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Idomeneo, re di Creta de Mozart revient à Munich — Retour sur la création de 1781

Publié le 17 juillet 2021 par Luc-Henri Roger @munichandco
    Idomeneo, re di Creta de Mozart revient à Munich — Retour sur la création de 1781    Après la nouvelle production de Tristan und Isolde, Le Bayerische Staatsoper donne la deuxième grande création de son festival d'été, Idomeneo, re di Creta, de Mozart, dans une mise en scène d'Antú Romero Nunes, avec  Constantin Caradys au pupitre et Matthew Polenzani dans le rôle titre. Première ce 19 juillet au Prinzregententheater. Plus d'infos sur cette production.
    Idomeneo, re di Creta (K.366) (Idoménée, roi de Crète), est un opera seria en trois actes, composé par Mozart sur un livret en italien de Giambattista Varesco. L'œuvre est directement inspirée du mythe antique d'Idoménée. La première représentation eut lieu le 29 janvier 1781 au théâtre Cuvilliés de Munich. Dans les jours qui suivirent, trois représentations furent données. L'opéra fut repris à Vienne en 1786, Mozart pour l'occasion composa deux airs afin de remplacer les numéros 10 de l'acte II et 20 de l'acte III.    L'oeuvre avait été crée il y a exactement 240 ans à Munich. Voici un texte de Victor Wilder publié en 1881) qui rappelle les circonstances de la composition et de la création de l'oeuvre :
Idomeneo, re di Creta,un texte de Victor Wilder 
    Mozart avait laissé à Munich des amis dévoués et de chauds partisans. L'électeur lui- même, en dépit de ses hésitations à lui donner la place dont son mérite le rendait digne, savait apprécier le maître et lui gardait une grande sympathie. Il était donc naturel qu'on jetât les yeux sur Mozart lorsqu'il fut question, dans la capitale bavaroise, de monter un ouvrage nouveau pour la saison du carnaval de 1781.     Pour faciliter le travail du compositeur, on commanda le livret à l'abbé Varesco, chapelain de la cour de Salzbourg. C'était un de ces prêtres italiens, comme il y en avait alors auprès de tous les princes ecclésiastiques, chargés d'entretenir la correspondance avec Rome et de fournir les théâtres épiscopaux de compliments rimés et de pièces de circonstance.     Le sujet auquel s'arrêtèrent les deux collaborateurs est l'histoire d'Idoménée, roi de Crète, qui, revenant de la guerre de Troie, et surpris par la tempête, fait à Neptune l'imprudente promesse de lui sacrifier, s'il est sauvé, la première personne qu'il rencontrera sur le rivage. À peine Idoménée a-t-il débarque qu'il voit avec épouvante son fils qui vient se jeter dans ses bras.     Cette fable, dont l'analogie avec l'histoire de Jephté est frappante, avait été plusieurs fois traitée sur la scène française. Crébillon, le premier, je crois, en avait fait en 1705 une tragédie qui, selon l'expression pittoresque de Boileau, semblait écrite par un Racine en état d'ivresse. Lemierre avait repris le même sujet, en 1764 pour la Comédie française.    Enfin Danchet avait donné à l'Opéra, en 1712, un Idoménée mis en musique par Campra. C'est ce dernier ouvrage que Varesco traduisit en italien, tout en modifiant quelques détails et en substituant au dénouement français une solution moins sombre et moins tragique.     Le choix de cette pièce est caractéristique et nous laisse pénétrer dans la pensée du maître, qui, sans aucun doute, songeait alors à résumer dans son œuvre les tendances opposées de l'opéra français et de l'opéra italien.     Indépendamment de l'influence de Gluck, qui se révèle dans les détails de la déclamation lyrique, la physionomie extérieure des deux genres se reflète dans Idomenée avec une netteté singulière. L'emploi des sopranistes artificiels, le peu d'importance accordé à la voix de basse, et la coupe de certains morceaux atteste encore la fidélité aux traditions de l'opéra séria ; la pompe du spectacle, les marches et les ballets, l'intervention active et fréquente des chœurs, trahissent au contraire l'influence de la poétique française.     Mais si la main de Mozart avait l'énergie nécessaire pour réunir en un faisceau unique tant d'éléments divers et disparates, celle de Varesco était trop faible et trop débile pour un si puissant effort. Aussi le compositeur d'Idoménée, tout en donnant dans ce nouvel ouvrage la mesure de son génie, n'a-t-il pas réussi, croyons-nous, à frapper le but qu'il visait et à trancher définitivement la querelle de ces deux frères ennemis, qu'il rêvait de réconcilier. Le livret de Varesco se trouvant achevé et la partition déjà prête en grande partie, Mozart partit pour Munich, où il arriva le 8 novembre 1780. Malgré sa répugnance à laisser échapper ses serviteurs, le prélat, son maître, lui avait donné la clef des champs. Il avait été stipulé expressément, lors du réengagement de Mozart à la cour de Salzbourg, qu'on lui donnerait un congé, tous les deux ans, pour lui permettre de monter les ouvrages qu'il serait appeler à composer.     Les rapports de l'archevêque Jérôme avec la cour de Munich étaient, d'ailleurs, trop intimes pour qu'il osât refuser son assentiment aux désirs de Charles-Théodore. Mozart s'en alla, heureux et satisfait de déposer le collier de la servitude. Mais il est indispensable de nous arrêter sur quelques détails importants et d'étudier Idoménée de plus près. 
