Dans les dédales du séjour en terre camerounaise, du Secrétaire d’Etat du Saint-Siège, favorable pour contribuer à travailler pour le retour de la paix, la justice et la réconciliation dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Séjour sans répit pour le Cardinal Pietro Parolin au Cameroun. Les cinq jours passés loin du calme apaisant du Vatican, n’ont pas été de tout repos pour l’infatigable émissaire. Surtout son passage en région anglophone, principalement à Bamenda où le numéro 2 du Saint-Siège a célébré à la Cathédrale, sise au quartier Mankon, le rite d’imposition du Pallium à Mgr Andrew Nkea, désigné par le Pape François il y a 13 mois en remplacement de Mgr Cornelius Fontem Esua, démissionnaire. Le Cardinal Christian Tumi, Mgr Abraham Kome, président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun, Philemon Yang, l’ancien Premier ministre, Chef du Gouvernement, ont aussi assisté à cette cérémonie qui a connu une grande mobilisation de la communauté chrétienne catholique de la province ecclésiastique de Bamenda. A retenir de l’homélie de circonstance de l’envoyé du Saint Père, son invite aux différentes parties en conflit, à la tolérance, à abandonner la voie de la violence pour emprunter celle du dialogue, le seul moyen de sortir de l’impasse.
Négociations avec le Saint-Siège
Le Cardinal Pietro Parolin parti, l’heure est aux leçons à retenir de cette visite née apprend-on, de la volonté affichée de Paul Biya, le président de la République, de « résoudre définitivement cette crise avant la fin de son règne ». Conscient que les combats ont tué plus de 3.000 personnes et poussé 600.000 autres au déplacement et surtout que la crise actuelle constitue une résurgence particulièrement inquiétante de ce vieux problème qu’est la question anglophone, le Chef de l’Etat a engagé des négociations avec le Vatican qui depuis trois ans environ, plaide pour un dialogue entre les parties en conflit, présenté comme solution viable. Le Messager a appris que les conciliabules avec le Saint-Siège ne datent pas d’aujourd’hui et que la cérémonie de remise du Pallium défini comme un ornement liturgique catholique consistant en une bande d’étoffe de laine blanche dont le port, sur la chasuble, est réservé au Pape et aux archevêques métropolitains, ne constituait que l’arbre qui cache la forêt des raisons de la véritable visite du numéro 2 du Vatican en terre camerounaise.« Il était question d’impliquer l’Eglise dans la recherche des voies et moyens de sortie de crise. Tout comme les chefs traditionnels qui ont eu une influence certaine sur les Amba boys », commente une source proche de l’archevêché de Bamenda.
Outre les rencontres avec les évêques, archevêques, religieux et religieuses, l’émissaire du Pape François a surtout échangé avec Ferdinand Ngoh Ngoh, le ministre d’Etat, Secrétaire général à la présidence de la République, représentant personnel de Paul Biya. Fort du privilège d’une étroite collaboration avec « l’homme du 6 novembre 1982 » et riche d’une expérience avérée à la fois prouvée et éprouvée dans la gestion des dossiers de la plus haute importance, le Sgpr ne se positionne-t-il pas comme une interface rassurante et fiable entre l’Etat du Cameroun avec l’Eglise catholique en général et le Vatican en particulier ? C’est donc à lui qu’a été confié la lourde mission d’exorciser les démons du terrorisme tapis depuis les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest avec des ramifications outre-Atlantique. C’est dire que sa présence à la messe pontificale du 31 janvier dernier à Bamenda était tout sauf un fait anodin.
La diaspora anglophone au banc des accusés
Ngoh Ngoh a rassuré les uns et les autres sur la détermination du Chef de l’Etat à apporter toutes les solutions pour un retour effectif à la paix dans les deux régions en conflit. Si les spécialistes de l’Eglise catholique sont unanimes qu’il est rare de voir un émissaire secrétaire d’Etat à la Cité du Vatican se déplacer pour remettre le pallium, symbole de l’autorité, à un archevêque ; il en est de même pour le ministre d’Etat/Sgpr qui ne s’est jamais par le passé, entretenu avec les personnalités in situ dans le Nord-Ouest. « C’est dire l’attachement du président Biya, à mettre un terme une fois pour toute à cette crise, partie d’un mouvement de revendication des avocats, enseignants et étudiants à partir d’octobre 2016, à des mouvements identitaires datant des années 1970, au motif d’un retour au modèle fédéral existant entre 1961 et 1972 », commente un diplomate. D’ailleurs, des informations recueillies à bonne source font état de ce que cela fait plusieurs années que le Vatican suit de près et avec inquiétude la crise dans les régions anglophones camerounaises.
Mais l’impasse de ces derniers mois et l’augmentation de la violence conduisent le Saint-Siège à s’engager directement sur le terrain. « En dépêchant son secrétaire d’État sur place, le pape François veut envoyer un message fort de réconciliation et faire en sorte que l’Eglise catholique du Cameroun puisse peser plus dans le processus de paix », explique un spécialiste des questions ecclésiastiques.Dans la foulée, il ne serait pas oisif de remarquer que les séparatistes profitent de la situation pour radicaliser la population avec l’appui d’une partie de la diaspora anglophone. Pire, les mesures gouvernementales prises depuis mars à l’instar de la création d’une Commission nationale pour le bilinguisme et le multiculturalisme, de sections Common Law à la Cour suprême et à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam), le recrutement de magistrats anglophones et de 1000 enseignants bilingues, sont jusqu’ici restés sans effets.