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Biodiversité : Des espèces menacées d’extinction au Cameroun

Publié le 06 juillet 2021 par Tonton @supprimez
Biodiversité : Des espèces menacées d’extinction au Cameroun

Si rien n'est fait pour la conservation, les pertes en espèces végétales, sauvages, florales et écosystèmes de mangroves vont atteindre des proportions inquiétantes d'ici à 2050.

En matière de diversité biologique, le Cameroun peut se targuer d'en avoir une bien riche, logée au sein de plusieurs écosystèmes et représentatifs de ceux d'Afrique. D'après les statistiques du ministère de l'Environnement de la protection de la nature et du développement durable (Minepnded), il existe au pays 7850 espèces vasculaires, dont 514 sont endémiques (retrouvées uniquement au Cameroun). On dénombre également près 303 espèces de mammifères, 285 espèces de reptiles, 199 espèces amphibiens, 613 espèces de poissons d'eau douce, dont 146 endémiques. 968 oiseaux ont en outre été flashés au Cameroun jusqu'en 2013. Mais comme à l'échelle mondiale, le Cameroun enregistre une tendance régressive de sa biodiversité.

L'ampleur du phénomène est tel qu'environ 10% des espèces végétales et 815 espèces sauvages sont menacées d'extinction. 50% d'espèces végétales dans les points chauds sélectionnés des écosystèmes montagneux et forestiers sont en voie de disparition. 30% de perte de la richesse florale de certains hauts plateaux et 30% de pertes des mangroves dans les zones côtières et maritimes sont aussi enregistrés. Pour Dr. Aurélie Dingom qui relève ces statistiques, la situation est alarmante. "Si aucun effort n'est fait par notre pays et par le monde entier, d'ici 2050 nous assisteront à la 6ème extinction de certaines espèces. Il est dit qu'environ mille fois cette perte sera enregistré par rapport au rythme naturel de perte de la biodiversité ", prévient l'inspecteur n°2 du Minepnded et point focal APA de la Convention sur la diversité biologique (Cdb).

Menaces sur la biodiversité

Dr. Aurélie Dingom relève cependant que le pays possède le deuxième plus grand massif forestier du bassin du Congo avec des forêts couvrant environ 45% du territoire national, dont 22% est classé en aires protégées. Ces aires protégées abritent 90% des espèces animales du pays. Par ailleurs, les aires protégées marines représentent 20,43% de la superficie marine nationale. Cependant, cette surface forestière est sujette à l'action de l'homme. Les chiffres sont inquiétants. Au constat des statistiques, il a été remarqué une perte drastique ces deux cents dernières années. Au rang des animaux en voie de disparition au Cameroun, Tantoh Bazil Tune, le coordonnateurs des projets à Aboyerd (Agriculture and Bio-conservation Organization For Youth Empowerment and Rural Development) cite entre autres, les gorilles de plaine, les léopards, les éléphants, les pangolins géants, les mandrills et les buffles.

Les spécialistes de la question de la conservation évoquent au rang des grandes menaces qui pèsent sur cette biodiversité, la surexploitation des ressources et l'agriculture, l'utilisation non durable des terres, les changements climatiques, la croissance démographique, entre autres. Il en est ainsi par exemple de ces techniques agricoles non durables pratiquées autour des aires protégées qui concourent à l'érosion de la biodiversité. Il est en outre déploré un niveau d'information et de connaissance très faible sur la biodiversité et sa valeur pour le bien être humain. "L'air que nous respirons actuellement, il est pur parce que nous avons une biodiversité qui est riche. L'eau que les gens boivent en zone rurale, elle est pure parce qu'on a la biodiversité. La nourriture, la pharmacopée, les soins de santé. Tout ça ce sont des choses qui proviennent de la diversité biologique à savoir les espèces, les gênes et les écosystèmes ", explique Gilles Etoga, le directeur de la conservation de WWF Cameroun.

