Le Great Reset a la prétention de faire de la prospective, c'est-à-dire de décrire ce qui va se passer inéluctablement, ou ce qui a de grandes chances de se produire, sans prendre parti pour ou contre.
Ainsi Éric Verhaeghe, dans son livre, analyse-t-il rationnellement le texte coécrit par Klaus Schwab et Thierry Malleret, en se gardant bien de faire le procès des bonnes ou mauvaises intentions qui les animent.
Dans leur livre paru en juillet 2020, ces derniers décrivent ce que la pandémie de Covid-19 va changer dans le monde. Et ce qu'ils prédisent, ou préconisent, n'est guère réjouissant, sauf pour eux et leurs clients.
L'auteur rappelle que Klaus Schwab est le fondateur du World Economic Forum et que Thierry Malleret est un ancien conseiller de Michel Rocard, autrement dit que ce ne sont que des consultants, hors sol.
Ce qui est intéressant, ce ne sont donc pas les mythes prêtés au Great Reset, mais ses réalités. Comme ses auteurs cultivent l'ambiguïté, leur livre est dans l'entre-deux et se situe entre influence et idéologie.
Il n'est pas nécessaire de chercher à départir ce qui relève de l'une ou de l'autre. L'avenir radieux, qu'ils appellent de leurs voeux, ne le sera pas, s'ils ne se trompent pas. Le pire, heureusement, n'est jamais sûr.
Ce qui est sûr, c'est que la pandémie de Covid-19 est une belle opportunité pour ces influenceurs ou idéologues. S'il est vraisemblable qu'elle a été déclenchée accidentellement, elle tombe cependant à pic.
Pour servir les intérêts de leurs clients, ils sont favorables à une gouvernance mondiale, à ce que les décisions soient rapides: les États-nations et la démocratie ne sont pas compatibles avec leur mondialisation.
Une telle gouvernance ne signifie pas gouvernement mondial mais multilatéralisme où des régions dans le monde, sur le modèle de l'Union européenne, servent les intérêts publics et privés de leurs élites clientes.
Ces élites, publiques et privées, doivent travailler de connivence et s'entourer d'experts. Leurs sociétés reposeront sur deux piliers: les bénéficiaires de la mondialisation et les aides octroyées à ceux qui ne le sont pas.
Pour conserver leurs profits, ces élites doivent gérer les risques qui pourraient y porter atteinte. Ce n'est que dans ce but qu'elles se sont converties à l'écologisme, mais évidemment pas pour autant à la décroissance.
C'est là que la pandémie est pour eux une divine surprise: l'urgence permet de se passer du consentement des populations et de prendre des mesures de restrictions des libertés qui auraient été impossibles autrement:
L'épidémie est l'occasion d'une remise à plat économique radicale, au nom de la santé, même si la santé n'y est pour rien.
L'épidémie pourrait jouer les prolongations, ce qui permettrait de finir d'imposer le traçage et le suivi des individus, de maintenir en place des États autoritaires qui achèteraient la paix sociale à coup de distributions.
Les auteurs n'ont rien contre l'intervention des États, bien au contraire. Tout ce qu'ils souhaitent, c'est un monde où le capitalisme est de connivence avec ceux-ci et où les populations continuent de consommer.
Ils ont une piètre conception de l'homme: il n'est pas besoin qu'il soit cultivé, d'une bonne culture générale, humaniste, épris de valeurs universelles éclairées par la raison, tolérant. Il suffit qu'il se sente bien et accepte tout.
Au terme de son analyse, dont seules les grandes lignes sont évoquées ci-dessus, Éric Verhaeghe incite le lecteur à combattre ce modèle, d'abord en le décryptant, ensuite en démontrant point par point sa toxicité:
Le futur annoncé signe la disparition de l'esprit critique, de la liberté individuelle, de la vie privée, de l'humanisme au profit d'un grand tout collectif dominé par des États puissants et policiers, qui ressemblent furieusement au modèle chinois.
Francis Richard
PS
Ceux qui ne seraient pas convaincus après avoir lu Éric Verhaeghe peuvent toujours lire, en accès libre, Covid 19: La Grande Réinitialisation, la version française du livre signé par Klaus Schwab et Thierry Malleret.
Le Great Reset: mythes et réalités, Éric Verhaeghe, 180 pages, Culture & Racines
Un livre précédent:
Ne t'aide pas et l'État t'aidera, Éditions du Rocher (2016)