À l'instant où l'avion frôla le lac de Bracciano, ses yeux se révulsèrent, en transe, ses bras se soulevèrent en croix. Ses mains grandes ouvertes, les paumes vers le haut, tremblaient sous le poids invisible qu'elles semblaient supporter.
Ce 9 février, le vol Alitalia 1320, qui reliait Bologne à Rome, aurait pu se terminer par une catastrophe. L'avion avait perdu un réacteur à la suite d'une collision avec des grues cendrées. Il n'en fut rien et d'aucuns parlèrent alors de miracle:
À part une vingtaine de blessés, pas une seule victime. Pour les enquêteurs, ça reste inexplicable. Et c'est là que ça devient intéressant. Plusieurs personnes parmi les survivants ont juré qu'un type qui se trouvait à l'intérieur les avait sauvés, qu'il aurait redressé l'avion avant l'impact.
Bernard Gruber, chef de l'information à la RTS (Radio Télévision Suisse), l'explique à Thomas Guardi, le meilleur enquêteur de la chaîne au moment même où celui-ci veut démissionner pour une raison personnelle, apprise récemment:
Alba [sa fille] était atteinte d'une maladie génétique si rare qu'elle ne possédait aucun traitement. Pour le milieu médical, la sanction était sans appel. Selon les spécialistes, Alba n'avait plus qu'une année à vivre, dans le meilleur des cas.
Aussi Thomas veut-il passer le plus de temps possible avec Alba. Pourtant, d'abord réticent, il finit par accepter de mener l'enquête, fidèle à sa réputation, non usurpée, de traquer le fanatisme religieux sous ses formes les plus insidieuses.
C'est ce que lui rappelle Hugo Kern, un riche patient, que sa femme Elizabeth, cancérologue, a guéri de son cancer du pancréas, et qui, reconnaissant, a créé une Fondation pour financer ses travaux de recherche de lutte contre le cancer.
Avec sa partenaire attitrée, Lucie, il se rend en Italie sur les traces de celui qui fait figure de Messie, dont il découvre le vrai visage, avec, à l'esprit, ce que lui a dit Hugo Kern à propos des phénomènes qui sont appelés miracles, faute de mieux:
Un miracle n'est qu'un concept que les êtres humains ont inventé pour désigner ce qu'ils ne parviennent pas à expliquer.
Ce que Thomas met à jour dépasse l'entendement et ne peut rencontrer qu'incrédulité. Il sait que bien des gens ne vont pas au-delà des apparences, se laissent berner par les détenteurs de pouvoir, qui en abusent sans souci des conséquences.
Alors peut s'accomplir La prophétie des cendres qui donne son titre au roman de Rafael Wolf:
Tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.
Francis Richard
La prophétie des cendres, Rafael Wolf, 276 pages, BSN Press