TRILOGIE (3)
Motivations
J’ai perdu un temps toute motivation pour étudier le japonais. Pour la simple raison que mon niveau me permettait déjà de faire tout ce dont j’avais besoin ici. Travailler, manger, s’occuper des démarches administratives. Une langue est après tout un outil, qui, déconnecté des besoins, s’oublie aussi vite qu’elle ne s’apprend. Je me trouvais pourtant dans l’embarras concernant mes loisirs. Je n’arrivais toujours pas à m’immerger dans des fictions dont le vocabulaire était trop spécialisé.
Comment faire alors pour progresser, lorsqu’on a une aversion totale pour l’apprentissage et la mémorisation. Ma première réponse fut le unko drill. Le « drill » est un exercice fastidieux pour écolier japonais qui consiste à remplir des phrases à trou avec les caractères adéquats, préalablement mémorisés. Torture pour l’esprit et le corps, recroquevillé sur le petit livret tenu à une main dans le train, rempli au crayon par l’autre. C’est sans compter sur le « unko », littéralement « caca », un drill très spécial donc, qui propose aux enfants de travailler toujours aussi sérieusement, mais cette fois sur des phrases scatologiques. Le sérieux de l’exercice contrastant avec le sujet traité, on ne peut que s’esclaffer bêtement à chaque page tournée. Le tout étant agrémenté de petits dessins très mignons de déjections qui prennent la forme de bonhommes moustachus habillés en professeurs. Tout un programme, que j’ai malheureusement abandonné après une dizaine de pages, pour me concentrer sur un nouveau drill, bien plus motivant.
Cette fois c’est le groupe d’idoles AKB48, dont je raffole, qui est au centre du cahier d’exercices. Chaque page, nous sommes accompagnés par de charmantes créatures qui nous informent sur leur quotidien de chanteuses et modèles. On apprend tantôt que l’une est accro aux bonbons roses, l’autre aux bananes enrobées de chocolat. L’ouvrage est parsemé de photos en couleur, bien cadrées, et très agréables à l’œil. Cerise sur le gâteau, une fois les exercices réalisés on peut gagner des notes, commentées par une idole, et un petit autocollant en forme de cœur qui valide l’unité. Et bien, je peux dire aujourd’hui que, de toute ma vie d’étudiant, c’est peut-être le seul manuel de langue que j’aie suivi de A à Z sans jamais me lasser.
Rémi Brun