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Tchad : Le Maréchal Idriss Deby a été tué

Publié le 27 avril 2021 par Tonton @supprimez

Quatre jours après l’inhumation du dirigeant tchadien, la thèse de la version officielle, laissant croire qu’il est tombé au front, vaincu par les assauts du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact), est remise en doute.

De plus en plus, l’argument d’un complot savamment ficelé est brandi. Evocations ! La terre de N’Djamena s’est refermée sur Idriss Deby Itno vendredi dernier. Le Maréchal-président a été conduit à sa dernière demeure en présence de plusieurs chefs d’Etats aux premiers rangs desquels Emmanuel Macron, le numéro 1 français venu personnellement apporter son soutien à la « transition civilo-militaire » pilotée par le fils Déby. Mais à peine a-t-il été porté en terre qu’une question lancinante continue de tarauder les esprits de nombreux tchadiens. Idriss Déby tué par une balle ennemie ou assassiné par son propre camp ? C’est pourquoi, certains réclament l’ouverture d’une enquête pour déterminer les circonstances de sa mort.

L’opposant Théophile Bongoro, président du Parti pour le rassemblement et l’équité au Tchad (Pret), fait partie des compatriotes qui doutent de la véracité de la version officielle sur la mort de celui qu’on surnommait affectueusement « MIDI ». D’ailleurs, « la précipitation avec laquelle on a masqué cette mort et son inhumation avec la mise en place de ce Conseil militaire de transition nous amène à dire qu’il y a quelque chose qui se cache derrière la mort du président Déby. Est-ce que la version officielle qui nous a été servie est la bonne, c’est seulement une enquête internationale commise par la communauté internationale qui peut élucider ce mystère. Parce que c’est un Tchadien qui est mort dans des conditions atroces », explique l’opposant Bongoro.

Au nom de l’intégrité territoriale

Difficile de concevoir que, fidèle à l’image de « guerrier » qu’il aimait à donner, Idriss Déby était monté en personne prendre la tête de ses troupes alors qu’il venait juste d’être réélu le 11 avril à la présidence avec près de 80 % des voix. Militaire de carrière et pièce maîtresse de la région, pilier essentiel même de la politique française en Afrique depuis 30 ans en tant que garant de la stabilité du « verrou » voire « pare-feu » entre les « incendies » et les « inflammables », entre Libye, Soudan, Centrafrique, Nigéria et Mali, le désormais ex président tchadien était pourtant un homme protégé au plus près par les meilleures troupes et bénéficiant de gros moyens de surveillance. A fortiori dans une région où l’état-major de Barkhane est basé à N’Djamena, capitale accueillant l’une des deux bases aériennes de l’opération et le nord du Tchad étant l’objet de toutes les attentions comme historiquement, la Libye a toujours servi de base arrière aux rebelles tchadiens.

Difficile surtout d’imaginer que les troupes tchadiennes, aguerries, bien encadrées et régulièrement appuyées par la chasse française dans les gros coups durs, aient subi la déroute qu’allait opportunément revendiquer le Fact, avec la publication d’une liste d’une douzaine de généraux présumés tués ou blessés. Et difficile d’imaginer que les ennemis d’Idriss Déby aient réussi à arriver suffisamment près de lui pour le toucher au milieu de ses propres généraux. Mais ceci objecté, le maréchal a donc officiellement connu « son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille » comme devaient le communiquer les militaires tchadiens ce fameux mardi noir. Sans porter de gants, le journaliste de Radio France internationale (Rfi) Alain Foka a clairement évoqué la thèse de l’« assassinat » lors du journal Afrique de France 24 la semaine dernière.

Règlement de comptes interne ?

En effet, pour beaucoup d’analystes, Idris Déby aurait été victime d’un règlement de compte interne à son propre camp. Ce d’autant plus que compte tenu du nombre de généraux qui l’entouraient, « il est difficile d’admettre qu’il s’est lâchement exposé aux tirs nourris de l’ennemi sans que son « bouclier humain » ne protège sa vie. Suffisant pour conclure que le président tchadien a été tué par les siens. Tout comme il est aussi possible qu’il y ait eu des complices du Fact dans l’entourage du guide tchadien », analyse le journal français la Dépêche. Ne serait-on pas en présence d’une manipulation ourdie par certaines forces tapies dans l’ombre ? Qu’on l’ait aimé ou pas, Idriss Deby n’était pas n’importe qui. Il était un soldat courageux, intrépide, aguerri, expérimenté, rusé et très entraîné malgré un âge relativement avancé (69 ans).

De l’assassinat de Jules César dans la Rome antique, à celui de Laurent Désiré Kabila en Rdc, en passant par celui de Thomas Sankara au Burkina Faso, l’histoire montre que ce genre de complots a toujours impliqué des Brutus locaux. C’est Brutus, fils adoptif de César, qui lui porta le coup de grâce devant le Sénat de Rome. C’est à Joseph Kabila qu’a profité l’assassinat de son père adoptif. Au Burkina Faso, personne ne doute plus aujourd’hui de l’implication de Blaise Compaoré dans l’exécution de Thomas Sankara son ami intime, son condisciple, son frère. Idriss Deby n’était-il pas devenu encombrant pour la Françafrique ? Ses déclarations à l’emporte-pièce sur le franc Cfa ou sur sa longévité au pouvoir imputée sans aucune précaution de langage à la France, l’ubuesque intronisation au grade de maréchal du Tchad qui rappelle Mobutu et Bokassa, ont-elles déplu aux instances décisionnelles de la Françafrique ?

L’absence parlante des chefs d’Etats de la Cemac En dehors du leader centrafricain, Faustin Archange Touadera, aucun des quatre autres présidents de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Cemac), n’a daigné accompagner leur frère à sa dernière demeure. Quel est le message que les gestionnaires du pouvoir rompus à l’exercice veulent transmettre ? Et plus encore, qui en est le destinateur ? A la cérémonie des obsèques, il n’aura échappé à personne qu’Emmanuel Macron était presque la « guest star », par la charge symbolique de son discours et de sa posture à la tribune officielle.

Si donc les chefs d’Etat de l’Afrique centrale n’ont pas effectué le déplacement de Ndjamena, il y a de toute évidence un froid entre Paris et ces hommes d’Etat. Bien sûr qu’on peut tempérer en avouant que Paul Biya n’a pas l’habitude des voyages, ou qu’Ali Bongo Ondimba et Denis Sassou-Nguesso étaient occupés à Libreville par les affaires familiales. Mais pour une actualité aussi brûlante que tragique qui concerne le « frère de trente
ans », peut-on expliquer cette absence qui prend les allures d’une concertation ? A méditer !

Jean François CHANNON


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