"La science en sortira meurtrie, elle va mettre du temps à s'en remettre". Voilà un storytelling.
Ces mots entre guillemets sortent de la bouche du professeur Delfraissy, le président du conseil scientifique mis en place pour éclairer les choix du gouvernement concernant la gestion de la pandémie Covid-19.
Je ne vais pas commenter le sens de cette phrase : je ne sais pas ce que voulait dire celui qui l'a prononcée. Je vais saisir cette perche pour parler de l'histoire que la science pourrait raconter dans les temps à venir, post-Covid. Mais si, mais si : il y aura un après.
Un storytelling ou des storytelling pour la science ?
Ce serait trop simple s'il n'y avait qu'une seule histoire. Cela voudrait dire que le sujet est unidimensionnel. Mais quel sujet peut aujourd'hui être unidimensionnel, dans le monde dans lequel on vit ? Peut-être bien que la science, ou du moins les scientifiques, le croyait, eux... A tort, si c'est le cas.
Nous sommes donc bien plus dans ce que David Boje, pionnier de la réflexion du storytelling devant l'éternel, appelle les antenarratives. Précision : quand je dis "devant l'éternel", cela ne veut pas dire qu'il est mort, c'est juste une marque de respect.
Eclairage sur les antenarratives : cela signifie qu'il n'y a pas une histoire dominante qui se développe. Il y a plutôt de nombreux fragments d'histoires qui circulent, s'agglomèrent, ou pas, peuvent se désagréger tout en allant de l'avant. Ce n'est pas chaotique, c'est ainsi que va le monde sur ce sujet spécifique : pas de déterminisme, mais des hypothèses, ou des paris c'est comme on veut, sur l'avenir, avec ces antenarratives.
Le storytelling du futur de la science
- Une connexion avec le monde des gens
J'ai entendu un grand professeur déplorer que tous les diplômes des scientifiques n'avaient visiblement pas suffisamment de valeur pour que l'on suive sans sourciller leurs prescriptions, dans cette crise du Covid.
Bienvenue dans le monde d'aujourd'hui, cher ami ! Aujourd'hui, le monde des notables n'est plus ou est en fin de vie, tout au moins. Cette crise Covid a seulement permis à ceux qui n'étaient pas au courant de se mettre au parfum.
Un influenceur qui une relation de confiance avec sa communauté et qui sait comment lui parler pourra avoir bien plus d'... aura que tous les diplômes du monde.
Bien sûr, du coup, n'importe qui pourrait raconter n'importe quoi à n'importe qui. Mais bon... On a quand même beaucoup l'impression, depuis le début de cette crise, d'une joyeuse (façon de parler) cacophonie entre tous nos éminents professeurs qui se succèdent dans les médias.
Ce qu'il faut, donc, c'est que la science, et surtout les scientifiques, racontent un storytelling qui sache établir une relation de confiance avec les gens et leur parler comme à des personnes, pas uniquement comme à des patients en situation d'infériorité. Bref, être des influenceurs, et pas des prescripteurs. Eh oui, ça réclame un peu plus de modestie...
Qu'est-ce qui a permis à des vaccins comme celui de Pfizer et celui de Moderna de voir le jour ? Et n'a pas permis à Sanofi ou à l'Institut Pasteur d'aboutir à la découverte du leur ?
C'est la pratique du thinking out of the box. De se dire que ce que l'on n'avait pas prévu d'associer pourrait fonctionner. Il n'était pas prévu que l'ARN messager puisse donner naissance à un vaccin. Cela ne peut pas fonctionner, c'est sûr, car on sait ce qui marche pour faire un vaccin. Du moins, on croyait savoir.
Le storytelling scientifique du futur doit donc intégrer la possibilité de l'impossible. Alors, on va me dire : mais la science fonctionne toujours comme cela. La science est faite de découvertes, pas de certitudes. La science, c'est le doute, peut-on entendre.
Oui, mais quand on parle d'out of the box, c'est vraiment out of. Pas dans la périphérie de la boîte.
Je m'explique un peu plus précisément. Il y a quelques années, je me suis lancé dans la recherche universitaire. Et puis j'ai arrêté. Pourquoi ? Parce que mon domaine de recherche était à cheval entre deux disciplines complètement différenteset que mon directeur de thèse m'a dit qu'il fallait choisir entre les deux. Un sujet mixte était inenvisageable, et que lui aussi quand il était jeune... blablabla.
Tant que (une partie de) la science fonctionnera en silos, les avancées les plus audacieuses ne seront le fruit que de marginaux. Et par définition, les marginaux sont les moins nombreux.
Où est l'IA dans la gestion de cette crise ? L'intelligence artificielle. Si on se réfère aux travaux du Conseil de l'Europe sur le sujet COVID - IA, l'intelligence artificielle est utilisée... A des fins de surveillance, de tracking. Et voilà, c'est tout. Et encore, l'application StopCovid est comptée dans le lot. c'est de l'intelligence artificielle au sens très large, donc.
Le potentiel est pourtant là pour aller beaucoup plus loin. Dans cet article médical, toutes les applications possibles de l'IA pour lutter contre le Covid sont présentées. comme des possibilités pour les plus audacieuses d'entre elles : celles qui envisagent l'IA comme une aide directe aux soignants. Le choix de gestion médicale a grandement écarté les IA de cette pandémie. L'humain s'est chargé de l'affaire, ou du moins a essayé. Avec toutes ses failles, y compris pour construire des modèles mathématiques biaisés concernant la pandémie.
Eh bien, visiblement l'intelligence artificielle aurait pu apporter plus à la lutte contre le Covid. Contrairement à ce que prétendent les devins apocalyptiques, l'IA n'est pas destinée à remplacer l'homme, mais à l'assister. Ce qui amènera tout de même l'homme à devoir évoluer, changer des choses dans sa manière de faire. Et c'est bien le problème des scientifiques depuis plus d'un an : vouloir que les choses fonctionnent comme elles ont toujours fonctionné, dans une période où plus rien ne se passe comme avant...
- Les prières des chapelles médicales ne suffisent pas
Les chapelles médicales ? Je dis médical, mais j'aurais pu dire scientifique. Cela entre en résonance avec ce que j'ai déjà exposé plus haut. Le fonctionnement en silos, c'est comme le planter du bâton dans le film Les Bronzés font du ski, ça ne marche pas. Pourtant, on voit bien cette passe d'armes entre médecins de telle ou telle spécialité : médecins spécialistes vs. généralistes, virologues vs. réanimateurs...
Cela ne marche pas du tout. C'est du collaboratif qui est nécessaire de nos jours, avec un respect mutuel, quels que soient les autres parties prenantes et leur expertise. Même si elle est très éloignée de la nôtre.
Le storytelling du futur de la science est aussi là.
Voilà. On pourrait encore explorer d'autres aspects, mais je vais en rester là. Et continuer à travailler pour aider des entreprises ou tout type d'organisation à concevoir des storytelling qui se projettent vers l'avenir. Cela se passe comme ça chez Storytelling France.