Des ronds dans l'eau

 

Avenue du Maine, Montparnasse, rue de Rennes, Boulevard Saint Germain, j’ai traversé la Seine par le pont Sully vers le Boulevard Henri IV.

En bagnole !

Pourquoi ?

Parce que !

Canal Saint Martin, Boulevard de La Villette, Ménilmontant, Père Lachaise, je gare le téléporteur entre deux trottinettes électriques devant le cimetière.

La conversation qui s’ensuivit avec le gardien pourrait laisser croire que j’ai les molécules mal organisées mais c’est de naissance et la navette de l’Inteurpraïse n’y est pour rien.

Bonjour monsieur, je peux entrer ?

- c’est pour un enterrement ?

- euh non chuis pas encore mort

- si vous étiez mort vous seriez déjà dedans

Putain, j’ai trouvé mon maître.

Le Grand Divergent.

Le gus sans filtre qui te fait partir en couilles la plus anodine des conversations.

J’allais m’agenouiller devant cet être de lumière dissimulé sous le code vestimentaire de vigile quand une camionnette conduite par un autre alien code uniforme Ville de Paris division Parc & Jardins s’est posée à coté.

- Vous venez pour l’abattage ?

- Oui, les autres sont déjà là ?

- Non vous êtes les premiers !

Je me suis cassé!

S’ils abattent les clients sur place et les ensevelissent dans la foulée je reviendrai visiter l’appartement témoin un autre jour.

Dans la vraie vie je venais me recueillir sur la tombe du King of cool master en poésie et autres élégances, j’ai nommé Oscar Wilde. Il faisait froid et les gars de la ville parlaient d’élagage et d’abattage d’ARBRES parce que les arbres meurent aussi.

Bon, ça c’est fait !

Après avoir hésité vers Les Buttes Chaumont, le dialogue avec le vigile de l’entrée se situe dans cette zone du temps, mais les espoirs de rencontrer un Vernon Subutex vivant étant minces j’ai mis le cap azimut la Tour Montparnasse par la rue de la Roquette.

Pourquoi ?

Parce qu’il est probable que je fêterai en avril un autre anniversaire en zone occupée et je m’offre un dernier tour de manège avant celui des gilets jaunes sur les Champs Elysées.

J’appuie sur le bouton magique qui fait ronronner le téléporteur et j'enclenche la boîte auto sur D vers les Gobelins en pensant aux moutons du troupeau dans le champ d’à coté.

L’herbe est plus verte dans le pré du voisin.

Y broutent les insolvables qui considèrent que l’amende de 135 balles est le prix exorbitant ou sous-coté de leur dignité et étalent leur collection de prunes qu’ils ne payeront pas de rebelles autoproclamés devant leur fan club FB.

Il y a les Jean Moulin qui déclarent haut et fort refuser le masque et jouent la discrétion à cache-cache dés qu’ils voient un uniforme, ce qui ne les empêche pas, les cuistres, de chambrer ceux qui rentrent à l’heure du couvre feu.

Ceux qui t’incitent à sortir de la tranchée sans attestation mais qui cochent sagement toutes les cases de leur dossier pour gratter trois ronds n'auront pas ma culpabilité.

Celles qui trouvent vulgaire et moche le Q de Masièro, les pudiques qui ont des vestiges à cacher et ne baisseront plus le pont levis à l’antépénultième printemps malgré l’odeur insistante des jonquilles. Moutons dociles et moutons rebelles sont aussi prévisibles, on les retrouve enragés soumis et masqués dans les files d’attente à la caisse d’Auchan à l’heure de la croque.

Ont-ils agoni d'injures le vigile qui a imposé le masque conditionnant l'entrée dans le magasin?

Il y a en a!

Résistant en carton, mon ami, sais-tu qu'ils mettent entre eux et nous des exécutants qui n'y sont pour rien ?

Et que dans les étages du haut la vue est imprenable sur ces fourmis dérisoires et identiques qui se dévorent entre elles?

Je suis une feuille détachée de la canopée, je n’irai pas plus haut. "La chair est triste et j’ai lu tous les livres" sauf le Bescherelle, peut-être. Mallarmé ou mâle acquis, sur les GR ou les voies vertes, c’est le vent qui commande, l’arc en ciel parfois.

Oui, j’apprécie la beauté des ruines du Parthénon car sur son parterre pousse encore le rouge/timide du coquelicot mais je ne suis pas dupe de la fausse pudeur de celles qui simulent les épines quand il n’y a plus de roses.

Place du père Chaillet la rue de la Roquette devient sens interdit, je prends la tangente par Ledru Rollin et passe rive gauche puisqu'il "suffit de passer le pont" comme Thierry La fronde traversa la Loire à Beaugency, discret et sans panache mais avec conviction.

A l’angle de la rue Poliveau je m’arrêtai au feu pour laisser Gabin et Bourvil poursuivre leur "Traversée de Paris " pour le compte de Louis de Funès

Le disque dur pas mal saturé de souvenirs pas tous cinématographiques qui klaxonnaient au portillon, j’ai entendu celui de l’impatient derrière qui usait du sien.

Devant moi l’espace s’était empli, le temps du feu rouge, de six scooters, quatre trottinettes, six vélos électriques au mètre carré. Je déduisis de cette optimisation de l’espace que le M2 coûtait une blinde dans le quartier et, de cette impatience, qu’il n’y avait pas une minute à perdre une fois l’autorisation de circuler à peine accordée par un feu vert.

Le temps et l’espace sont ces deux amants indissociables à jamais dans la cage aux oiseaux.

Parisien pressé derrière mon pare choc sache, moi-même récemment parisien emphytéote, que je franchissais hier à moto le rond point de l’Arc de Triomphe et que je suis parvenu de l’avenue de la Grande Armée jusqu’à l’Avenue Marceau intact.

Une bouffée de chaleur indiquait qu’il me restait un espace de colère dans un ressentiment obsolète qui ne trouvait aucune justification dans mon présent aussi pardonne moi frère d’embouteillage mon "Va te faire enQler !" très inconvenant.

Boulevard Saint Marcel la Clinique du Sport est pile poil en face de La Maison de Santé du Gardien de la Paix et je trouve ça drôle. Si j’ai beaucoup de respect pour le Gardien de la Paix j’en ai beaucoup moins pour les forces de l’ordre qui obéissent aux ordres des responsables du désordre pour trente deniers. J'aime les gens, si, si, mais eux beaucoup moins.

Je décide de rentrer par Alésia pour choper la rue des Suisses dans le bon sens et je choisis Denfert Rochereau par Arago.

Ce qui me conduit à passer devant La Santé.

La prison de la Santé, capiche ?

C’est bien pour des prétextes de santé que nous sommes en prison, non ?