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Plaidoyer pour la brigade franco-allemande

Publié le 24 juillet 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Jeudi, 24 Juillet 2008 22:06

Par Daniel RIOT

Plaidoyer pour la brigade franco-allemande
Illogique. Aberrant. Irresponsable. Comment a-t-on pu à la fois prétendre faire de « l'Europe de la défense » (qui reste un mirage) l'une « des priorités des priorités » et songer à détricoter ce qui devrait être renforcé, amélioré, développer ? « La capacité à faire des choix », comme dit Fillon, implique la responsabilité de faire des bons choix, - d'avenir-, non des décisions  qui nous font avancer à reculons. Par facilité ou inconscience.

Personne de sérieux n'aurait du ne serait-ce qu'envisager de détricoter la « Brigade franco-allemande ». Une question « organisationnelle et opérationnelle ».D'efficacité et  de symbole : cela compte encore n'en déplaise à Morin le mal inspiré !

La modernisation et la rationalisation, la diminution des dépenses publiques et l'adaptation des besoins aux évolutions géostratégiques ne doivent pas se faire au détriment de ce qui devrait, déjà,  appartenir aux unités d'élite.

D'ailleurs, globalement, l'ensemble du Livre Plan ne s'inscrit pas  suffisamment dans une dimension européenne. N'avait-on pas promis un livre vert en la matière pendant la présidence française ?  Il est vrai que le ministre Morin ne peut guère faire plus et mieux que ce qu'il fait : ce n'est pas lui qui décide et son pouvoir d'influence est très faible, comme tous ceux dont les nominations ont  relevé de la sucette politique et  non de critères de compétence...

Une fois encore, l'Elysée montre que le « Château » comprend mal l'importance des relations franco-allemandes et n'écoute pas suffisamment ceux qui savent à quel point la qualité des relations Paris-Berlin reste (sera de plus en plus,  même) une impérative nécessité.

C'est triste de voir la chancelière allemande Angela Merkel être contrainte de prendre a  la défense des  unités françaises de la brigade franco-allemande (BFA) stationnées en Forêt Noire, en Allemagne, menacées  d'être dissoutes ou rapatriées.

« Je défendrai la brigade franco-allemande, parce que c'est le noyau de la politique européenne de défense et de sécurité », a-t-elle plaidé. « Ce serait une grande honte si, par exemple, elle était démantelée ».

Grande honte, en effet. Et grande sottise. Impardonnable faute, même. On ne fait pas « une armée d'avance » avec une « Europe de retard ». Qu'il faille adapter la nouvelle carte militaire aux changements des menaces, c'est évident. Que le Nord et  l'Est ne soient plus des zones et des lignes de front, c'est l'évidence. Tant mieux. Merci l'Europe, au passage. Nous avons assez souffert du « syndrome Maginot ». Et du reste...

A ce propos, les élus locaux et régionaux des contrées vidées de leurs casernes devraient consacrer davantage d'énergie à trouver des activités civiles créatrices d'emplois que de s'épuiser en protestations vaines et en démarches de mendicité. Nombre de  régions ont connu des conversions industrielles plus difficiles et les villes de garnisons dégarnies seraient bien inspirées d'étendre leur champ de vision vers « l'Europe » plutôt que d'avoir les yeux fixes vers Paris... En cela, Fillon a raison de reprendre à son compte la formule de Sarkozy : « La politique de défense nationale n'est pas celle de l'aménagement du territoire »

Mais revenons à la Brigade : C'est plus triste encore d'entendre Morin lâcher : « Cette brigade franco-allemande correspondait à un temps de l'histoire qui était le temps de l'ensemble des symboles de la réconciliation franco-allemande (...) On a largement dépassé ce stade ». Vraiment ? Le ministre ne se souvient sans doute pas que cette Brigade ne date que de 1989 ! Et que l'amitié et la coopération franco-allemande restent à renforcer, en permanence et dans tous les domaines. Ne banalisons pas les processus historiques. Ce que l'Histoire a fait, l'Histoire peut défaire. Surtout quand les acteurs du présent  pédalent le nez dans le guidon...

Plaidoyer pour la brigade franco-allemande
Heureusement, Fillon a été plus positif (ou plus diplomate) que son ministre désarmant: « Nous sommes en réflexion ». Comme si cette réflexion n'aurait pas du être menée lors de l'élaboration du Livre Blanc.... Fillon, dans la foulée éprouve le besoin de juger  « intéressante » la proposition de Berlin de stationner des troupes allemandes en France. Une proposition qui sera étudiée « avec beaucoup d'ouverture », dit-il...Encore heureux. Mais quelles expressions maladroites, encore vis-à-vis de nos amis allemands. « Ouverture » pour quoi ? Vers quoi ? En quoi ?  Pour des principes et un vrai esprit européen ? Pour que les Allemands  passent à la caisse ? .  

« Ce que nous voulons, a rassuré Fillon, c'est faire franchir une étape supplémentaire à cette unité. Ce n'est pas naturellement au moment où nous voulons faire ces efforts que nous allons supprimer la brigade franco-allemande ». « Naturellement » !Ouf ! Mais quelle preuve  sinon d'improvisation du moins d'un manque de sérieux dans la préparation de « décisions » prises, comme trop d'autres, sans véritables évaluations prospectives sous tous les angles, y compris diplomatiques.

Heureusement, les derniers arbitrages, rendus publics ce matin, épargnent l'essentiel : la brigade franco-allemande survivra. La honte évitée donc. Mais pour combien de temps et dans quelles conditions ? Une occasion a été manquée de la renforcer (et avec elle l'Eurocorps), de la mettre au cœur d'une de ces « bases de défense »  qui ne constituent pas un mauvais concept. Mais nos stratèges politiques (même quand ils se recommandent de la famille du centre si fière de sedire « européenne ») n'inscrivent toujours pas suffisamment leurs raisonnement dans la dimension... européenne.

Daniel RIOT


REPERES

La brigade franco-allemande est une grande unité interarmes binationale dont les capacités sont sensiblement identiques à celles des brigades interarmes légères blindées. Elle participe aux efforts de rapprochement franco-allemands tant aux niveaux des hommes, que des équipements ou des règlements.

Elle est stationnée dans les garnisons de Müllheim-Vieux-Brisach, d'Immendingen, et de Donaueschingen-Villingen. Elle est la seule grande unité interarmes placée dès le temps de paix sous commandement opérationnel du Corps européen, dont elle constituera la capacité de réaction initiale.Elle comprend des unités françaises (110e RI, 3e RH), des unités allemandes (JgBtl292, PzArtBtl295 et PzPiKp550) et des unités mixtes (comme le BCS et la CEM). Elle fait partie du Corps européen. Elle totalise 5 000 hommes dans ses rangs

Les états-majors des deux parties arrêtent, au sein des organismes mixtes de coopération militaire, les décisions relatives à l'emploi, à la planification opérationnelle, à l'entraînement, à l'instruction et aux relations publiques de la brigade.

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