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Succession au Cameroun : Franck Biya, un dauphin cagoulé ?

Publié le 28 avril 2021 par Tonton @supprimez

Plébiscité sans son aval par un Mouvement créé pour soutenir sa candidature à l’élection présidentielle 2025, le fils aîné du Chef de l’Etat est sous les feux de la rampe.

De nature éloigné du feu des projecteurs, le fils aîné du président de la République est depuis quelques temps, la star autoproclamé du Mouvement citoyen des franckistes pour la paix et l’unité du Cameroun (Mcfp) créé pour soutenir sa candidature à la prochaine élection présidentielle. Sans l’aval du concerné qui ne s’en offusque pas pour autant. C’est la tumultueuse histoire de succession d’un homme qui est au pouvoir depuis 1982, ce qui fait de lui l’un des plus anciens dirigeants d’Afrique. Un roseau qui plie mais ne rompt pas. Ses pairs dans le continent l’ont surnommé affectueusement « le sage » en référence aux longues années de magistère qu’il cumule, mais aussi pour son habitude à « survivre » tel un Phoenix, à tous les vents contraires soit portés par une opposition qu’il a émasculé ou encore les assauts répétés des puissances étrangères qui ne l’émeuvent guère. Sous son règne, le Cameroun a survécu à une crise économique et est passé d’un État à parti unique au multipartisme. Tout comme il a été marqué par une corruption endémique et un renversement des acquis démocratiques, conduisant à l’annulation des limites de mandats en 2008, ce qui a permis à l’octogénaire de se présenter de nouveau en 2011. Avec 38 ans de règne à la tête de l’Etat, 7 ans comme Premier ministre de feu Amadou Ahidjo, entré dans la Haute administration en 1962, Paul Biya incarne aujourd’hui le Cameroun avec ses hauts et ses bas, de ses (rares) réussites et de ses insuccès.

Elite compradore

L’homme du renouveau qui, dit-on, a fait les humanités et les études supérieures de science politique, à l’opposé du petit certifié, agent des postes qu’était son prédécesseur, n’a que du mépris pour la légitimité populaire puisque lui seul, est le maître des horloges et n’a d’yeux que sur son trône. Malgré le souhait de la majorité des camerounais avant le scrutin d’octobre 2018, de voir le président du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), laisser le Cameroun tel qu’il l’avait reçu le 6 novembre 1982 et qu’il tienne les engagements qu’il a toujours pris devant ses compatriotes en leur apportant la démocratie, l’État de droit et la prospérité, le respect de la chose publique, le Sphinx et sa soif du pouvoir dont il en a fait son élixir, ne compte pas lâcher du lest. Autant mieux s’y accrocher jusqu’à ce que mort s’en suive s’il le faut.

Pendant ce temps, plusieurs observateurs soutiennent qu’au trône depuis 1982, le capitaine du navire des « grandes opportunités » n’a contribué qu’à favoriser l’émergence d’une infime minorité des accapareurs bourgeois compradores qui ont confisqué tout ce que le pays recèle de ressources profitables pour leur seul bonheur. candidature, une once de changement. Quoique certaines sources confirment que ce mouvement est né avec l’onction de certains membres de la famille présidentielle qui usent de tous les stratagèmes pour imposer leur progéniture et pérenniser ainsi la dynastie Biya au pouvoir. Un scénario d’alternance de père en fils qui s’apparenterait étrangement aux cas du Gabon avec Ali Bongo ou encore plus près de nous avec Mahamat Idriss Deby, porté à la tête de l’organe transitoire quelques heures seulement après le décès de son guerrier de père.

Successeur crédible

C’est peut-être fort de ce tableau sombre et dans le dessein de changer la donne qu’un groupe de pression baptisé Mouvement citoyen des franckistes pour la paix et l’unité du Cameroun(Mcfp), composé d’hommes politiques, d’hommes d’affaires et de certains proches du pouvoir(agissant presque tous dans l’ombre) ont cru idoine de demander à Franck Emmanuel Biya, fils aîné du président Paul Biya de se présenter à la présidentielle de 2025. Un choix osé et plus que courageux qui continue de faire bouger la toile, charriant commentaires et analyses les plus ronflants. Malgré le mutisme du concerné, sur sa position, cette formation politique hétéroclite dirigée, apprend-on, depuis 2013 par Mohamed Rahim Noumeau, un chef d’entreprise, estime que Franck Biya est un successeur crédible. Une vaste campagne d’adhésion a d’ailleurs été lancée récemment dans le pays et au sein de la diaspora afin de regrouper le plus de personnes possibles pour soutenir le premier né de la famille Biya qu’on sait pourtant très éloigné du feu des projecteurs.

