Chroniques de l’ordinaire bordelais. Episode 375

Usagers et personnels

Je rentre à la Victoire où je vois un écriteau, « élection des délégués des usagers » dont je ne comprends pas très bien le sens. Le lendemain une étudiante me demande où se trouvait le lieu de vote. Je le savais d’autant que c’était la salle de séminaire, celle des « Cours libres ». Je lui montre l’écriteau de la main et elle décline son statut institutionnel : « Etudiante en … ». Je n’ai ni entendu et encore moins écouté ces propos mais j’ai compris le sens d’ « usagers ». Les étudiants n’apprennent plus, ils utilisent l’institution. Depuis plus de dix ans, je n’étais plus un professeur mais du personnel ainsi qu’il est écrit sur ma carte professionnelle. Je m’adresse à des usagers, tels les employés du tram…

Le regretté David Graeber constatait dans son livre Bullshit Jobs p. 251 que « les universités comptaient encore parmi les rares institutions européennes à avoir survécu plus ou moins inchangées depuis le Moyen Âge . Y régnait notamment le principe médiéval selon lequel les individus chargés d’un certain type de production (…) ont le droit d’organiser leurs propres affaires, et ce sont même les seuls qualifiés pour le faire ». C’était vrai il y a vingt ans. Nous ne sommes plus que des usagers ou du personnel. D’autres, nous « gèrent » ;

Bernard Traimond