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Pepsi vs Cocal : la "mer" de toutes les stars

Publié le 28 juillet 2008 par Gonzo


Jusqu’au début des années 1990, le Coca Cola était boycotté ans le monde arabe. A cause de ses liens présumés avec le mouvement sioniste sans doute, mais plus encore en tant que symbole de l’impérialisme américain. A ce titre, il joue un rôle capital dans Le Comité, un des meilleurs romans du romancier égyptien Sonallah Ibrahim publié en 1981 (traduction française chez Actes Sud).
Aujourd'hui, alors que nombre de marchés sont saturés, les pays arabes offrent aux producteurs de boissons gazeuses une croissance annuelle de 10 %. Avec une démographie galopante productrice de jeunes assoiffés de boissons (en principe) non alcooliques, leur potentiel de développement pour les marques de "gazouze" est donc immense, et les enjeux commerciaux énormes.
Malgré ses brillantes campagnes de publicité, parmi les premières dans le monde arabe à jouer pleinement le jeu de la mondialisation consommatrice (voir ce précédent billet), Coca Cola a du mal à rattraper son retard et plafonne à 35% de parts de marché (lien vers un bon article du Los Angeles Times).

Couverture de Mohieddine Ellabbad pour Le Comité

Pepsi continue à dominer le marché, une position qu'il est bien décidé à défendre chèrement (c’est bien le mot). A très très grands frais (comme on s'en rend compte par exemple à la qualité – technique s’entend – du site spécialement créé pour l’occasion : cliquer sur le carré de droite pour les connexions rapides puis sur la ligne de texte en dessous du cercle), la société vient en effet de produire la première comédie musicale publicitaire arabe (et peut-être mondiale). Après un lancement auprès de la presse à Beyrouth, au Caire, c’est également le premier film arabe à être distribué simultanément dans plusieurs grandes capitales de la région.
Ecrit par un scénariste américain, réalisé par un Egyptien célèbre pour ses clips musicaux à destination des chaînes télé, Bahr al-noujoum (Sea of stars – بحر النجوم) raconte l’histoire, redoutablement simple, d’un jeune homme qui se désespère de voir son île, autrefois prospère, végéter. Bien décidé à lui faire retrouver la prospérité, il a l’idée de monter un festival musical, lequel, comme de bien entendu, est sponsorisé par… Pepsi ! De l’avis des critiques, le film est totalement nul mais il sera peut-être malgré tout un succès, pour l’industrie du disque en tout cas, grâce à ses principaux interprètes parmi lesquels figurent quelques-unes des grandes vedettes de la chanson arabe.
Cet épisode publicitaire permet de se rendre compte que si la politique américaine s’obstine à passer l’ensemble des conflits de la région à la seule moulinette de la religion, en évoquant un étrange Great Middle East qui va jusqu'à l'Afghanistan et en s'obstinant à ne parler que de Muslim World, les experts des grandes firmes globales, eux, continuent à tabler sur quelque chose qui s’appelle "le monde arabe".
Comment expliquer sinon que ces promoteurs zélés du capitalisme mondialisé que sont les experts en communication de la société Pepsi ont retenir un panel d’interprètes qui va, selon la formule consacrée, "du Golfe à l’Océan" ? Comme on le voit d'ailleurs sur la photo, le trio de choc libanais – composé des trois super (sexy) vedettes Carole Samaha, Wael Kfoury et bien sûr Haifa Wehbe – est ainsi encadré à gauche par une représentant du couchant (maghreb) arabe, le Tunisien Ahmed El Cherif, une ex-vedette du premier Star Ac’, et à droite par une chanteuse issue de son orient (machrek), la jeune vedette des Emirats, Ruwaida Al Mahrooqi. (Tout ce petit monde, on s'en aperçoit en visitant le site du film, s'exprime en libanais, qui reste la lingua franca des clips arabes.)
Dès lors, on peut s’amuser à relire le (pauvre) scénario du film : cette île jadis prospère, ancien phare de la civilisation et qui maintenant végète dans la pauvreté, c’est bien entendu le monde arabe. Et pour renouer avec le progrès et retrouver richesse, beauté et célébrité, il suffit que les grandes voix de la nouvelle génération fassent preuve de bonne volonté.
Si le sponsor de ce scénario de rêve ne peut être qu'américain, il reste à trouver le jeune homme qui aura l’idée géniale de lancer "la mère de toutes les batailles" pour unir tout le monde au sein du festival de "La mer des stars"... Le jeune Gamal Moubarak peut-être ?
En attendant le brûlant billet de la semaine prochaine, consacré à la sulfureuse Haifa (Wehbe), la vidéo de la semaine vous permet de découvrir la bande annonce de "La mer des stars"...
On annonce la mort de Youssef Chahine. Une précédente chronique parlait de son dernier film, Chaos. Elle vous donnera notamment un lien jusqu'au site du réalisateur aujourd'hui disparu.

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