La revue choisir n’est pas un organe de propagande, mais de discernement. La revue est restée fidèle aux intuitions spirituelles de ses fondateurs, désireux de doter la Suisse romande d’une publication d’inspiration chrétienne qui favorise le dialogue œcuménique et interreligieux. Une revue qui ne soit pas enfermée dans les frontières étroites d’une confession ou d’une école théologique.
Cette revue a été fondée il y a quelque soixante ans par des jésuites de Suisse romande. Pour célébrer sa fondation, en novembre 1959, elle a organisé un concours de nouvelles, auquel ne pouvaient participer que de jeunes talents, c'est-à-dire qu'ils devaient avoir 35 ans tout au plus.
Comme le dit le père Pierre Emonet, directeur de la revue, dans la préface, Une trentaine de talents ont eu le courage de répondre. Âgés de 11 à 35 ans, ils représentent un large éventail générationnel. Comme le dit Eugène dans sa postface, La revue choisir a choisi comme thème Le choix. Au-delà de la simple boutade, ce sujet est éminemment dramatique.
Le choix, coédité par la revue choisir et les éditions Slatkine, comprend douze nouvelles retenues par le jury. Le plus jeune talent n'a effectivement que 11 ans et le plus vieux, 35. Les choix auxquels sont confrontés les personnages principaux de ces nouvelles sont bien dramatiques: il ne s'agit pas dans ces nouvelles de choix entre deux bonheurs, pour reprendre l'expression du père Emonet.
Dans Lignine de Fanny Desarzens, le personnage, auquel le narrateur s'adresse à la deuxième personne du singulier, excelle à travailler le bois. C'est un manuel qui s'ennuyait à l'école. Un jour il assiste à la chute d'un mélèze tronçonné par des bûcherons: Un liquide a coulé: la sève a suinté de l'énorme plaie. Après ce traumatisme, perturbé, il choisit de ne plus exercer son métier.
Dans Le(s) choix du couple de Tristan Schenker, le narrateur et sa compagne, Lise, ont l'habitude de tout décider ensemble. Or, pour la première fois, dans l'existence de leur jeune couple, Lise a fait un choix sans le consulter, du moins est-ce ce qu'il croit et qui le chagrine, jusqu'au moment où il se rend compte qu'elle dit vrai quand elle prétend avoir tenté de le faire avec lui...
Dans La meilleure solution d'Antoine Vuille, le personnage hésite indéfiniment entre accepter de partir aux États-Unis pour intégrer une prestigieuse école américaine d'art et de design et rester à Lausanne et s'inscrire à l'ECAL (École cantonale d'art de Lausanne). La solution qu'il choisit n'est pas, à proprement parler, courageuse, elle serait plutôt douloureuse...
Dans Cinq petites lettres de Sonia Russo, Meredith a deux semaines de retard. Pour se rassurer elle fait un test. Il s'avère positif. Elle n'ose pas en parler tout de suite à Antoine. Quand elle le lui apprend, ils passent par tous les états d'âme avant de faire un choix - il lui était revenu à elle, même si elle n'avait pas occulté le sien -, mais cinq petites lettres feront la différence...
Dans D'abord ce sont les bêtes de Lisa Martin Perotti, Liya et son ami Zenebe font face à la sécheresse. Ils ont le choix entre emmener leurs bêtes là où il aurait plu ou y aller préalablement pour se rendre compte par eux-mêmes avant de faire un voyage avec elles qui pourrait leur être mortel. Mais est-ce seulement les bêtes qui meurent si le voyage n'est plus possible?
Dans Sur la cuvette de Léna Furlan, la narratrice décrit tout le périple qu'elle accomplit pour rentrer chez elle. Le temps s'écoule, comme la pluie. Le lecteur se demande de quel choix il s'agit. Il ne l'apprend qu'au moment de la chute, alors que le compte à rebours est sur le point d'être terminé, et qu'en fait elle n'a plus le choix...
Dans Racines de Victor Comte, une jeune femme s'approche d'un homme dans un bar et lui dit: Tu n'es pas venu. Elle est venue exprès de Suisse pour le voir. Évidemment, elle avait le choix. Elle n'aurait pu ne pas venir. Mais elle veut comprendre pourquoi elle a été éloignée de lui et des siens. En Suisse se trouvent peut-être tous ses liens, mais elle n'y a aucune racine...
Dans Saint-Kilda de Marie Favre, les uns après les autres les habitants quittent l'îlot écossais où peu à peu ne restent plus que des enfants et des vieillards. Le choix est de partir ou non sur le dernier vaisseau aux couleurs de l'Union Jack. Quel est le bon choix? Il faut bien de toute façon que la narratrice en fasse un, sans savoir si c'est le bon, ou pas...
Dans Vivre ou mourir de Bénédicte Mary Sahli, le narrateur a vingt ans. Il n'a pas le choix. Après l'attentat contre l'archiduc François-Ferdinand, le 28 juin 1914, la guerre, qu'il ne connaît pas, commence, et il est mobilisé. Pendant la bataille, cependant, il fait un choix, celui de vivre. Mais il ne sait pas si ce n'est pas finalement celui de mourir...
Un monde en briques d'Augustin Lathion est un récit qui apparaît surréaliste au lecteur tant qu'il n'a pas compris la pleine signification du titre. Car l'un des personnages, par ses choix successifs, a entraîné une escalade d'événements plus invraisemblables les uns que les autres: le battement d'ailes d'un papillon a vaincu toute passion...
Dans Un choix inattendu de Kevin Despond, des gens ternes et insignifiants vivotent dans un coin perdu des Montagnes Rocheuses. Au-dessus, sur la hauteur, vit un avocat de renom, un avocat de Denver, dans un lodge. Jusque-là, il ne leur avait pas prêté attention, mais une rencontre avec l'une d'entre eux et une information lui font faire un choix... inattendu de sa part.
Un choix, choisir? est écrit par le plus jeune des talents retenus, Théodore Montavont. Il raconte, en prêtant sa plume à plusieurs voix, comment un garçon prénommé Labib choisit de quitter la Syrie en guerre, de prendre le bateau pour l'Europe en versant au passeur la moitié de la fortune qu'il possédait avec sa mère, et qu'elle lui a donnée, pour aboutir dans un centre d'hébergement...
Les thèmes traités dans ces textes montrent les préoccupations de ces nouvelles générations (qui leur ont été soufflées quelque peu par les précédentes). La façon de les traiter diffère d'un texte à l'autre, mais elle révèle une maturité dans l'expression. Les termes employés sont révélateurs de l'époque, mais pas seulement, ce qui veut dire qu'il y a aussi transmission.
Francis Richard
Le choix, Recueil de nouvelles de jeunes talents, 126 pages, Slatkine