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La Mort en gondole, de Jean-Bernard Vuillème

Publié le 08 juin 2021 par Francisrichard @francisrichard
La Mort en gondole, de Jean-Bernard Vuillème

Si j'avais vingt ans de moins, disons quinze, il serait peut-être encore temps de l'aborder de front plutôt que de m'abandonner à son pas et à la traque qui l'occupe, faute d'autre chose, maintenant que je ne suis plus qu'une ombre de sa vie ancienne, sans autre projet que de larguer les amarres.

Le narrateur de Jean-Bernard Vuillème retrouve Léopold et Silvia à Venise, par le train, en pleine crise d'obsolescence. Il aurait pu partir pour une autre destination, mais c'est la première qui lui est venue à l'esprit.

S'il n'y avait pas eu Silvia, il ne serait peut-être pas parti. Elle est nettement moins âgée que lui, donc elle est jeune. Elle a mis du temps à trouver sa voie: d'abord l'architecture, puis l'histoire de l'art, enfin la psychologie.

S'il n'y avait pas eu Léopold, il ne serait peut-être pas parti non plus. C'est le peintre neuchâtelois Léopold Robert, un peintre neurasthénique, qui eut son heure de gloire au XIXe siècle mais qui est maintenant oublié.

Quel prétexte le narrateur a-t-il donné à Silvia pour l'accompagner? Pour ne pas la suivre à son insu, il lui a proposé de la soutenir dans ses recherches sur Léopold. Elle n'a pas refusé mais elle y a mis quelques conditions:

Nous ne ferions pas le voyage ensemble et nous logerions dans des hôtels différents. Je me tiendrais simplement à sa disposition et j'attendrais sur place qu'elle me donne rendez-vous. Elle voulait bien que je me mette à son service et que je l'escorte, mais seulement sur appel. Pour le reste, elle m'autorisait à mener toutes les enquêtes que je voulais et dont je devais bien sûr lui rendre compte.

Avant de partir, il a fait des recherches sur la vie de Léopold et son oeuvre. Restituer l'histoire de cet autre lui a permis et lui permettra de rompre avec son passé. Et en rejoignant Silvia, il pourra vivre encore un peu.

Sur place, il raconte parallèlement ses joutes verbales avec Silvia et des moments de la vie de Léopold, anthumes et posthumes, qu'il revit. Comme elle, il remet ses pas à Venise dans les siens pour mieux le comprendre. 

Léopold est mort à Venise: il a succombé à un chagrin d'amour et à une inquiétude dévorante. Sa tombe, sur laquelle il médite, se trouve sur l'îlot San Michele et est voisine de celles de Pound, Diaghilev, Stravinsky...

À Venise, amour et mort se mêlent comme ruelles et canaux, qui se prêtent bien aux allers et retours, dans le temps et dans l'espace. Après avoir encore vécu, trouver La Mort en gondole ne serait-ce pas une belle fin? 

Francis Richard

La Mort en gondole, Jean-Bernard Vuillème, 128 pages, Zoé

Livre précédent:

Sur ses pas (2015)


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