    En arrivant à Munich, Mozart fut reçu à bras ouverts par tous ses anciens amis de Mannheim, qui avaient suivi leur souverain dans la capitale bavaroise, car il y avait vraiment un grand courant de sympathie entre eux et lui, et comme il le disait lui-même : « Si j'ai beaucoup d'affection pour ceux de Mannheim, en retour ceux de "Mannheim m'adorent. »    Il fut heureux comme un enfant de retrouver ses camarades de Paris : Ramm et Wendling et l'hospitalière famille des Cannabich : le père, un homme excellent et dévoué ; Mme Cannabich, qui avait pour notre héros une affection toute maternelle, et Mlle Rose, son ancienne élève, qui était maintenant une grande jeune fille de seize ans, dont cependant la froide beauté ne fit jamais beaucoup d'impression sur son cœur, si prompt à s'enflammer. Quant à celle qui aurait pu le troubler encore, Aloyse Weber, elle était partie avec ses parents pour Vienne, où elle avait été engagée avec le titre de première chanteuse de l'Opéra Impérial. Son image le poursuivit plus d'une fois sans doute dans ces lieux où il l'avait vue pour la dernière fois; toutefois, si son cœur souffrit encore de ces souvenirs pénibles, il eut la force de le dompter et d'étouffer ses plaintes, car il n'en'parle qu'une seule fois dans les lettres qu'il adressait à son père.    Au surplus, il n'y avait pas de temps à perdre. II fallait achever l'Idomeneo, orchestrer toute la partition, veiller à la copie et commencer immédiatement les études. Pour se consacrer entièrement à sa tâche, Mozart alla s'enfermer dans un hôtel de la Burggasse [Lehel, vieille ville de Munich, aujourd'hui le Café Mozart] et se mit résolument au travail. En souvenir de son séjour dans cette maison, désormais historique, la commune de Munich, y a fixé une plaque rappelant la visite dont elle fut honorée.    Le compositeur pouvait se reposer avec une entière confiance sur son orchestre ; les symphonistes de Charles-Théodore ne redoutaient aucune rivalité, mais la troupe chantante ne laissait pas de lui donner quelques inquiétudes.    Les rôles des femmes étaient entre les mains des deux soeurs Dorothée et Elisabeth Wendling. Le rôle secondaire d'Arbace, le confident du roi, était tenu par le baryton Panzacchi, et celui du grand prêtre de Neptune, moins important encore, par la basse Valesi.    Les deux rôles principaux, ceux d'Idoménée et d'Idamante, son fils, étaient entre les mains de Raaff et du sopraniste dal Prato. C'était de ce côté surtout que péchait la distribution de l'ouvrage. Raaff, il est vrai, jouissait d'une réputation européenne, il avait eu jadis une voix de ténor d'un éclat et d'un timbre exceptionnels; mais si l'on s'accordait à le proclamer un virtuose émérite, il fallait bien convenir que c'était un acteur détestable.(1)    Pour un rôle tout d'action, plein de mouvement scénique et d'élans dramatiques, cette lacune dans son talent était déjà bien fâcheuse. Malheureusement ce n'était pas tout, car Raaff avait alors soixante-sept ans, et, il est à peine besoin de le dire, il n'avait conservé de son bel organe d'autrefois que de rares débris, dont tout son talent et son expérience vocale ne parvenaient plus à déguiser la faiblesse et le timbre sénile.    Si Raaff était trop mûr, dal Prato ne l'était pas assez. Ce jeune sopraniste était d'une nullité musicale absolue. « La voix serait passable, écrivait Mozart, s'il ne s'obstinait pas à la chercher au fond de sa gorge ; quant à de la méthode, il n'en a pas pour un kreutzer. » Il en avait en effet si peu, qu'il perdait parfois le souffle au milieu d'un morceau, et s'arrêtait net comme un cheval ombrageux. « Quelle pitié! s'écriait le pauvre maître, le misérable ne sait positivement rien ; je suis obligé de lui seriner son rôle de la première note à la dernière; les enfants de chœur, qui se présentent pour être admis dans la chapelle de l'électeur sont plus forts que lui. »    Malgré ces craintes et ces ennuis, le compositeur ne perdait pas confiance. Il ne boudait pas non plus au travail, se montrait infatigable, retouchait et remaniait son oeuvre, dont il était toujours le premier à découvrir les faiblesses, et sollicitait à chaque instant des changements de Varesco, qui, de son côté, défendait ses hémistiches pied à pied. Ce n'était pas seulement la vanité qui rendait le poète intraitable, mais l'intérêt, car il savait que tout travail supplémentaire ne lui vaudrait pas un thaler de plus que la gratification stipulée d'avance à son profit. C'était pour le pauvre compositeur une rude lutte à soutenir ; Varesco ne cédait qu'à son corps défendant, il ne se décidait à envoyer des modifications qu'au dernier moment et sur les menaces de Raaff, de substituer à ses rimes de beaux vers qu'il savait découvrir, avec beaucoup d'à-propos dans les œuvres de Métastase.    