Pieces of a Woman // De Kornél Mundruczo. Avec Vanessa Kirby, Shia Labeouf et Ellen Burstyn.
A défaut d’avoir pu voir ce film au cinéma (d’ailleurs, on ne sait pas quand on pourra y retourner), Pieces of a Woman a été vendu à Netflix et le film de Kornél Mundruczo est mon premier choc cinématographique de 2021 (si j’exclus Madre qui est sorti en 2020). En 2014, le réalisateur hongrois m’avait bouleversé avec White God et il parvient à le faire à nouveau avec Pieces of a Woman. Ce film brille par sa façon de décortiquer le deuil périnatal d’une mère et tout le talent de ce film repose en grande partie sur le talent de Vanessa Kirby (Mission: Impossible - Fallout). Cette dernière parvient à donner corps à la psychologie de son personnage. Il me fait aussi un peu retrouver Madre d’une certaine façon car l’on parle aussi ici de la perte d’un être (qui n’a pas vraiment eu le temps de vivre dans Pieces of a Woman) et la scène inaugural est ici aussi un plan-séquence. C’est le point culminant du film où les émotions se font peu à peu ressentir jusqu’à cette fin du plan qui vient nous assommer. C’est ce plan qui fait aussi toute la force de Pieces of a Woman, plus que l’heure et demie suivante. Je retrouve alors ici dans la façon d’utiliser la caméra une volonté choisie d’épouser les émotions du moment tout en gardant par moment un regard un brin voyeur : la première scène de sexe post-décès entre Martha et Sean au milieu du film est terrifiante mais symbolise parfaitement tout ce qui est ressenti par les personnages à ce moment.
Vivant à Boston, Martha et Sean Carson s’apprêtent à devenir parents. Mais la vie du couple est bouleversée lorsque la jeune femme accouche chez elle et perd son bébé, malgré l’assistance d’une sage-femme, bientôt poursuivie pour acte de négligence. Martha doit alors apprendre à faire son deuil, tout en subissant une mère intrusive et un mari de plus en plus irritable. Mais il lui faut aussi assister au procès de la sage-femme, dont la réputation est désormais détruite. Pieces of a Woman est une chronique intimiste et déchirante de la vie d’un couple, et le portrait bouleversant d’une femme qui doit apprendre à faire son travail de deuil.
Dans son travail du deuil, Pieces of a Woman mélange la brutalité de la mort d’un enfant avec la façon dont les personnages changent au fur et à mesure que le film évolue. Sean devient un mari parfois violent, qui refuse d’abandonner et qui finit par être détestable. Shia Labeouf n’a plus rien à prouver en tant qu’acteur et démontre dans Pieces of a Woman une fois de plus sa capacité à se muer dans des rôles électriques, captivants. Si j’avais une remarque à faire à l’égard de Pieces of a Woman c’est probablement sa durée. Par moment, dans sa quête de contemplation, le film perd de son énergie. Mais traiter du deuil n’a jamais été un sujet facile et le récent Madre (auquel je ne peux résister de comparer Pieces of a Woman) avait aussi certains défauts. C’est donc parfois sur le talent et seulement le talent de Vanessa Kirby que tout Pieces of a Woman repose mais elle a de quoi fasciner tant sa prestation est brillante. Récompensée lors de la dernière Mostra de Venise pour son rôle, l’Oscar lui tend clairement les bras. Avec une envie frénétique de parler du deuil et du chagrin, Pieces of a Woman évite en tout cas l’écueil de tout ce que l’on a souvent vu et revu et qui aurait pu apparaître comme facile. En creusant l’humanité et sa psychologie, Mundruczo parvient à faire un film singulier et passionnant.
Note : 8.5/10. En bref, un film fort qui se déploie au rythme d’un deuil difficile à surmonter où Vanessa Kirby brille de milles façons.
Disponible depuis le 7 janvier 2021 sur Netflix