Ne vous inquiétez pas
- Merci, c’est déjà beaucoup.
Le mendiant a pris mon air contrarié (mouvement de sourcils par-dessus le masque) pour le regret de ne pas lui donner davantage. Je m’explique mieux en lui montrant au sol les deux canettes de bière vidées et compactées : cela signifie que je n’approuve pas sa consommation.
- Oui. Si je ne bois pas, je deviens… (il tapote son front pour se faire comprendre… avant de prononcer le mot qui lui paraît convenir) présomptueux.
Ah bon ? dis-je en moi-même. Etre présomptueux n’est pas une pathologie connue ! Il enchaîne :
- Je suis alcoolique (il en convient sans s’en vanter). En quelques mots, il m’explique sa malchance dans la vie. Pendant qu’il parle, je continue à observer son teint pâle, son visage mince sous sa casquette. Il est encore jeune. Il conclut :
- Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas malheureux.
Voilà qu’il lit dans mes pensées, c’est lui qui prend en charge mon inquiétude. Une autre personne s’approche.
Danielle Duga