Quant à Léopold Mozart, il suivait de Salzbourg le travail de son fils avec un intérêt bien naturel, et ne se lassait pas de lui prodiguer ses conseils. « N'écris pas exclusivement en vue des connaisseurs, lui disait-il ; tu sais qu'ils sont peu nombreux, et si tu veux avoir du succès, il importe de ne pas dédaigner le goût populaire et de faire quelques sacrifices à la tribu des longues oreilles. » À quoi Wolfgang répondait judicieusement qu'il entendait que sa musique fût à la portée de tout le monde, mais qu'il se passerait pourtant, sans regret, des suffrages des ignorants et des ânes.    Sur ces entrefaites, on commença les répétitions d'orchestre et le premier acte fut accueilli avec un enthousiasme dont l'écho se propagea jusqu'à Salzbourg. Le succès parut tellement vif qu'on en conçut quelques craintes pour le reste de l'ouvrage. C'est une vieille habitude d'assommer les derniers venus avec leurs prédécesseurs et de tuer les ouvrages nouvellement éclos avec ceux qui sont en possession de la faveur publique. Heureusement, le deuxième acte, répété quelques jours plus tard, vint aussitôt rassurer les trembleurs.    L'électeur, qui suivait les études avec un intérêt de bon augure, déclara hautement que l'oeuvre était magnifique. « Je n'aurais jamais cru, s'écria-t-il avec une nuance de naïveté, que des idées si grandioses pussent tenir dans une aussi petite tête. »    Enfin, le troisième acte, de l'avis unanime, fut déclaré supérieur aux deux autres, et les répétitions générales commencèrent sous les meilleurs auspices. Pendant ce temps, le maître écrivait d'une plume alerte la musique du ballet, dont on s'était décidé à lui confier la composition, et les amis de Salzbourg, désireux d'assister au triomphe de leur compatriote, emballaient gaiement leurs habits de gala et retenaient d'avance leur place dans la diligence de Munich.    À la tête de la petite caravane se trouvaient naturellement le père et la sœur du compositeur. La pauvre Marianne avait grand besoin de distractions. A la suite d'un chagrin de coeur, sa santé s'était gravement altérée, et il était à redouter que son affection ne dégénérât en maladie de poitrine. Wolfgang aussi souffrait depuis quelques temps d'un catarrhe opiniâtre, et son père n'était, pas sans inquiétudes à ce sujet. Quant à Léopold Mozart, il se portait à merveille, mais pour assister à une solennité qui le touchait de si près, il s'était vu forcé de recourir à une véritable ruse d'écolier. L'archevêque, il le savait d'avance, aurait accueilli toute sollicitation par un refus sec et péremptoire. En conséquence, cet homme grave et sévère, qui venait d'entrer clans sa soixante-deuxième année, s'était résolu à faire l'école buissonnière ; il avait patiemment attendu le départ du prélat, qui se rendait à Vienne avec une partie de sa cour, et dès qu'il se vit libre, il décampa sans tambour ni trompette.    Il arriva tout juste à temps pour voir la répétition générale, et le surlendemain, 29 janvier 1781, il eut le bonheur d'assister à la première représentation d'Idomeneo, re di Creta.    La correspondance de Mozart nous faisant ici naturellement défaut, puisque toute la famille était à Munich, nous n'avons pas de détails sur cette soirée mémorable. Les journaux du temps ne peuvent malheureusement suppléer à cette lacune, car ils ne s'occupaient guère de renseigner leurs lecteurs sur les questions musicales. Au surplus, voici tout ce que dit la gazette locale de cet événement qui valait bien pourtant quelques lignes de compte rendu : « Le 29 du mois de janvier a eu lieu, clans la nouvelle salle du théâtre, la première représentation d'Idomeneo. Le livret, la musique et la traduction allemande sont dus à la plume de trois habitants de Salzbourg (2). Les décors, parmi lesquels on remarque la vue du port de mer et le temple de Neptune, sont des chefs-d'oeuvre du célèbre architecte du théâtre, M. le conseiller de la cour, Laurent Quaglio. Ils ont excité l'admiration universelle ».    