Pas de biodiversité, pas de tradition

Le directeur soutient que la biodiversité est fondamentale pour les Camerounais. Dans le détail, il fait savoir qu'il y a encore 60 à 70% d'habitants qui vivent en zones rurales et dépendent de la nature. " S'ils perdent cette biodiversité, ça veut dire que même leur existence est remise en cause ", argue -t-il. Sa Majesté Bruno Mvondo est de cet avis. Le président du Réseau des chefs traditionnels d'Afrique pour la gestion durable de la biodiversité et des écosystèmes des forêts (Rectrad) indique que tous les us et coutumes sont basés sur l'exploitation de la biodiversité. Elle est essentielle dans le transfert de la culture, du savoir traditionnel d'une génération à l'autre.

" Nous utilisons les racines, les écorces, les feuilles, tout ce que nous avons autour de nous pour nos rites. Si nous perdons la biodiversité, nos us et coutumes eux-mêmes seront perdus au moins à 99%. En tant que gardiens de la tradition, nous sommes les premiers à lutter pour la préservation de cette biodiversité et à voir comment la redonner de la richesse ", assure le chef traditionnel. A côté des chefs traditionnels, plusieurs autres efforts sont conjugués au quotidien pour limiter l'érosion de la biodiversité au Cameroun. Au ministère de l'environnement, on fait savoir qu'au cours des dernières décennies, le Cameroun a consacré d'importants efforts à la préservation de sa biodiversité. Ainsi, entre 2006 et 2020, la superficie des aires protégées a augmenté de 8% grâce à la création de onze nouveaux parcs nationaux.

Malgré ces efforts de conservation, le comportement d'un large éventail d'acteurs n'est pas encore jugé favorable à contribuer à la protection de la biodiversité. A WWF Cameroun, plusieurs dynamiques sont également mis en branle pour sauver la nature. Il en est ainsi de l'initiative des champions avec des artistes locaux de renom tels Mister Léo ou Salatiel, pour inciter les uns et les autres à adhérer au New Deal for Nature ans People. WWF a aussi pensé à impliquer les acteurs de la société civile dans cette lutte. L'institution a à cet effet organisé à Mbankomo les 22 et 23 juin 2021, un atelier de formation des formateurs sur les valeurs de la biodiversité et les techniques de plaidoyer en vue de sa conservation.

Gilles Etoga : " Il y a une perte énorme de la biodiversité "

Le directeur de la conservation de WWF Cameroun dresse un état des lieux de la situation et parle du rôle attendu de la société civile.
Pourquoi parler d'urgence de conservation de la biodiversité aujourd'hui. Quelle est l'ampleur de la situation ?
Il faut savoir que nous sommes en 2021 et on a noté qu'il y a une perte énorme de la biodiversité qui se caractérise actuellement dans le monde entier. On a des indicateurs clairs. Entre 1970 et maintenant, on a perdu 68% des espèces. Quand on fait une extrapolation, quand on voit les tendances, si en 40 années on a perdu 68%, d'ici dix ou vingt ans on a aura perdu à la limite la totalité de la biodiversité que nous avons sur la terre. C'est pourquoi il est urgent, et dès maintenant, de commencer à agir. Donc c'est vraiment un cri d'alarme qu'on est en train de pousser à cet instant. 2020 est une année charnière parce qu'on espère engager des processus qui vont permettre de courber la tendance qui se développe actuellement jusqu'en 2030.

Que faire pour réduire cette érosion de la biodiversité ?

Il y a plusieurs choses à faire. Il faut d'abord connaitre les potentiels que nous avons dans les pays et connaitre les menaces qui pèsent sur cette biodiversité. Actuellement, le WWF conduit une étude pour déterminer les deux grands secteurs de l'économie camerounaise qui impactent le plus la biodiversité. Ça peut être l'agriculture, les travaux publics, les mines... Il s'agira ensuite d'engager un dialogue avec ces deux sectoriels pour pouvoir leur dire de réduire ou de faire autrement l'exploitation que nous faisons de nos ressources naturelles.

Qu'attendre aujourd'hui des organisations de la société civile ?

