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Rapports de la CONAC : Le Cameroun a réalisé des gains de plus de 1 652 milliards de FCfa

Publié le 17 décembre 2020 par Tonton @supprimez

Avec la publication ce jour de son 10 e rapport, l’institution relève des impacts notables dans la lutte contre ce fléau au Cameroun.

La Commission nationale anti-corruption (CONAC) présente ce jour le 10e rapport sur la lutte contre la corruption au Cameroun en 2019. Une activité régulière et permanente de cette institution, en application des dispositions de l’article 24 alinéas 3 et 4 de son texte organique. En effet, la CONAC est appelée à produire chaque année, un rapport sur l’état de ce fléau dans notre pays. Ce document est préalablement soumis à la haute appréciation du président de la République, puis rendu public. Une occasion solennelle de présentation du tableau synoptique de lutte, assorti des recommandations pour une meilleure mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de lutte contre la corruption. De plus, ce rapport présente les secteurs, administrations, régions dans lesquels la corruption fait de la résistance. De même qu’il mentionne le niveau d’adhésion des structures publiques et parapubliques à la lutte contre la corruption. A la CONAC, la publication du rapport sur la lutte contre la corruption est une activité majeure.

Elle est le fruit d’une série d’enquêtes menées par l’institution dans plusieurs secteurs de la vie publique. La CONAC bénéficie dans cette évaluation de la collaboration de la société civile, mais aussi des dénonciations de citoyens. En 2018 par exemple, elle a enregistré 23 048 dénonciations d’actes de corruption. Un accroissement exponentiel au regard des 482 cas similaires en 2010, tel que mentionné dans le premier rapport publié en 2011. Par ailleurs, dans le cadre de la production dudit document, de nombreux autres acteurs institutionnels à l’instar de la Cour suprême et de sa Chambre des comptes sont également impliqués. Les Services du Contrôle supérieur de l’Etat et l’Agence nationale pour l’investigation financière (ANIF), autres institutions de contrôles, sont aussi ses partenaires importants.
Pour ce qui est de l’impact de ces rapports, l’on indique à la CONAC qu’un important gain financier a été enregistré ces dix dernières années. En effet, entre 2011 et 2017, les gains financiers cumulés grâce aux investigations de la CONAC sont de 1 652,5 milliards de F. Ceci grâce à la collaboration avec le Tribunal criminel spécial et la Cour suprême. En 2013 par exemple, l’on avait recouvré plus de huit milliards de F notamment dans le secteur de la téléphonie et des virements frauduleux. Le recouvrement de plus de sept milliards de F avait également été engagé. Par ailleurs, grâce aux alertes lancées par la CONAC, les caisses de l’Etat ont été à l’abri d’un siphonage de 34,5 milliards de F. C’était dans le domaine des indemnisations des terres dans le cadre de la construction du complexe industrialo-portuaire de Kribi, et l’avenant relatif à la construction de la route Ayos-Bonis. La CONAC a continué dans la même lancée, entre 2013 et 2017, en intensifiant les dénonciations. Ce qui a permis de recouvrer et/ou d’éviter la distraction de plusieurs centaines de milliards de F.
Dans ce registre d’acquis, on note également le renforcement du cadre institutionnel, légal et réglementaire de la lutte contre la corruption. De nouvelles lois et réglementations sont entrées en vigueur, et de nouvelles structures créées. Ainsi, face à l’insuffisance de bonne gouvernance dans le secteur des marchés publics dénoncée par la CONAC dans l’un de ses rapports, l’on a noté en décembre 2011, la création du ministère des Marchés publics. En outre, la création du Tribunal criminel spécial la même année, est venue combler l’absence d’une juridiction spéciale pour le jugement des détournements des deniers publics de plus de 50 millions de F. Par ailleurs, le recouvrement des avoirs a été accéléré grâce à l’activation de nouveaux organes. Mais la CONAC sollicite plus de moyens et de pouvoirs, notamment à travers l’adoption d’une loi anti-corruption qui ferait d’elle une « Haute autorité de lutte contre la corruption ». En outre, l’on pense que qu’on peut lui attribuer la responsabilité du suivi des comptes ou fond recouvrés. De plus, un plaidoyer est mené en vue de décentraliser la CONAC et la rapprocher des populations et des services. A côté de ces « évolutions historiques » attendues, il faut ajouter l’accroissement des ressources humaines, matérielles et financières adéquates pour mener efficacement ses missions.

Rév Dr Dieudonné Massi Gams, président de la CONAC

Monsieur le président, quel retour avez-vous de l’impact des actions menées par la Commission nationale Anti-corruption depuis sa création ?

