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Les racines de la diaspora

Publié le 17 janvier 2021 par Georges74

Un Afro-Américain s'installe dans un quartier pauvre de Dakar, loin des résidences sécurisées de la ville, et suscite la curiosité des habitants dont la plupart des jeunes travaillent sur les chantiers de construction avec l'espoir de trouver les moyens pour partir en Europe ou en Amérique. Comment se fait-il qu'un Américain vient vivre là, dans une maison sans luxe de Ouakam ? Dans les discussions, il se trouve toujours quelqu'un qui affirme, en secouant l'index comme un appel à la méfiance, que cet homme est un agent secret venu se fondre dans la population pour glaner des informations sur les projets cachés de la Chine en Afrique. Les Chinois sont en train de devenir les maîtres du continent, on le sait ; mais il paraît qu'ils ont d'autres idées derrière la tête pour accroître leur hégémonie et dominer le monde. C'est donc logique que les Américains envoient des agents secrets noirs pour espionner les Chinois en Afrique. Ainsi pensent-ils jusqu'à ce qu'ils découvrent les raisons ayant poussé cet Américain à venir s'installer sur cette terre.

Une histoire qui provoque d'abord une effervescence dans les têtes, puis la surprise et enfin la tristesse...

Il avait vingt-cinq ans lorsqu'il quitta son pays. Le jour de son départ, sa mère, souffrante, était allongée dans la petite chambre, la seule qui avait encore un toit étanche pour la protéger de la pluie. Quelques tiges de bambou plantées dans un vase en terre cuite posé à côté d'elle, lui tenaient compagnie pour lui porter bonheur et l'aider à guérir.

Dehors, sa fiancée l'attendait pour l'accompagner jusqu'à la gare. Elle retenait ses larmes pour ne pas pleurer devant le jeune homme qui partait gagner sa vie au-delà de la mer. Là-bas, il y aurait du travail pour tout le monde, il pourrait envoyer de l'argent pour soigner sa mère, et il reviendrait l'épouser.

Mais revenir n'est jamais facile lorsqu'on voyage au-delà de la mer...

Au moment où il revint enfin dans cette maison où il est né à Ouakam, trente ans plus tard, la petite chambre n'avait plus de toit. Dans la cour, il y avait quelques poules, un chien qui aboyait en l'apercevant, et une femme âgée qui l'attendait. Elle retenait ses larmes pour ne pas pleurer devant cet homme revenu d'un très long voyage. L'histoire ne dit pas qui était cette femme.

Chaque fois que je lis ce récit qui ressemble au conte de l'absence de Jammes, l'émotion m'étreint un long moment, et je me revois à Ouakam où j'ai vécu aussi dans l'attente d'une issue pour partir avec mes amis. Puis mon esprit se fige sur une silhouette, celle d'un Afro-Américain dont l'arrivée dans cette banlieue de Dakar provoqua d'abord une effervescence dans nos têtes, ensuite la surprise, et enfin la tristesse.

Le visage de cet homme m'est revenu suite aux dernières manifestations contre le racisme en Amérique et en Europe ; et je me souviens de tout maintenant. Je me revois là-bas à Ouakam comme si j'y vivais encore. Je me souviens de toute notre histoire à présent.

C'est ainsi que nous n'arrêtons pas de nous poser des questions sur cet Américain venu d'un monde qui nous fait rêver pour s'installer ici, près d'un étang moisi. ...

Lien du livre : racines-diaspora-Holassey-Georges

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