Les organisations de la société civile sont un acteur important de tout le processus. La société civile a l'avantage d'être directement en contact avec les communautés locales. Elle a l'avantage qu'elle peut être indépendante. Elle va aider à construire les coalisions qui vont attirer l'attention des grands décideurs à la fois au niveau politique, au niveau économique, le secteur privé, pour que les gens changent la manière de faire. Nous voyons par exemple en agriculture, il y a le concept d'agriculture verte qui est en train d'être développé. C'est-à-dire qu'on doit faire une agriculture qui n'impacte pas les forêts primaires au niveau du Cameroun. C'est le ''Deforestation Free Agriculture'', qu'on peut faire sur le cacao. Ce sont des concepts qu'on doit apprendre à discuter avec les communautés, mais aussi avec le secteur privé en leur disant qu'on peut faire autrement. On peut produire du palmier à huile sans être obligé d'aller couper la forêt, en travaillant sur des espaces qui sont dégradés. C'est une série de concepts qu'on doit adopter, un mode de vie qu'on doit changer pour essayer de préserver la biodiversité. Nous avons donc besoin de toutes ces organisations de la société civile qui vont faire le plaidoyer et aller former les communautés et ces gens qui sont restés au villages sur l'importance de la biodiversité et pourquoi la préserver.

Quelles sont les obstacles à cette lutte pour la conservation?

Tous les mécanismes ne sont pas mis en place pour qu'on ait une gouvernance de la biodiversité sure à 100%. Il y a un gros problème d'adhésion. Il faut que cette adhésion se traduise dans les politiques. Il faut à tout prix que si on a les différents sectoriels et qu'on a identifié quels impacts sur la biodiversité, il faut que les plans de mitigation de ces impacts soient réellement introduits dans les différentes politiques sectorielles. Que ce ne soit pas seulement un vœu pieu.
Propos recueillis par Mathias Mouendé Ngamo

La société civile en première ligne

Plaidoyer. La formation de ces acteurs clés de la préservation de la biodiversité va renforcer les pressions sur les décideurs.
Dans le combat pour la préservation de la biodiversité, les organisations de la société civile (Osc) sont citées comme un acteur clé du processus. Plus proches des communautés, elles interagissent au quotidien avec celles-ci et ont une maitrise plus claire des réalités du terrain. Pour les impliquer davantage et les outiller afin de mener à bien le plaidoyer, le WWF Cameroun a invité une trentaine de ces organisations à prendre part à un atelier de formation des formateurs sur les valeurs de la biodiversité et les techniques de plaidoyer en vue de sa conservation. L'objectif de cette rencontre de deux jours tenue à Mbankomo les 22 et 23 juin 2021, était d'accroitre la capacité de sensibilisation de ces organisations.

" L'idée est de former un groupe de formateurs pour permettre de toucher autant d'organisations possibles dans le cadre de cette campagne internationale de New Deal For Nature and People. C'est comme un nouveau pacte qui vise à avoir toutes les couches sociales travaillant avec un objectif commun. Celui de réduire la perte de biodiversité et même autant que faire se peut renverser la courbe de perte ", a expliqué Clotilde Ngomba, la directrice de WWF Cameroun. Bien outillés, l'actions des Osc va ainsi renforcer les pressions sur les décideurs au sommet de l'Etat pour placer les questions de conservation de la biodiversité au menu des thématiques. Pour mener à bien le plaidoyer, les acteurs de la société civile ont été briefés sur comment réaliser une planification pour une campagne. Ils ont en outre appris les techniques de sensibilisation. Il leur a été recommandé aussi de travailler en réseau pour constituer un groupe de pression et avoir plus d'impact.

La loi Apa

Une des actions fortes qui pourrait intéresser ces défenseurs des droits des communautés, il y a cette actualité récente sur la loi Apa (Accès et partage des avantages) sur le patrimoine génétique en étude. Si elle est finalement mise en œuvre, elle suppose que pour toute essence, toute herbe prélevée dans un village au Cameroun pour la production d'un parfum ou tout autre produit de la cosmétique en Europe, les revenus générés par ces produits doivent être distribués jusqu'aux communautés locales dans les villages. Une opportunité de conserver la biodiversité tout en générant du profit. Les Osc qui opèrent dans le secteur de la biodiversité seront sans doute conviés ici à s'assurer du respect de la réglementation le cas échéant.

Mathias Mouendé Ngamo


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