Si le défi du réchauffement climatique se fait chaque jour plus pressant, les actions concrètes et pertinentes destinées à le relever restent relativement rares. Voilà une excellente raison de mettre en avant cette initiative de la néerlandaise Rabobank, qui capitalise intelligemment sur les spécificités de son positionnement.
Naturellement, dans cette lutte, la meilleure approche consistera toujours à réduire au maximum les émissions de gaz à effet de serre. Les démarches de compensation ne représentent qu'un pis-aller, néanmoins essentiel afin de prendre en compte et traiter la production résiduelle, incompressible parce que la neutralité totale n'existe que dans les discours marketing. Hélas, en la matière, les idées et les projets abondent et tous ne sont pas recommandables, même quand ils procèdent de bonnes intentions.
Or le dispositif agroforestier mis en place par Rabobank est exemplaire, bien que reposant fondamentalement sur un principe d'équilibrage des émissions de CO2 par la plantation d'arbres, généralement décrié entre autres en raison des incertitudes sur son suivi et du temps long nécessaire avant d'être opérationnel (l'efficacité étant optimale à maturité, au bout de plusieurs années). Non seulement parvient-il à éviter habilement ces pièges, mais il introduit également quelques composantes originales admirables.
En pratique, le concept s'appuie sur une place de marché, élaborée avec Microsoft pour ses aspects techniques, où sont invités à se connecter, d'une part, les grandes entreprises désireuses de compenser (financièrement) leurs émissions de gaz à effet de serre et, d'autre part, de petits fermiers africains engagés dans le programme, et qui, à ce titre, développent et cultivent des parcelles forestières, dont la croissance régulière constitue un volume mesurable de carbone séquestré prêt à la « vente ».
En réponse aux objections habituelles sur l'opacité de la valorisation de l'équivalence entre un arbre semé et une consommation de gaz à effet de serre, le système se veut aussi transparent qu'objectif : une combinaison d'algorithmes analytiques et de capteurs distants, capables d'évaluer la progression de la biomasse, permet de calculer les quantités factuelles de gaz carbonique absorbées afin de produire cette dernière. Ce qui est distribué sur la plate-forme correspond ainsi à une réalité et non à une projection.
Il faut enfin, et surtout, souligner la dimension globale de la solution. En premier lieu, elle joue sur les relations nord-sud, particulièrement critiques dans le domaine de l'environnement : les principaux responsables des problèmes sont les pays développés tandis que leurs victimes les plus menacées se trouvent dans les régions défavorisées, notamment en Afrique. Le transfert des compensations entre les mêmes protagonistes est donc un facteur de justice écologique (comme le proposait autrefois CO2Solidaire).
Par ailleurs, la méthode retenue ne se contente pas de reverser aux bénéficiaires ce qui pourrait s'apparenter à des subventions pécuniaires. L'encouragement à planter des arbres (productifs, tels que manguiers, avocatiers, acacias…) contribue également à la solution de manière indirecte, en aidant les fermiers à diversifier leurs cultures, voire à les adapter aux conditions changeantes, et, de la sorte, à assurer la résilience à la fois de leur activité et de l'approvisionnement en nourriture sur leurs territoires.
Outre l'affirmation de son implication dans la protection de la planète et, plus précisément, dans l'atteinte des objectifs de l'accord de Paris, Rabobank exploite brillamment ses qualités intrinsèques afin de proposer un dispositif unique, parfaitement adapté à sa situation dans le paysage économique : son ancrage profond dans le secteur agricole, sa présence simultanée dans des pays occidentaux et en Afrique (orientale), sa maîtrise des échanges financiers internationaux, facile à décliner sur un marché « parallèle »…