Magazine Société

Julien Arthur Nkoto Akoa : « l’Approche par compétences n’est pas la mieux indiquée pour le Cameroun »

Publié le 14 juin 2021 par Tonton @supprimez

L’inspecteur de pédagogie régional analyse le nouveau système éducatif, l’Approche par compétences.

Qu’est-ce que l’Approche par compétences ? Ses spécificités ?

Différente de l’approche par objectifs qu’elle remplace progressivement dans le système scolaire camerounais, l’Apc, approche par compétences est une méthode d’apprentissage qui apparaît en Occident au début des années 90 et dont le but est de construire l’enseignement sur la base de savoir-faire que l’on évalue dans le cadre de la réalisation d’un ensemble de tâches plus ou moins complexes dans la vie quotidienne. C’est une approche qui, à la base, vise à permettre à l’apprenant de mettre à profit les savoirs acquis, de les utiliser pour résoudre des situations-problèmes rencontrées dans la « vraie vie ». En cela, l’enseignement cesse d’être une simple acquisition des savoirs pour devenir un apprentissage de la vie. L’Apc permet alors à l’apprenant (Centre de toute activité pédagogique) de s’approprier des compétences vérifiables susceptibles de constituer un appui considérable à la fois dans son parcours scolaire et dans la vie quotidienne. Le caractère puero-centré des activités pédagogiques et de la didactique des différentes disciplines constituent une qualité essentielle dans la lutte contre l’échec scolaire.

Est-ce une bonne option pour notre système éducatif?

La question est très pertinente et mérite d’être posée. Avant d’oser toute réponse, je me demanderais simplement pourquoi les pays qui ont posé les bases de cette approche l’ont abandonnée peu de temps après! Puis la réponse, un point de vue purement personnel, se fondera sur la spécificité du contexte dans lequel fréquente la jeunesse camerounaise: dans des salles de classe à effectifs pléthoriques, la pauvreté des familles dont les enfants frappent majoritairement aux portes de l’école et qui sont incapables de s’offrir autre document à caractère pédagogique que le cahier et le stylo… ! Ce qui disqualifie déjà le cadre d’apprentissage; mais est-ce vraiment le problème de l’Apc, je répondrais également par la négative… en considérant, malgré les efforts louables fournis par la dynamique équipe de l’Inspection générale des Enseignements, que cette approche, qui peut paraître bonne en elle-même, ne semble pas la mieux indiquée pour notre pays comme pour plusieurs autres en Afrique et ailleurs dans le monde.

Les enseignants ont-ils assimilé cet autre type de transmission des connaissances ?

Étant enseignant moi-même, il faut dire que lorsqu’on a été formé avec et pour une approche, le changement pour une autre devrait obéir à un canevas bien élaboré. La mise en place de l’Apc a certes été progressive mais les enseignants s’en sont sentis peu concernés du fait de l’organisation. Demander à ceux qui ont été formés pour l’approche par objectifs acquise durant cinq/deux ans d’appliquer l’APC au bout de deux ou trois séminaires d’un jour par semestre était un aveu d’impréparation; des séminaires qui quelquefois ne répondaient pas aux questions que se posaient les enseignants sur la question; des séminaires au cours desquels le professeur devait dépenser de son salaire pour obtenir en les faisant photocopier à ses frais des documents devant être mis à sa disposition…
Mais, il faut louer leur professionnalisme car ils ont compris qu’ils sont au service d’un employeur. Et à ce titre, ils ont arrêté de se poser des questions pour faire ce que leur demande l’employeur avec / sans moyen d’accompagnement mis à leur disposition. Pour ce qu’ils arrivent déjà à faire dans ces conditions, je tiens à les féliciter et à les encourager à poursuivre avec la même ardeur, le même engouement. Dans de meilleures conditions, ils feraient sûrement mieux.

Peut-on espérer de meilleurs résultats pour cette session ?

On ne peut justement espérer qu’un rendement meilleur terme d’une épuisante année. L’enseignant ne trouvant lui-même récompense et satisfaction que dans la réussite de ses apprenants. Lorsque les programmes ont été bien couverts et que les évaluations certificatives respectent la norme, l’enseignant applique la docimologie. Et le résultat cesse donc d’être le fruit de nos espoirs et espérances pour devenir celui qu’il doit être: fruit du travail des apprenants.

Dans votre analyse, vous dites que l’Apc n’est pas adapté pour notre système éducatif. Que suggérez-vous comme approche ?

Je vais réserver mon opinion sur cette question. Mais je dirais simplement que le Cameroun a beaucoup de techniciens de la chose pédagogique, des professionnels et des experts qui peuvent concevoir une approche mieux adaptée quel que soit le lieu où l’enseignant sera appelé à l’appliquer. Ce serait sûrement mieux que de continuer à toujours leur imposer ce qui vient des autres pays et qui a été conçu pour eux. Dans la même logique, les programmes scolaires pourraient également connaître une réorientation qui soit vraiment utile pour le Cameroun. Il est peut-être déjà temps de nous approprier notre système éducatif

Du savoir-savant au savoir-faire

Politiques éducatives. Selon les experts la différence fondamentale entre la pédagogie par objectifs(Ppo) et l’approche par compétences(Apc) réside dans la quête de la compétence chez l’apprenant.
Les experts s’accordent sur le fait que les différences entre les systèmes de pédagogie par objectifs (Ppo) et l’approche par compétences (Apc) se situent sur plusieurs plans. « La Ppo articule ses leçons autour d’un objectif pédagogique opérationnel (opo) décliné en objectifs pédagogiques intermédiaires (opi) qui décrivent de manière prévisionnelle le comportement attendu de l’apprenant à la fin et à chacune des étapes de la leçon », informe un inspecteur pédagogique. Notre source ajoute que dans cette méthode de transmission, chaque leçon est guidée par le souci d’atteindre l’opo c’est-à-dire d’observer ce comportement chez les apprenants placés au centre de l’activité pédagogique. Les activités d’enseignement et d’apprentissage portent exclusivement sur des notions, des concepts des savoir savants. L’apprentissage est basé sur la transmission et morcelé. Au niveau des programmes, les cours sont indépendants les uns des autres, de même que les activités pédagogiques. On note une absence de liens avec une situation authentiques. Les exercices demeurent théoriques. Cette méthode est centrée sur l’enseignant. Celui-ci donne le savoir savant sans pouvoir donner les compétences pour résoudre les problèmes pratiques de la vie.

Avec l’approche par compétences, la leçon obéit à une structure figée en cinq étapes visant à faire acquérir des savoirs aux apprenants. Ce qui devient intéressant, c’est la notion de compétence, cible de toute la séquence didactique. Elle doit être observable dans la vie quotidienne plutôt qu’en situation de classe. L’enseignement est interactif et cognitif. Les activités proposées à l’apprenant visent à développer les compétences. L’enseignant connecte l’élève à un contexte proche de la réalité. Il le met en place des problèmes à résoudre pour que la situation pédagogique devienne une occasion authentique d’apprendre. Dans la méthode Apc, l’enseignant a pour rôle de guider l’élève dans sa découverte du savoir. C’est à l’élève de faire ses expériences pour découvrir la notion à apprendre. Il joue le rôle de facilitateur contrairement dans l’ancienne méthode, où il était le lien entre le savoir et l’apprenant.

Propos recueillis par Cécile Ambatinda


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Tonton Voir son profil
Voir son blog

Magazine