Il y a encore peu de temps, les innovations proposées par les startups de la FinTech n'arrivaient, éventuellement, dans les établissements historiques qu'après de longues années d'observation et de validation. Signe de maturité, les idées émergentes sont aujourd'hui répliquées toujours plus rapidement… même, parfois, les moins convaincantes.
Comparez, par exemple, l'éternité qui s'est écoulée entre l'apparition des premiers outils d'épargne automatique ou le lancement des plates-formes de robot-conseiller d'investissement et leur intégration par des institutions financières traditionnelles, souvent avec une ambition très réduite, avec les quelques mois, de plus en plus courts, entre la généralisation des méthodes alternatives de scoring de crédit ou la création de banques pour les enfants et leur introduction dans les grandes enseignes de la finance.
L'exemple du jour nous vient de Fidelity Investments. Ce n'est qu'en 2020 qu'est née, je crois, la notion d'une nécessité, au mieux inscrite dans une vision plus globale d'éducation financière à 360 degrés, d'enseigner les principes de l'investissement aux adolescents américains. Elle n'a pas fait ses preuves (comment le pourrait-elle si vite ?) que, déjà, le géant du domaine propose à ses clients (adultes) d'équiper leur progéniture d'une offre complète, leur permettant entre autres de se familiariser avec les marchés.
L'initiative est audacieuse. Non tant du point de vue de la définition du produit lui-même – il ne représente probablement pas un défi majeur pour une entreprise de cette dimension – que par son audience cible, dont le potentiel n'a jamais été sérieusement évalué ni éprouvé… mais qui peut cependant se révéler explosive. En effet, une plate-forme d'investissement pour les jeunes est susceptible de déclencher des réactions négatives du grand public, potentiellement catastrophiques pour la réputation de Fidelity.
C'est le rôle normalement dévolu aux pionniers que de prendre tous les risques sur une innovation, les suiveurs rapides se tenant en embuscade afin de décliner au plus tôt les meilleurs concepts une fois qu'ils ont plus ou moins démontré leur valeur. Or, dans le secteur financier, les pionniers sont presque toujours des jeunes pousses, tandis que les acteurs en place prennent habituellement leur temps avant de suivre les tendances ainsi tracées, en considérant que, de toutes manières, la menace concurrentielle est minime.
Une inflexion semble donc marquer progressivement la stratégie d'une partie (la moins timorée) de l'industrie. Entre la recherche quasiment frénétique de nouvelles sources de revenus, la prise de conscience du danger réel que finit par constituer la FinTech, le rythme intense de transformation que cette dernière impose, le besoin de mieux répondre aux attentes des clients…, certaines institutions s'engagent résolument dans la voie d'une innovation plus radicale, se résignant à assumer un niveau de risque inédit.
D'un côté, cette mutation signale une petite fracture dans l'univers plutôt conservateur de la finance, avec pour conséquence principale le creusement du fossé entre les plus réactifs au changement, qui vont accroître leur avance, et les plus prudents, qui accumuleront leur retard. Par ailleurs, les entrepreneurs doivent se préparer à subir beaucoup plus tôt qu'ils ne l'imaginent la riposte à leurs tentatives de disruption. La seule option viable consiste alors pour eux à rehausser significativement leurs ambitions.