Le garçon entre dans l'alcôve du pénitent alors que le religieux pénètre dans la loge du confesseur.
La scène se passe à l'intérieur de la cathédrale d'une petite ville située au coeur des Alpes suisses. Un jeune homme dans les vingt ans s'apprête à se confesser à un prêtre vêtu en clergyman qui doit bien avoir la quarantaine.
Bien que le jeune homme ne soit guère pratiquant et que la religion ne soit pas son truc, il a été baptisé catholique et il éprouve la nécessité de se soulager des actes qu'il a commis, et qu'il regrette, auprès d'un homme de Dieu.
En les lui révélant il lui dit qu'il risque sa vie. Mais le prêtre le rassure: ses propos ne sortiront pas du confessionnal... Le secret de la confession n'est pas une chose avec laquelle on plaisante chez les catholiques. Il doit le savoir.
À douze ans, les études ne l'intéressaient guère, mais, curieux et joueur, il commençait déjà à s'introduire dans différents systèmes informatiques: ses parents lui avaient fait passer des tests et il avait un QI plus haut que la moyenne.
Après que son père, haut fonctionnaire, a découvert qu'il s'est introduit dans les sites de l'État, il se contente de pirater des programmes et de jouer en ligne, passe sa maturité scientifique a minima, sans fournir d'effort.
Entré à l'École Polytechnique de Lausanne, il ne bosse plus, utilise ses talents de hacker pour se faire un peu de fric, vole sur plusieurs centaines de comptes bancaires des petites sommes pour que cela ne se remarque pas.
Il aime jouer en ligne. Un jour, il pénètre sur le site d'une société qui fabrique de tels jeux, la VirtWorld US Games Corp. Le lendemain il a la visite de deux gros bras qui le violentent avant de lui demander de travailler pour eux.
Le travail en question est bien rémunéré et consiste à tester des jeux, à servir de cobaye (les activités de son cerveau seront analysées), à vivre coupé du monde pendant trois ans dans un labo. Mis sous forte pression, il accepte.
Son coach s'appelle John Doe1. Il lui précise qu'il testera principalement des jeux de guerre avec du matériel très sophistiqué et que, s'il atteint les buts fixés, il gagnera des points convertis en dollars en fonction de leur difficulté.
En dehors du jeu, il aura de quoi s'occuper entre manger, faire du sport, lire, regarder des films... et baiser (une fille différente chaque mois, qu'il pourra choisir sur catalogue... en fonction du physique ou des centres d'intérêt).
S'il est venu se confesser, c'est qu'à un moment donné les choses ont mal tourné pour lui et qu'il en a lourd sur le coeur. La société ne doit pas être celle qu'elle prétend être et doit poursuivre d'autres buts que ceux qu'elle affiche.
Ce monde virtuel, et très rémunérateur, est trop beau pour être vrai et le lecteur se demande quel sera finalement le grain de sable faisant basculer dans la réalité le gamer conditionné et performant au point de vouloir se confesser.
Les confessions de ce roman d'anticipation - il se situe dans environ deux décennies - sont en tout cas très bien rendues par l'auteur: le prêtre s'exprime comme un prêtre et le pénitent comme un jeune homme au parler volontiers cash.
Bien sûr le lecteur pourra être dubitatif quand lui seront dévoilés les enjeux colossaux qui justifient sa forte rémunération, mais il ne pourra, une fois admis, que trouver logique l'épilogue qui clôt ce récit qui se lit comme un thriller.
Francis Richard
1 - John Doe, en anglais, désigne une personne lambda...
Ainsi soit-il !, Michel Cretton, 240 pages, Éditions Station Five Avenue (2017)
Livre suivant:
Le pantin assassiné (2021)