Selon Nathan Abomo, le chargé de la communication du Mcfp, que nos confrères de dw.com, « Franck Biya apparaît comme le jeune qui réunit toutes les compétences nécessaires. Pour avoir occupé le poste de conseiller spécial du président Paul Biya pendant près de 25 ans, il est clair qu’il maîtrise les dossiers sensibles du Cameroun, il maîtrise la politique interne et externe du pays. Franck Biya est discret, c’est un entrepreneur. Autant de raisons parmi d’autres qui nous ont motivé à l’appeler à se présenter à la présidentielle de 2025. À propos de son mutisme, le connaissant, ça pourrait être stratégique.

» Une explication qui résonne beaucoup plus comme une campagne de propagande déguisée, qu’une volonté de voir en cette Qui ne dit rien consent ? Sujet sensible et taxé de tabou, la question de l’alternance au Cameroun s’est amplifiée ces derniers mois avec la naissance de ce fameux Mcfp dont le bruitage n’a pas échappé au magazine panafricain Jeune Afrique. Lequel a flanqué en petite Une de son numéro en kiosque du mois de mai 2021 «Cameroun: l’énigme Franck Biya». Notre confrère a saisi la balle au bond pour proposer à ses fidèles lecteurs un décryptage de cette actualité qui secoue le microcosme politique au pays de Germaine Ahidjo.Dans la foulée, J.A fait remarquer que le principal concerné regarde, sans mot dire. «Franck Biya, le fils de Paul n’approuve pas, mais ne désapprouve pas non plus le mouvement qui promeut son image. Contacté par Jeune Afrique, Franck Biya ne souhaite pas non plus s’exprimer», indique le magazine qui précise néanmoins que l’homme de 49 ans a laissé son entourage faire le démenti. «Il ne connait pas ces gens, jure l’un de ses amis. Ils ont agi de leur propre initiative, il n’a rien à voir avec eux», écrit Georges Dougueli, l’auteur de l’article.

La France à la baguette ?

Invités à débattre sur ce sujet hier 27 avril 2021 sur Radio Balafon émettant depuis Douala, les hommes politiques Banda Kani et Robert MouthéAmbassa ont tenté de démonter de toutes pièces ce que d’aucuns qualifient de lugubre projet. Pour le président national du Nouveau mouvement populaire (Nmp), l’appel à Franck Biya est l’œuvre de pontes du régime craignant de perdre leurs privilèges quand Paul Biya ne sera plus là. «Certains lobbies de Yaoundé préparent Franck Biya. C’est un vieux projet», dit-il, ajoutant que cela se fait «contre la volonté du président Biya. Il était même question à un moment donné pour ces groupes-là d’assassiner le président», affirme l’ancien dirigeant du Manidem. «Il y a des lobbies à Yaoundé qui estiment que le Cameroun doit leur appartenir sur 100 ans. Je dis bien sur 100 ans. Le temps qu’ils meurent leurs enfants seront là et tout. Ils ont volé beaucoup d’argent dans ce pays. Ils ont fait des choses qui les empêchent de dormir. Et pour être en sécurité, il faut qu’après le président Biya, ils placent quelqu’un qui non seulement va les protéger eux et leurs familles, mais s’assurer de leur prospérité sociale. Tout cela avec la bénédiction de Paris. Parce que tous ces gens sont des pro-français. Il y a des réseaux franc-maçons, rosicruciens, ceux qui mélangent la tradition, la franc-maçonnerie», argumente Banda Kani pour qui«c’est aux Camerounais de dire s’ils veulent ou non d’une succession dynastique».

23.000 adhésions sur sa plateforme Facebook

Le membre du Comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) pour sa part, martèle que «le Rdpc n’est pas concerné par ce qui se passe en ce moment avec les franckistes. Franck Biya lui-même n’est pas concerné. Il n’a aucun contact avec tous ces gens. Il ne les connaît même pas. Il observe», clame-t-il en expliquant qu’«il y a des gens qui sont à la tête de certains mouvements pour des ambitions personnelles parce qu’ils pensent que derrière ça, ils peuvent avoir des retombées. Il y a des groupes qui se sont formés».En quelques semaines, rapportent nos confrères de nawsducamer.com, l’initiative a enregistré près de 23.000 adhésions sur sa plateforme Facebook. Malgré cette forte adhésion le mouvement suscite encore quelques questionnements : qui est réellement à l’origine de cette initiative ? Franck Biya a-t-il donné son aval pour la création de ce mouvement ? Quelle sont les réelles intentions de cette initiative ? A peine né, le mouvement Franckiste s’est déjà multiplié en plusieurs groupuscules. « Il n’y a pas un unique mouvement Franckiste, c’est des groupes indépendants et qui ne se connaissent même pas, il y a aussi des individus qui font des publications dans ce sens juste par suivisme et fantaisie. Mais on peut distinguer deux principaux courants dans cette affaire », informe Rostand Akono Ze, un Franckiste-Biyaiste.

Christian TCHAPMI


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