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Les incidents du Tricastin? Le Nucléaire? Pfff…une triste histoire…

Publié le 24 juillet 2008 par Anne-Sophie

Centrales Nucléaires AFPSommes nous seulement au début d’une loi des séries avec les différents incidents nucléaires de ces derniers jours? Dysfonctionnements sur le chantier de l’EPR de Flamanville, incident de niveau 1 au Tricastin le 7 juillet, puis un autre à Romans-sur-Isère (Drôme) la semaine dernière, et hier matin de nouveau un problème au Tricastin (lié à des poussières radioactives). Un “effet de série factice” pour Jean-Christophe Niel, le directeur général de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). Hum… Sans reprendre les les détails (les articles sur le sujet foisonnent) et sans rentrer dans les sempiternels débats pour/contre le nucléaire, voilà quelques éléments assez marquants à mes yeux dans cette histoire.

L’Art de l’Esquive: “Mais je roulais à 10×15 kilomètres par heure Monsieur l’Agent!”…

Comme le souligne justement Denis Delbecq, la communication est toujours assez floue en terme de nucléaire… Un art de l’esquive savamment travaillé, et “d’autant plus agaçant que quand les rejets (ou les contaminations) sont inférieurs ou très légèrement supérieurs aux limites admissibles, c’est systématiquement mentionné dans les communiqués rassurants de l’ASN (vous pouvez juger sur pièces en consultant les avis d’incident)“. En terme de communication, Areva, ne vous en faites pas, paie très cher des agences de communication pour assurer ses arrières et arrondir les bords. L’impression avec ce genre de comportements, c’est d’avoir affaire à des enfants que l’on prend la main dans le sac: ils savent qu’ils ont fait une bêtise, voir une grosse bêtise, et ils font tout pour la cacher. C’est bizarre non, comme comportement. On serait en présence d’une technologie peu dangereuse, ainsi qu’on nous le répète à longueur de temps, serait-on aussi prompt à se dandiner d’un pied à l’autre?

Au passage, on se souviendra quand même début juin de l’incident en Slovénie, à Krskö et de la question de l’arbitrage entre minimisation de l’aspect sécuritaire ou transparence… Curieux donc, c’est toujours la même chose.

“La transparence justement…parlons-en Monsieur l’Agent!”

Là aussi, comme le rappelle Denis Delbecq (nucléaire, à vos mesures) après la demande de notre ministre de l’écologie de l’établissement d’un bilan radiologique des nappes phréatiques qui se trouvent à proximité des centrales nucléaires: cela n’était pas déjà fait??? “Est-ce à dire que personne ne conduit régulièrement des analyses pour déceler d’éventuelles pollutions radioactives?” demande le journaliste avant de conclure: “je ne peux pas le croire. Soit Borloo agite du vent et se vante de réclamer ce qui se fait déjà. Soit ce n’est pas vantardise et il y a quelque chose de pourri au royaume du nucléaire français.” Et en effet, c’est bien là que le bât blesse en France.

Anne Lauvergeon Areva © FRED DUFOUR / AFP

Anne Lauvergeon © FRED DUFOUR / AFP

La communication existe pour minimiser, jamais pour informer en totalité et en toute transparence. D’ailleurs, les médias et la population s’inquiètent trop: “nous avons sous-estimé l’amplitude de l’émotion au Tricastina déclaré Anne Lauvergeon dimanche dernier. Ben oui les amis, les gens, ça a des émotions, et quand on leur met dans la tête que le nucléaire, c’est “totalement safe” puis que l’on assiste à ce genre d’incidents, même minimes aux yeux des professionnels du secteur, les gens réfléchissent et comprennent ce que pourrait représenter un indicent d’une autre ampleur que l’on pourrait appeler “catastrophe”, pour ne prendre qu’un exemple… Qui plus est, mentir par omission, sans être transparent, c’est en effet laisser la possibilité d’avoir un retour émotionnel plus fort… “on nous aurait donc menti” pourraient dire certains… Mais j’oubliais, les émotions, ça doit être pour la France d’en bas non?

Soyons rationnels et ne nous emportons pas surtout!

