" On est jeune tant qu'on souhaite que chaque jour diffère de la veille, vieux, quand on espère que chaque année ressemblera à la précédente. " (Gilbert Cesbron, 1963).
Dans la journée du samedi 24 juillet 2021, les sénateurs, au cours de l'examen du texte sur l'extension du passe sanitaire en première lecture, ont supprimé l'application du passe sanitaire aux adolescents (aux jeunes de 12 à 18 ans). Comme les députés auront le dernier mot et que le gouvernent bénéficie d'une majorité stable, nul doute que cette suppression soit amenée à être remise dans le texte en seconde lecture. La disposition vise à rendre obligatoire le passe sanitaire chez les adolescents avec un peu de retard par rapport aux adultes, à partir du 30 août 2021 au lieu du début du mois d'août 2021.
La majorité sénatoriale n'a pas semblé comprendre, ou pas voulu comprendre, peut-être par simple posture, celle de se dire les défenseurs d'une liberté qui n'a aucun sens si l'on se retrouve en service de réanimation sous coma artificiel, la logique sanitaire : à savoir, dans les rassemblements sociaux, partout où c'est le cas (restaurants, cafés, musées, cinémas, théâtres, parcs d'attractions, etc.), il faut créer des zones où le virus ne peut pas passer. Et pour cela, réserver ces lieux aux seules personnes qui ne peuvent pas transmettre le virus, du moins, qui sont le moins susceptibles de le transmettre (c'est-à-dire, les personnes vaccinées et les personnes testées négatif récemment), est pertinent.
Accepter alors que des jeunes de moins de 18 ans sans passe sanitaire puissent aussi s'y "mélanger" rendrait le passe sanitaire sans utilité puisque ces zones resteraient alors des zones à risque de circulation du virus : on n'aurait alors aucun intérêt à imposer le passe sanitaire aux adultes aussi. Si les enfants de moins de 12 ans ne peuvent pas être inclus dans ce dispositif, c'est parce qu'ils n'ont pas, pour l'instant, la possibilité de se faire vacciner (voir plus bas). Et si le délai d'extension du passe sanitaire aux 12-18 ans a été retardé par rapport aux plus de 18 ans, c'est aussi parce qu'ils n'ont pu se faire vacciner que très récemment, à partir du 15 juin 2021.
Petites parenthèses sur le choix de ces lieux avec passe sanitaire, car tout est discutable en ce domaine (c'est d'ailleurs le rôle des parlementaires). Certains opposants ont critiqué le fait que les parlementaires eux-mêmes ne seraient pas soumis au passe sanitaire pour se rendre à leur noble assemblée. C'est vrai, mais ils le seraient, ces opposants seraient encore plus scandalisés, car cela signifierait qu'on pourrait entraver les activités d'un parlementaire, ce qui serait inadmissible sur le plan démocratique et constitutionnel. On pourrait raisonner aussi de la même manière avec les bureaux de vote (heureusement, il n'y a pas de scrutin prévu d'ici à la fin du mois de décembre 2021, date jusqu'à laquelle la loi rend possible l'obligation du passe sanitaire : eh oui, cette mesure reste évidemment temporaire, elle est sanitaire et dépend de l'évolution de l'épidémie, elle n'est pas issue de quelques velléités supposées totalitaires d'un gouvernement supposé tyrannique !), réserver les bureaux de vote aux seuls porteurs de passe sanitaire serait une atteinte scandaleuse de la démocratie, à la liberté de vote, évidemment. Je "referme" l'aparté.
Revenons aux ados et rappelons que la vaccination contre le covid-19 est ouverte aux enfants de 12 à 18 ans depuis le 15 juin 2021, c'est-à-dire depuis que l'autorisation des autorités sanitaires pour cette tranche d'âge pour le vaccin Pfizer a été donnée. L'autoritaire européenne a aussi récemment autorisé la vaccination avec le vaccin Moderna pour ces mêmes tranches d'âge. Quant aux enfants plus jeunes, de 8 à 12 ans par exemple, des études cliniques sont en cours et la vaccination n'est pas encore autorisée (j'écris "encore" parce qu'il n'y a pas de raison qu'elle ne le puisse pas : ce qui change surtout, c'est la posologie et le protocole : quelle quantité ? combien de doses ? quel intervalle de temps entre deux doses le cas échéant ? etc.).