A en juger par les témoignages qui nous parviennent de l’opinion nationale, la CONAC est l’une des institutions dont les Camerounais sont très fiers aujourd’hui. Cette fierté découle de l’impact positif de cet organisme national de lutte contre la corruption que le chef de l’Etat a eu la clairvoyance de mettre en place par décret N° 2006/088 du 11 mars 2006. Les actions de la CONAC ont conduit à une prise de conscience des citoyens des ravages dus à la corruption. On note une résistance de la plupart des camerounais à la corruption. Cela s’explique par les activités de sensibilisation de la CONAC. Le nombre de structures publiques, parapubliques et même privées à mettre sur pied des cellules de lutte contre la corruption va croissant au fil des ans, de même que le nombre de dénonciations d’actes de corruption. Le nombre de dénonciations a explosé avec l’avènement du numéro d’utilité publique de la CONAC, le 1517. Il est de 11 930 au titre de l’année 2019. Ces dénonciations, les actions d’auto saisine de la CONAC et l’engagement des Camerounais, suite à la sensibilisation de la CONAC, ont montré que la corruption n’est pas une fatalité. Cela a abouti aux emprisonnements, aux reprises des travaux mal exécutés et aux réparations de tout genre. Pour l’Etat, les gains financiers cumulés, de 2011 à 2017, sont de plus de 1 652 milliards de FCFA. Il faut reconnaître que le cadre d’une interview est assez réduit pour rentrer dans les détails de cet impact. Ce qui demeure constant, c’est que la masse critique d’acteurs positifs prêts à dire non à la corruption, recherchée par la CONAC, se réalise indéniablement.

Dans l’opinion, l’on pense tout de même que dénoncer c’est bien, mais punir les auteurs des actes de corruption serait encore mieux. Qu’en pensez-vous ?

Les contrats de corruption qui lient les parties sont généralement conclus dans les secrets les plus profonds possibles. Pour les pénétrer, il faut conduire des investigations parfois très risquées. C’est au bout de ces investigations qu’il faut punir, le cas échéant. S’il n’y a pas de dénonciation, la lutte contre la corruption ne peut pas être pleinement menée. Vous comprenez que pour punir, il faut parfois passer par les dénonciations. Heureusement, les Camerounais ont bien pris conscience de cela. Nous les exhortons à le faire davantage. Cependant, il faut distinguer les cas de flagrants délits de corruption qui sont régulièrement traduits en Justice et les cas qui nécessitent des investigations complexes pour mieux circonscrire le mal et ses implications. Car l’une des missions de la CONAC est de proposer des mesures de nature à prévenir ou à juguler la corruption. Cette mission ne doit pas être perdue de vue dans ses interventions. Nous avons coutume de rappeler que le savant dosage pour mieux lutter contre la corruption c’est 70% de prévention et 30% de répression. Cette prévention passe par la promotion de l’intégrité, l’adoption des textes qui encadrent mieux la fortune publique et la connaissance par les citoyens de leurs droits. S’agissant justement des textes, la ratification par le Cameroun le 1er avril 2020 de la Convention de l’Union africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corruption est un acte fort du président de la République en matière de lutte contre la corruption. Cette Convention adresse implicitement l’enrichissement illicite, la déclaration des biens et avoirs.

Pour que vos rapports annuels aient encore plus d’impact, le renforcement des pouvoirs de la CONAC ne s’impose-t-il pas ?

L’accomplissement des missions confiées à la CONAC ne se passe pas si mal. Mais, nous pouvons faire mieux avec un renforcement des ressources financières et humaines, la décentralisation de l’institution et surtout le pouvoir d’Officier de Police judicaire; ce qui permettrait à la CONAC de mettre directement les suspects à la disposition de la Justice, sans recourir à la Police ou à la gendarmerie. Nous pensons, aussi, humblement que la CONAC doit être plus proche des populations pour que la peur qui habite déjà le camp des corrupteurs et corrompus s’installe définitivement.

De façon générale, quelle perception avez-vous de la lutte contre la corruption au Cameroun ?

La lutte contre corruption au Cameroun se construit progressivement. A notre avis, le gros du travail est déjà fait. La corruption a depuis longtemps cessé d’être un tabou, les citoyens ont compris la nécessité de dénoncer cette gangrène aux ravages innombrables et les pouvoirs publics ont, en dix ans, de 2010 à 2020, multiplié les instruments et les institutions de lutte, pour mieux répondre à l’évolution du mal. Donc globalement, le Cameroun tient le bon bout.

Recueillis par Jean Francis BELIBI


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