Et pour ça, prenons quelques chiffres: selon un sondage IFOP publié par le Monde (et réalisé le 18 juillet sur un échantillon de 1009 personnes âgées de dix-huit ans et plus, représentatives de la population française) le nucléaire semble mieux accepté mais les français se méfient de l’information qu’on leur donne à ce sujet. Le réchauffement climatique les préoccupe plus que le nucléaire aujourd’hui (53% contre 27% - alors qu’en 2002 c’était 20% contre 33%)…mais en cas de souci, c’est une peu la panique: 81% des français jugent l’incident du Tricastin comme grave et de nombreuses personnes de l’échantillon n’étaient pas au courant de l’incident survenu dans une usine d’Areva dans la drôme quand elles ont été interrogées par l’Ifop. Pour être informés, 79% des français font confiance aux associations, contre 62% à l’Autorité de sûreté, à Areva (32%), ou au gouvernement (30%). “A noter que 60% des français se méfient des médias…” souligne aussi Denis Delbecq.

On comprend via ce sondage que l’inquiétude est belle et bien fondée chez les français: ils se méfient malgré tout de l’information qu’on leur donne. Alors pourquoi ne pas lancer un vrai débat en France à ce sujet…? J’vous l’demande M’sieur l’Agent!!

Le Tour de France des accidents nucléaire?

Pour Arnaud Gossement, porte parole de France Nature Environnement (FNE): “A chaque fois, l’information est verrouillée par l’Autorité de sûreté nucléaire, et le politique en est réduit au rôle de commentateur sportif de ce tragique Tour de France des accidents nucléaires ! Où est la ligne d’arrivée ?”

Elle est loin encore, peut-on leur répondre en choeur avec Laure Noualhat: “ça va très vite désormais dans le monde du nucléaire, industrie qui, comme toutes les autres, apprend de ses erreurs. Voilà donc une loi des séries assez impressionnante. Ou alors, c’est business as usual, sauf que maintenant, tout le monde fourre son nez dans le moindre incident atomique… Comme je l’écrivais dans un précédent article, un incident nucléaire survient tous les trois jours en France. Jusqu’à présent, tout le monde s’en foutait. Depuis l’incident Socatri (…) sur le fil des dépêches AFP, dès que le mot “nucléaire” figure en tête, tout le monde se rue sur l’info. J’ai l’impression -mais à confirmer avec le temps- que le monde de l’atome va devoir composer avec des petites brèves, infos, flashs, …, qui relayeront sans cesse les incidents. Même les plus bénins (…) Pour info, 15 salariés intérimaires ont été contaminés à Saint-Alban (Isère), la semaine dernière, l’usine Socatri a déversé de l’uranium dans la Gaffière, puis le Rhône, à Romans-sur-Isère, un tuyau percé a provoqué “l’épanchement” d’un peu d’uranium, … Ca commence à faire pas très sérieux tout ça.

Pour FNE, depuis la loi du 13 juin 2006 mal dénommée “de transparence et de sécurité nucléaire”, “tous les pouvoirs de gestion de la filière nucléaire sont concentrés dans les mains des 5 dirigeants de l’Autorité de sûreté nucléaire. Tous les fonctionnaires spécialisés sont également sous la tutelle de l’ASN, démocratiquement et juridiquement irresponsable”.

Il est donc facile de comprendre leur demande: que des autorités de contrôle indépendantes de l’ASN puissent faire un audit public de ces différents accidents pour que tout citoyen puisse en connaître les causes et les effets. Comme le souligne Arnaud Gossement (avocat de son état) en effet, “Ce n’est pas en faisant sauter un fusible, comme le directeur du site Socatri, que l’on résoudra les problèmes d’une énergie électrique à 80% nucléaire ! Il faut abroger la loi du 13 juin 2006, abandonner la relance du nucléaire, promouvoir un nouveau modèle énergétique et imposer des règles démocratiques de base à la filière nucléaire. Aujourd’hui, Le politique a perdu le contrôle du nucléaire !”.

Ca se passe donc de commentaires, et il serait peut être bien de regarder ce qui a lieu de l’autre côté de l’Atlantique: quand Al Gore en appelle à un effort digne de celui effectué pour marcher sur la Lune pour assurer l’avenir énergétique de son pays, il évoque les énergies renouvelables et sait nettement articuler les questions énergétiques à celles du réchauffement climatique et à la sécurité internationale…

Il est vraiment triste de constater qu’en France il est impossible de parler sainement d’un tel sujet. Vraiment triste.

Quelques liens:

Des Fuites dans la Radioprotection, Effets de Terre, par Denis Delbecq, 15 Juillet 2008

Journal de l’Environnement, Interrogation sur la nappe phréatique du Tricastin, 18 Juillet 2008.

Journal du Dimanche, La sûreté nucléaire, un mythe pour les ONG, 20 Juillet 2008

DDLJ, Après Tricastin, une fuite à Romans, 21 Juillet 2008


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