Passer de Trump à Biden, c’est un peu comme binge-watcher Les Marseillais à Cancun avant de regarder l’intégrale de Tarkovski, comme écouter un débat sur CNews avant d’écouter Laure Adler, comme se masturber avec un gant de crin avant de passer au gant de nouilles…Ca fait comme un bol d’air frais, une sensation de calme plus apaisante que n’importe quelle séance de méditation quotidienne. La fin d’un cauchemar pour toute personne sensée, le début d’un autre pour toute personne censée croire que Trump était la personne sensée…Pour eux, pas de révolution annoncée, pas de renversement inopiné, leurs prédictions envolées en même temps que Mr Orange vers la Floride. Ce territoire d’apparences et de vieux botoxés aux frais des fonds de pensions ricains, qui essorent depuis trop longtemps nos belles compagnies européennes, et où Mélania pourra fondre son inutilité glaçante, pendant que Monsieur perfectionne son swing autour de nouveaux trous.
Un peu de calme, d’humanité et de réflexion ne feront pas de mal dans une période où plus rien ne nous laisse penser qu’il y ait un jour un retour à la normale…
Et si, du coup, motivés autant que contraints par ces nouvelles perspectives, nous prenions le parti de vivre ces 50 ans dernières années juste pour le plaisir. Comme Herbert Léonard, mais avec bon goût et désinvolture. Revenir aux fondamentaux. Aux joies simples. Sans travail, sans argent, sans pression, sans 5G. Echanger, se prêter, se parler, se regarder, se voir. S’entendre sur à peu près tout. Se dire qu’on aura bien merdé quand même, mais que comme en colo, c’est toujours au moment de partir qu’on regrette de ne pas avoir embrassé Patricia Dubois. Tout ce qu’on a raté, tout ce qu’on n’a pas fait, ces frustrations laissées ici ou là pour faire plaisir à un patron, à la famille, à Jésus ou à d’autres personnages de fiction. Tout ces moments à vivre où l’on était déjà mort. Tous ces moments éveillés où l’on avait les yeux fermés. Tous ces moments à écouter les rumeurs et le tumulte plutôt que la sagesse et le silence. Tous ces moments à snober la nature plutôt que d’apprendre avec elle. Tous ces moments passés dans la peau d’un gros con plutôt que dans celle d’un être humain. Tous ces moments à avoir peur alors qu’on était les plus heureux du monde. De notre monde. Le seul qu’on connaisse, le seul qu’on aurait pu sauver…Tous ces moments où l’on aurait du rire plutôt que de pleurer ou de s’apitoyer sur son sort, à regretter le passé pendant qu’on détruisait déjà le futur.
Mais le 20 janvier c’était le jour des soldes. Et on n’avait pas le temps pour se poser autant de question. Et il y a un temps pour tout. Surtout pour faire de bonnes affaires ! Et braver le Covid pour un 40% sur cette jupe Zara, ça vaut bien un 40 de fièvre en rentrant à la maison. Il faut savoir rester chic pour le prochain confinement, les photos sur Insta ou sur Tinder. On ne sait jamais. On n’est pas à l’abri de tomber sur un mec bien. Un qui ne violerait ni ses enfants, ni ceux des autres, qui ne mangerait pas de viande, qui aimerait vos névroses, vos chats, et daignerait partager le bout de chemin qu’il reste sans penser au cul, au foot ou à la voisine. Bacri était un mec bien. Enfin, on pense. Garant d’une certaine classe et d’un esprit peu vu dans la comédie française « grand public », le bougon le plus célèbre depuis Jean Yanne s’en va à son tour, voir là-bas si les gens sont moins cons. Les français sont tristes de perdre finalement quelqu’un qui « dans ses films » leur ressemblait tellement. A défaut de 66 millions de procureurs, la France compte sûrement pas loin de 66 millions de ronchons. Un sport national, qui a parfois ses bons côtés…
Mais à force de râler, sait-on encore seulement rire ? Différentes affaires récentes montrent que non. Xavier Gorce et Plantu quittent Le Monde. La presse ne défend plus ses dessinateurs. Qu’ils aient peur de groupuscules religieux intégristes et très premier degré, passe encore, ils ont des armes, mais que l’on plie aujourd’hui devant des internautes, qui n’ont que des pseudonymes…En plus d’une fragilité psychologique et une susceptibilité un peu exacerbée. Les communautés (religieuses, sexuelles, alimentaires, vestimentaires, sportives, animalières…) s’érigent en gardiennes du temple, faisant régner la terreur sur des réseaux sociaux devenus incontrôlables, ramenant les débats et la pensée à la préhistoire. Non, on ne peut plus rire de rien, nulle part, sans que cela tourne au drame, frôle l’hystérie et alimente des discussions stériles entre fanatiques de quelque chose. L’humour n’est pas donné à tout le monde. Même si tout le monde pense avoir de l’humour. Que les choses soient dites, même si, à ce niveau du texte, les pourfendeurs probables ont déjà arrêté de lire depuis la 3e phrase: plus une société s’appauvrit culturellement et intellectuellement moins elle a de recul. Donc d’humour. Ce qui nous distingue pourtant des animaux. Comme le plaisir.
Et ce n’est pas parce que ces notions là nous manquent cruellement aujourd’hui, qu’il faut devenir aigris et détestables en attaquant tous ceux qui ne pensent pas comme vous. On ne peut pas être Charlie contre Daesh, mais pas Charlie avec les pingouins ! Si Violente Viande vous touche (avec ses mots), lisez-le, et partagez-le. S’il vous débecte, désabonnez-vous et lisez Arsène Lupin. Il n’y a pas de sujets tabous. Il n’y a que des gens pas prêts. La vie dehors sera toujours plus violente et dégueulasse que n’importe quelle chronique, que n’importe quel dessin, que n’importe quel sketch. Que personne ne vous force à lire, à regarder ou à écouter. Indignez-vous pour de vrais sujets, de ceux qui mettent réellement la survie de cette planète en danger. Comme ce dernier titre de Gims et Black M, César…Au sommet du cynisme, les mecs ne se font plus chier à écrire des chansons. Ici, ils reprennent l’air de ‘’Savez-vous planter les choux’’ pour s’assurer un succès immédiat chez les 5-10 ans, leur cœur de cible. Quand on pense avoir touché le fond avec Jul…Pour les autres qui n’auraient plus d’inspiration (en ont-ils eu un jour ?), je vous propose la vraie version d’«Il fourre, il fourre le curé », véritable hit en puissance qui prendra toute sa saveur dans les cours de récré ou chez les scouts. Il serait temps de se rendre compte que les légendaires chansons pour enfants cachent souvent des textes coquins et paillards. Autre temps, autre mœurs, comme on dit chez les Duhamel.