections régionales. Un ancien élu local explique que : « la vérité c’est que, Cabral et son parti sont venus recruter dans les rangs de l’Upc qui était mis hors course de manière arbitraire par Elecam, lors des dernières municipales et législatives. C’était un vote par conjoncture. L’Upc a servi de vivier électoral pour le parti de notre frère ». Visiblement, une situation mal maîtrisée au lendemain du double scrutin des municipales et législatives dans le Nyong-Ekelle. Selon certaines indiscrétions, les tractations entre le Pcrn et l’Upc n’ont pu prospérer à ce jour. Pas d’alliance, avec à la clé, des méfiances ouvertes entre les principaux acteurs politiques concernés.
Le Rdpc et ses opérations kamikazes
Le parti au pouvoir qui a toujours mordu la poussière dans le Nyong-Ekelle, hier, fief de l’Upc, et aujourd’hui dans une relative situation de contrôle du Pcrn, revient sur la sellette avec les conseillers régionaux. Le Rdpc a raflé toute la mise, remportant l’ensemble des délégués élus (10) et les représentants des chefs traditionnels (02). Un renversement spectaculaire qui dévoile toute la mastodonte du parti au pouvoir qui a dépêché, à la phase de constitution des listes, un superviseur, en l’occurrence, le Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières, Henri Eyebe Ayissi, réputé pour sa pugnacité et habitué des opérations difficiles. La phase de constitution des listes, en général, le point de discorde dans cette localité, sera au cœur de toutes les attentions. Henri Eyebe Ayissi, va réussir le pari du consensus, sur le choix des candidats dont la représentativité et la maturité sont reconnus dans le Nyong-Ekelle. Selon des sources crédibles, des initiatives auraient eu lieu pour convaincre au moins deux dizaines de conseillers municipaux dans les rangs du Pcrn, transfuges de l’Upc sur la protection des intérêts de leurs populations et de leurs localités. Des négociations sur des projets de développement communautaire mises sur la table dans un esprit de gagnant-gagnant. Ce qui va contraster avec des nombreux soupçons de collusion attribués au leader du Pcrn avec certains négociateurs du comité central du Rdpc.
Grégoire Owona pris en étau
A l’arrivée du Secrétaire général adjoint du parti au pouvoir, comme superviseur de la campagne électorale des régionales dans le Nyong-Ekelle, c’est une ambiance de tension et d’hostilité, qui attend l’émissaire du comité central du Rdpc. Des tracts ont circulé, mettant la tête de Grégoire Owona à prix. Le Ministre Grégoire Owona accusé de « traitrise », est présenté dans ledit tract, comme le mentor de Cabral Libih. Une source qui a requis l’anonymat, ajoute plus loin, que l’émissaire du comité central du Rdpc, a envisagé des pourparlers avec le conseil municipal de la commune d’Eseka, le 03 décembre dernier. Une initiative qui n’aurait pas associé certains responsables politiques locaux, à l’instar de Bell Luc René, Président de la Commission départementale du Rdpc pour le Nyong-Ekelle. Une source anonyme indique d’ailleurs, que cette démarche aurait irrité l’ancien patron de la sureté nationale. Toujours est-il que la tension est restée vive au cours du séjour du Ministre Grégoire Owona dans le Nyong-Ekelle, dont la présence a failli perturber la sérénité au cours ces élections, où le Rdpc a fini par l’emporter, après quelques frayeurs sur la dernière ligne droite.