Un billet, chez moi, ça part de rien. D'un protège-cahier rose bonbon plastifié que je trouve dans la niche sous les boîtes aux lettres, là où s'amoncellent généralement les prospectus vantant réclames et prétendues merveilles. De minuscules choses qui donnent à la vie un peu d'éclat, de fraîcheur. Qui surprennent, un peu. Comme hier, lorsque j'ai salué Isaac, le réceptionniste de nuit prenant la relève à vingt-trois heures. Je lui trouve la mine grise, absente. En guise de bonsoir, j'offre un coude à son coude, car rappelez-vous, il n'est plus question de bises ou de poignées de main fraternelles. Coude gauche contre coude gauche. J'enchaîne et le surprend, son coude droit répond à mon coude droit. Je lève le genou vers son genou. Il éclate de rire et joue le jeu, cogne son autre genou contre mon autre genou. Quel est le rapport, me direz-vous ? Eh bien, il faut étonner, surprendre, bousculer gentiment. La routine, les consignes à passer entre collègues, les banalités, étaient brusquement plus enjouées, sympathiques, souriantes. Même derrière le masque. Aujourd'hui, ce protège cahier rose me fait le même effet. Je pense à la dame du troisième qui fourrage dans ses affaires à la cave et se dit, tiens, aujourd'hui, je vais offrir à mes voisins, à qui veut, un cahier de musique vierge, un roman à l'eau de rose, un protège-cahier rose bonbon. J'ignore si la vieille dame aux reflets rouges dans ses cheveux attend quelque chose en retour, un échange ou un merci à ses offrandes. Je vais de ce pas envoyer un SMS à notre voisine du dessous pour lui demander le nom de sa copine, Amélie Poulain en herbe, afin que je glisse ce billet de blog dans sa boîte aux lettres. Et comme le chantait Pauline Ester,
« Ce sont les petits petits petits petits petits riens
Qui font toujours du bien
Ce sont les petits petits petits petits petits riens
Sans lesquels on est rien ».