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PLEIN(S) ÉCRAN(S) 2021 – Ce n’est pas la taille qui compte

Par Julien Leray @Hallu_Cine

Il est toujours ironique de voir les propositions cinématographiques discriminées entre courts, moyens, et longs-métrages. La frontière entre chacun peut déjà parfois être ténue, mais au sein d’une même catégorie, la durée peut, elle aussi, évidemment fortement varier. Si celle-ci n’est certes pas gage de qualité, il n’en reste pas moins que l’exercice narratif ne relève pas des mêmes contraintes en fonction de la longueur du film.

Au sein de la proposition pléthorique du festival Plein(s) Ecran(s) de cette année, force nous est d’admettre que notre attention s’est avant tout portée sur les courts courts. Les vrais. Ceux n’excédant pas dix minutes. Ceux jouant avec cette temporalité extrêmement resserrée, pour mieux mettre en valeur des composantes précises de ce délicat équilibre qu’est le cinéma. En dehors de leur durée contenue, entre Aujourd’hui ou je meurs, Cayenne, ou Displacement, finalement rien à voir. A ceci près que ces trois propositions démontrent, chacune dans leur genre, à quel point le jeu, la mise en scène, et le montage, sont des piliers qui, même pris de manière isolée, restent à même de soutenir un film si, et seulement si, bien exécutés.

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Aujourd’hui ou je meurs de Kristina Wagenbauer aurait ainsi pu rejoindre la liste des sempiternels métrages sur l’amour adolescent. Faits de crises existentielles ou de bons sentiments. Kristina Wagenbauer exécute cependant sa partition plus finement. Si sa trame narrative fleure, c’est vrai, le déjà vu, la cinéaste possède cependant un atout de poids dans sa manche : la toujours impeccable Émilie Bierre. Déjà aperçue dans Genèse de Philippe Lesage, ou dans Une Colonie de Geneviève Dulude-De-Celle, cette dernière porte ici le film sur ses épaules, en exprimant pleinement, par la justesse de son interprétation, tout le bouleversement, la candeur, et en même temps, le potentiel de nuisance d’un cœur blessé. Dans Aujourd’hui ou je meurs, le jeu d’une actrice prend le pas sur l’écriture ou la réalisation : c’est néanmoins largement suffisant pour faire du film un moment des plus troublants.

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Autre court mettant aux prises un duo d’interprètes, Cayenne de Simon Gionet partage avec Aujourd’hui ou je meurs un déséquilibre certain entre ses deux acteurs. Là encore, à l’instar d’Émilie Bierre face à Anthony Terrien, Marianne Fortier se fait bien plus convaincante que Jean-Sebastien Courchesne. Plus nuancée, plus crédible, plus juste. Mais rien de dommageable pour autant. Car Cayenne a également pour lui une mise en scène ciselée, servant adéquatement le cadre de son récit : une station-service isolée, au beau milieu de la nuit. Un cadre, une nouvelle fois, vu à maintes reprises, mais dont Simon Gionet arrive néanmoins à tirer partie en jonglant entre phases de huis-clos et brèves échappées en extérieur, sources de tension et de fébrilité non feintes. Couplée à des choix de cadrages savamment choisis en fonction de l’émotion à souligner, la réalisation de Simon Gionet sert adéquatement la sensation d’isolement, et le danger ordinaire, diffus, latent, qu’affronte le personnage de Clara… mais finalement toute femme esseulée, et ce même dans le cadre de son métier. Plus que par le jeu ou le verbe, c’est bien la caméra qui sert avant tout, ici, le propos du film. Non sans un certain brio.

Mais le cinéma, long comme court, ce n’est pas simplement du réel, du tangible, du familier. Ça peut être, et probablement pas assez souvent, de l’abstrait. Fait pour nous sortir de notre zone de confort, et nous désarçonner. De l’expérimental dont on ne sait, des heures et des jours durant, quoi en penser. En bien, ou en mal, au fond peu importe. Ce qui prime, c’est le moment vécu. Et qu’il reste gravé, bien que vaporeux et diffus. C’est un peu tout ça qu’est Displacement de Maxime Corbeil-Perron, court-métrage expressionniste s’il en est, où images, sons, formes et couleurs se mélangent au gré d’un montage hypnotique, où le sens narratif s’efface au profit de la sollicitation littérale des sens physiologiques. Les minutes s’y égrènent au rythme de plans fixes où le mouvement naît des flammes d’un feu de camp, de halos lumineux allant et venant, des formes et des silhouettes apparaissant et disparaissant. C’est tout ? C’est tout. Et une fois devant le résultat proposé, on se dit que c’est finalement beaucoup.

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