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De battre, mon coeur…

Publié le 27 juillet 2008 par M.

Je ne t’ai jamais raconté l’histoire de cette pianiste, si jeune, si fragile, qui jouait face à la lune les soirs de grand vent. Elle jouait pour ne pas dormir, elle jouait pour ne pas mourir, et ses longs doigts clairs caressaient blanches et noires pour que le jour se couche toujours et ne se lève jamais. Elle avait de longs cheveux derrière lesquels elle cachait son visage imparfait, ses yeux ne regardaient qu’au loin, c’est là qu’elle vivait. Sur ces terres brûlées mais fertiles, dans ce monde un peu parallèle si proche du nôtre et pourtant si différent. Ce monde que tu connais, dont tu arpentes les allées la nuit venue, toi aussi, pour mieux te cacher.


Elle n’était née nulle part et nulle part c’est là qu’elle allait. Quand on la cherchait, c’est là qu’on la trouvait : nulle part. Nulle part était son royaume, son abri, son home sweet home.


Elle ne traversait pas la forêt mais la plage, ses pieds nus dans le sable, quelque soit la saison. Sa voix se mêlait à la mer et ses cheveux au vent, elle récitait de muettes prières, pensait à tête haute, elle se découvrait, pas à pas, pour finie nue et sanglotante, en boule et en pleurs dans le sable. Ensuite seulement, elle pouvait se rhabiller, revêtir sa parure, son regard lointain et son sourire de circonstances, et s’en retourner affronter le monde auquel elle serait toujours, elle le savait, étrangère.


Elle composait des mélodies, tendres et tristes, douces comme un aveu, qu’elles accompagnaient parfois de sa voix grave mais claire. Elle mettait son coeur sur son instrument, le regardait longuement, battre fort, ou moins, battre sans raison, juste pour ne pas cesser. Elle se disait, elle espérait, qu’un jour, quelqu’un, peut-être, entendrait ses notes à l’oreille d’un coquillage et rejoindrait ses rivages, porté par les flots. Sur un radeau de fortune, un peu bancal, qui prendrait l’eau. Et il verrait dans ses yeux l’océan, sur ses joues des pivoines, dans ses cheveux l’ombre des champs de blés et au coin de ses yeux deux petites vagues échouées. Des papillons naîtraient alors dans son ventre et s’envoleraient d’entre ses lèvres lorsqu’enfin, elle l’embrasserait.

Elle rêvait, la pianiste, au conditionnel bien sûr et sans espoir autre que celui des fous.


Un matin de septembre, alors que les feuilles étaient mortes et les ciels gris et bas, elle jeta son piano par la fenêtre et promis de ne plus jamais en jouer. Trop de désespoir tue non pas le désespoir mais le piano, sa musique, sa beauté, ses rêves secrets.

Et le coeur qu’elle posait devant elle pour battre les touches à son rythme est resté dans sa poitrine, enfermé, prisonnier. Il ne bat plus qu’en sourdine.


Tu veux connaître la fin de mon histoire ?

Je te la raconterai un soir, dans la pénombre d’une chambre fraiche, le bruit du vent dehors et ma main dans tes cheveux. Mes lèvres sur ton front. Nous l’inventerons ensemble, si tu veux.


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