Ce n’est pas parce que la situation est morose et les soirées d’hiver un peu longues actuellement qu’il faut se laisser aller à la mélancolie. Pour éviter la déprime, rien de tel qu’un peu de sport, par exemple un combat de sumo. Et en France, quoi de mieux que deux grosses entités étatiques pour se pouiller vigoureusement ?
Pour ce combat de pachydermes, je vous propose deux ministères bien trop dodus jetés l’un contre dans une empoignade aussi grotesque qu’illustratrice des dérives consternantes de notre exécutif.
D’un côté, nous trouvons Minicul, le Ministère de la Culture qui est particulièrement décidé à remplir ses caisses, pourtant déjà beaucoup trop abondées par un contribuable exsangue en échange d’efforts culturels désastreux, depuis l’autoflagellation rituelle à tous propos jusqu’aux navrantes productions habituelles des cultureux officiels en passant par les redevances audiovisuelles permettant par exemple à la poignée de radios d’Etat de se goinfrer un budget supérieur au budget combiné de 330 radios privées du pays.
De l’autre, c’est Minitrans, le Ministère de la Transition énergétique, énorme pachyderme à l’embonpoint d’autant plus significatif que ses missions ne cessent de croître avec gourmandise et qui semble décidé à pousser une de ses bien trop nombreuses marottes, à savoir celle du recyclage sans lequel toute stratégie écolo-médiatique ne saurait trouver grâce auprès de l’électeur bioconscientisé correctement syntonisé avec Gaïa.
Le combat entre Minicul et Minitrans est déjà âpre, et chacun de ces gros monstres dodus n’entend pas lâcher l’affaire. L’enjeu est d’importance puisqu’il marquera, à n’en pas douter, la direction du pays dans les prochaines années : doit-on tout faire pour recycler, ou peut-on continuer à taxer malgré tout comme il fut fait jusqu’à présent, c’est-à-dire jusqu’à la corde et au détriment d’absolument toute considération économique, écologique, pratique et sociale ?
Toute l’histoire part du besoin affiché, pour le Ministère de la Transition Trucmuche, de favoriser la filière du recyclage des téléphones portables, ce qui permet d’en accroître la durée de vie, évite la pollution liée à leur rejet et à la production de nouveaux appareils. Bonus supplémentaire évident : ce recyclage permet de créer de nouveaux emplois sur le territoire et, pour les frétillants politiciens, c’est l’occasion de rappeler tous les efforts qu’ils font afin de lutter contre le fléau du chômage. Si on y ajoute qu’en plus, les emplois concernés sont souvent associés à une mission de réinsertion, c’est le pompon : toutes les cases sont cochées, voilà du projet bien choupinet qu’on n’aura pas de mal à vendre auprès de l’électeur.
Ce serait aller un peu vite en besogne : nous sommes en France et toute activité, lorsqu’elle n’est pas formellement interdite, appelle forcément une ou plusieurs taxes roborative pour l’un ou l’autre ministère chargée de la collecter. C’est ici le cas de Minicul qui insiste pour que, même sur ces appareils, soit collectée l’indispensable, géniale et si productive Taxe sur la Copie Privée qui tabasse à peu près tous les supports numériques en France et permet de durablement coincer l’Hexagone en queue de peloton des pays de la révolution numérique en y faisant intelligemment exploser les prix des supports.
Pour les tenants compulsifs de la taxation (derrière lesquels on ne saura s’étonner de trouver la SACEM), l’affaire est claire : ces smartphones, mêmes reconditionnés, sont des supports numériques et doivent donc s’acquitter de la petite taxounette en question à hauteur de 14€ pour 64Go de mémoire, ce qui propulse immédiatement les smartphones reconditionnés dans le champ de l’invendable.
Smartphone recyclé trop cher car trop taxé, donc pas de vente, donc pas de collecte de taxe ? Peu importe. Pas de vente, pas de recyclage, pas d’emplois ? Ce n’est pas grave puisque l’emploi des taxateurs ne sera, lui, pas remis en cause par ces décisions.
Evidemment, le Minitrans a fait part de ses griefs à Minicul qui n’entend pour le moment pas lâcher le morceau.
Si tout ceci est assez consternant, c’est aussi assez peu cohérent de la part des deux mastodontes bureaucratiques. Ainsi, on apprend sans surprise que « Les marges du secteur sont très faibles, ajouter 14 euros par appareil risque de tuer un secteur en croissance », sans que, pourtant, personne ne veuille s’interroger sur les raisons intrinsèques qui imposent des marges si faibles à ce secteur.
On ne semble pas plus s’interroger sur le fait que l’emploi en France coûte si abominablement cher ou que les contraintes entourant l’emploi sont si fortes, depuis les conditions de travail jusqu’à la formation du salaire en passant par la paperasserie administrative dantesque dans laquelle on noie copieusement chaque entreprise hexagonale, pas plus que l’incitation à rester le cul dans son canapé sont, elles aussi, si élevées – surtout actuellement.
Mais plus à propos, cette petite histoire illustre une fois encore qu’une taxation délirante empêche le développement d’activités, et que, confrontés au problème, les ministères concernés s’empressent de trouver un moyen… de taxer autrement, tout au plus.
Quant au constat qu’une taxe fusille de l’emploi, il ne sera surtout pas transposé à d’autres taxes sur d’autres activités. Du reste, la France croule sous le travail et le plein emploi et il n’y a donc aucune raison de s’inquiéter de l’avalanche de taxes qu’elle subit depuis des décennies.
Le problème de cohérence ne s’arrête pas là lorsqu’on lit Minitrans qui découvre ainsi que « Taxer le reconditionné, c’est taxer deux fois le même produit : neuf et d’occasion ». Oh, ça alors !
Ainsi donc, taxer deux fois serait méchant-méchant ?
Vous voulez dire que taxer deux fois un bien, par exemple une habitation une première fois tous les ans pendant toute la durée où elle appartient à quelqu’un, puis la taxer encore une fois lorsqu’elle serait léguée en héritage à ses enfants, ce serait aussi méchant-méchant ?
Ou bien serait-ce comme taxer un revenu déjà taxé, chose qui se pratique en long, en large et en travers en France avec par exemple la CSG dont une partie, pourtant prélevée automatiquement, est réintégrée pour le calcul de l’impôt (on taxe une taxe, c’est français et tout le monde semble trouver ça normal) ?
Voilà une position étonnante de la part d’un ministère, et qu’on souhaiterait voir plus souvent pour tous les autres !
En attendant, on ne pourra qu’observer Minicul et Minitrans se bouffer entre eux pour savoir comment taxer les Français jusque dans leurs smartphones recyclés, et pour des montants qui ne méritent objectivement pas le temps passé (on parle de quelques millions d’euros), sauf à considérer uniquement l’appétit vorace et jamais rassasié des sociétés d’ayant-droits collectrices de ces montants…
En ce moment, compte-tenu de la situation économique, politique et sociale du pays, c’est vraiment un combat indispensable.
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