Comme on le voit, pas un mot de la musique.    Malgré ce laconisme, il est à peu près certain que l'Idomeneo obtint toute la faveur que les répétitions permettaient de présager. Du reste, ce ne fut pas d'un œil indifférent que Mozart vit tomber sa partition dans l'oubli, et plus tard, lorsqu'il se fut définitivement fixé à Vienne, il eut un instant l'idée de la ressusciter. Il avait résolu de remettre son oeuvre sur le métier et de la refondre en partie ; avant tout, il voulait faire passer le rôle d'Idamante de la voix de soprano à celle de ténor, et celui d'Idoménée du ténor au baryton. Malheureusement ce projet n'eut pas de suite, et le remaniement du texte primitif se borna simplement à quelques retouches sans importance, au profit d'une compagnie d'amateurs qui avait entrepris de monter l'ouvrage dans les salons du prince Auersperg, à Vienne.    Telle qu'elle est, malgré des pages superbes et des beautés de premier ordre, il est douteux que la partition reçût aujourd'hui un accueil digne du grand nom de Mozart. Pour l'accommoder à notre goût moderne il faudrait qu'une main respectueuse autant qu'habile se chargeât d'y pratiquer certaines coupures et d'y ajouter quelques morceaux empruntés aux œuvres que le maître a composées vers la même époque et dans le même style. Ce serait une belle occasion pour nos puristes de la presse de crier au sacrilège et à la profanation.    Le manuscrit d'Idomeneo a été vendu par la veuve de Mozart à l'éditeur André, d'Offenbach ; il est actuellement à la bibliothèque de Berlin. La partition d'orchestre a été gravée chez Simrock a Bonn, et à Paris chez Frey. Le ballet, comprenant une chaconne, un pas seul, un passe-pied, une gavotte et une passe-caille, est encore inédit (3).    Après le succès de son oeuvre, Mozart put se donner quelques jours de vacances et prendre sa part des folies du carnaval. Le départ de l'archevêque prolongeait son congé au-delà de ses espérances. Il profita de sa liberté, en écrivant un quatuor en l'honneur de son ami Ramm, pour hautbois, violon, alto et violoncelle, et un bel air de concert pour la comtesse Baumgarten, qui avait grande influence sur l'esprit de l'électeur et savait en user au profit de son protégé.    C'est au milieu de ces occupations qu'il reçut l'ordre de se rendre à Vienne et d'y rejoindre son souverain. L'archevêque, nous l'avons dit, avait emmené une grande partie de sa maison et notamment gés meilleurs musiciens ; il n'était pas exempt d'une certaine yanité et voulait briller à la cour de l'Empereur ; or le talent de son oonqertiwister se produisait en ce moment avec trop d'éclat pour que le prélat ne fût pas tenté de s'en faire honneur. : Mozart partit donc de Munich, le 12 mars, se rendant directement à Vienne, où il arriva le 16 au matin. II ne se doutait pas qu'il touchait à l'heure de la délivrance et qu'il allait secouer bientôt le joug qui pesait si lourdement sur ses épaules.
VICTOR WILDER
(1) «Un Tedesco nominato Raff, dit Métastase, eccelentissimo cantore, ma freddissimo rappresantante. »(2) C'était Schachtner qui avait été chargé de la version allemande.(3) Outre l'ouverture et le ballet, la partition d'Idomeneo comprend seize airs, un duo, dont il existe deux versions différentes, un trio, un quatuor, trois marches et six choeurs.
in Victor Wilder, Mozart, l'homme et l'artiste: histoire de sa vie d'après les documents..., Paris, Charpentier, 1881.
Note : Mozart logea au 7 de la Burgstrasse,  au coin de l'Altenhofstrasse.  Il y disposait d'une petite chambre de coin au deuxième étage, où il acheva la composition d'Idoménée en novembre et en décembre. Une plaque commémorative rappelle son séjour.
Idomeneo, re di Creta de Mozart revient à Munich — Retour sur la création de 1781
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Et aujourd'hui à Munich — Une présentation vidéo du Bayerische Staatsoper


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