Titre : La cage aux cons
Auteur : Matthieu Angotti (scénario), Robin Recht (dessin) d'après "Le jardin du bossu" de Franz Bartelt,
Éditeur : Delcourt
Collection : Machination
Année : 2020
Page : 152
Résumé d'un histoire de série noire:
Un homme doit trouver de l'argent, pour que sa femme cesse de le houspiller. Au troquet du coin, il entend un type qui a trop poussé sur la bouteille clamer qu'il est riche et prêt à tout pour défendre son argent. L'homme, attiré par la promesse d'argent facile, le suit, dans l'idée de le dépouiller, voire de le cambrioler. S'infiltrant chez lui, il tombe sur un os. L'argent est bien là, mais le propriétaire aussi, armé d'un revolver...
Scénario d'un récit d'enfermement :
Notre héros, qui nous fait partager le récit avec sa voix off, est donc en mauvaise posture. Mais la situation va devenir de plus en plus étrange. Séquestré, mais bien logé, il se retrouve face à un homme manipulateur. Comment s'en sortir, comment fuir alors que toute la maison se révèle une vraie prison dorée ? Voilà ce qui va le hanter, au fur et à mesure qu'il découvre qui est en réalité son geôlier.
J'ai été emporté dans cette histoire. Au départ de forme classique avec l'arroseur arrosé, on finit par se demander où va le récit, quelle direction cela prend, on passe presque d'une série noire à un récit tirant vers l'absurde, où le syndrome de Stockholm côtoie l'instinct de survie. Les situations sont parfois curieuses, comme de voir notre héros condamné... à faire le ménage hebdomadaire de la demeure de son gardien !
Mais l'inquiétude monte d'un cran quand on se rapproche de la fin. Cette tension menée à son terme laisse tourner notre imagination. Je me demandais sans cesse "Mais là, il va se passer cela en fait ?" et paf, non. Du coup, je repartais vers une autre piste.
Cette adaptation est très réussie. On sent presque l'origine du livre, effectivement un recueil de la collection série noire. "La cage aux cons" fonctionne et suscite notre intérêt, et le graphisme y contribue tout autant que le récit, rondement mené.
Le dessin de série grise:
Le trait noir et blanc découpe les personnages sur un ciel éternellement gris. On sent le passage du crayon, la texture des décors, le noir profond des ombres, qui renforcent encore plus l'ambiance des déboires de cet anti-héros anonyme. Les personnages renvoient à d'autres têtes qu'on reconnait ou pas. Un policier traîne une dégaine à la Lino Ventura, alors que le tortionnaire de notre héros, avec ses lunettes rondes ne dévoilant pas ses yeux, nous rappelle un Scott Mac Cloud un peu âgé. Ce mélange des genres ne choque pas du tout.
Les décors réalistes mais grisâtres rendent bien cette ambiance de banlieue avec ses petits immeubles de un ou deux étages, ses bars, ses maisons en fond d'impasse, ses vieilles casses. On sent la pauvreté régner et la situation de notre héros est tout de suite claire.
Ce style graphique, ces gris texturés s'opposant aux traits noirs, charbonneux, sombres crée des contrastes forts. Peut-être plus fort encore que le simple noir et blanc.
Les pages nous offrent de belles compositions, ces fonds noirs aboutissant à un visage se découpant sur fond gris, coupé par ces volutes blanches de cigarettes, ou encore ces décors se répétant sur plusieurs cases alors que le dialogue avance. Tout s'agence pour créer cette ambiance lourde, ce sentiment d'emprisonnement, alors qu'on s'interroge sur le dénouement. La force de cette histoire n'est pas finalement qu'on se demande comment cela va se terminer, on en est sûr, jusqu'au moment où les choses changent, on s'imagine alors une autre fin, et on est encore surpris, et ainsi de suite.
Conclusion d'une BD hors cage:
La cage aux cons est une belle série noire. Une œuvre originale, étonnante, graphiquement mise en image de main de maître, et bien adaptée pour le neuvième art. On a presqu'un récit fantastique entre les mains. A lire !
Zéda rencontre la victime de la cage aux cons.
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