Chroniques de l’ordinaire bordelais. Épisode 367

Interactions Interflora ou Deliveroo

Une voisine grand air sonne au portail. Mine un peu pincée.

-Je viens chercher mon poinsettia livré chez vous.

Je comprends tout d’un coup qu’elle me prend pour une opportuniste, pour ne pas dire mieux, qui a gardé pour elle un trésor qui ne lui était pas destiné.

Shocking !

J’explique : Il y a quelque jours un livreur, son pot à la main, m’est tombé dessus alors que je travaillais au jardin. J’ai demandé de qui cela venait, il m’a juste indiqué que cela venait du Canada, j’ai pensé que mon cousin du Québec dont je suis l’intermédiaire pour une succession en France me remerciait ainsi et j’ai juste dit « Ah oui, le Canada ». Le livreur s’est enfui aussitôt et alors que je demandais où était la carte expéditeur-destinataire inexistante il était déjà loin. Je vous préviens, la plante est malade et je l’ai mise dehors tellement elle est déprimante avec ses feuilles pourries. Mais le papier d’emballage est beau, je vais vous chercher le tout.

-Ma fille est à Vancouver, et votre cousin, il est d’où ?

Je vois qu’elle ne me croit guère et lui dis que ce cousin a mon nom, quasi mon prénom et qu’on tombe très vite sur lui avec internet, il est voyagiste, elle peut vérifier.

-Je vais rendre ce pot au fleuriste, il m’en a porté un autre. J’ai réclamé. Il m’a bien expliqué que c’était vous qui l’aviez. Ma pauvre fille a dû payer cher.

La moutarde me monte au nez. J’ironise : oui comme cela il verra ce qu’il vend et comme les gens sont déçus. Quand j’ai remercié mon cousin hier, j’ai compris qu’il y avait une erreur. Désolée, je n’ai pas pensé à vous, on n’a pas du tout la même adresse, vous sur l’avenue, moi sur le boulevard. Et puis pour une plante déjà morte comme cela, je n’allais pas sonner partout.

La voisine s’en va, air toujours aussi pincé.

Et voilà comment, quand on le dit avec des fleurs, ce n’est pas forcément pour fluidifier les rapports sociaux.

Vendre c’est bien mais livrer juste serait mieux. Rétribuer enfin honnêtement les livreurs ne serait pas un luxe. Sinon, quand on fait semblant de payer les gens, il ne faut pas s’étonner qu’ils fassent semblant de travailler.

Thérèse Marsan

11/12/2020