Des "gens" qui s'offusquent que des adultes se fassent vacciner s'offusquent tout naturellement de faire vacciner des adolescents. Cela paraît logique. Pourtant, il n'y a pas de raison vraiment convaincante, dès lors que l'autorisation a été donnée (qui, je le rappelle, s'appuie toujours sur des études cliniques concluantes), d'être plus "choqué" de vacciner un jeune de 17 ans qu'un jeune de 19 ans. D'ailleurs, en ce qui me concerne, si je devais être choqué, je serais plutôt choqué de l'inverse, que l'on ne vaccine pas encore assez les adolescents contre le covid-19. La vaccination massive doit autant les concerner que les adultes.
Mais reprenons le principal argument tout à fait recevable de ceux qui s'interrogent sur la vaccination des 12-18 ans (et probablement des plus jeunes encore dans quelques mois), alors qu'en général, on vaccine beaucoup plus quand la personne est enfant qu'adulte (avec onze vaccins obligatoires, rappelons-le). Cet argument est le suivant : les jeunes de 12-18 ans ont très peu de risques de développer une forme sévère du covid-19 et donc, ils n'auraient pas besoin d'être protégés.
La première assertion est vraie : les jeunes sont rarement hospitalisés du covid-19 et en meurent encore plus rarement, même s'il y en a quelques-uns, mais c'est valable aussi pour la grippe et d'autres maladies qui devraient être "bénignes" à cet âge.
Néanmoins, il ne faut pas négliger que parmi les formes modérées de la maladie, il y a le covid long qui est une belle saloperie (je prie mes lecteurs de m'excuser pour l'emploi de ce genre de mot que j'essaie d'éviter quand j'écris, mais je n'en trouve pas vraiment d'autre qui insiste sur son intensité), c'est-à-dire des patients, souvent jeunes, qui peuvent voir leur vie pourrie de nombreux mois, voire un an, avec un état de fatigue très important, des essoufflements les empêchant d'avoir une activité sportive normale (et même marcher ou monter des escaliers), voire des séquelles très durables (perte du goût et de l'odorat), etc. Je ne sais pas s'il y a des statistiques sur le nombre de covid longs chez les 12-18 ans, puisque c'est un aspect de la maladie qui reste nouveau (parce qu'on ne s'intéressait qu'aux données hospitalières et les covid longs ne sont traités que par la médecine de ville, en principe), mais sachez que ce n'est pas anodin pour ceux qui en sont touchés (et leur entourage).
En revanche, la seconde assertion selon laquelle les jeunes de 12 à 18 ans n'auraient donc pas besoin d'être protégés, car peu touchés par les formes graves, est complètement erronée. En effet, c'est une mauvaise compréhension du vaccin qui fait penser cela, peut-être encouragée par certaines déclarations maladroites des autorités politiques ou médicales du pays qui voulaient, à juste titre, et notamment en période de pénurie de doses, rendre prioritaire la vaccination des personnes les plus vulnérables.
Rappelons, répétons, insistons : le vaccin n'est pas un bouclier individuel mais un bouclier collectif. Ce n'est pas une protection individuelle mais une protection collective. Si je me vaccine, certes, je me protège moi-même (à 95%), mais plus encore je protège l'ensemble de la société dans laquelle je vis, je coupe court à la circulation du virus, je réduis les contaminations (d'un rapport 10 à 12), j'évite la transmission du virus à ceux que j'aime. C'est parce que mon interlocuteur vacciné n'est vacciné qu'à 95% que moi-même, je dois être vacciné pour le protéger, le et pas me protéger. Le bouclier individuel, c'est quand l'efficacité sera parfaite, à 100%.
La vaccination, au-delà de son aspect sanitaire évident, a aussi un aspect civique. Loin de moi l'idée de donner des leçons de morale (ce n'est pas mon genre et même si mon arrière-arrière-grand-père a été professeur de morale dans les belles heures de la Troisième République flamboyante, j'avais retrouvé son manuel scolaire chez ma grand-mère il y a quelques décennies, je n'ai aucun titre à en donner), se faire vacciner est un acte "citoyen" (je n'aime pas trop les substantifs prenant la fonction d'adjectifs) et surtout, un acte de solidarité nationale entre les générations.
À ce stade de ma réflexion, je peux entendre des remarques qui disent en gros : cette jeune génération a déjà payé un lourd tribut de la crise sanitaire. Oui et non. Oui, c'est clair que par exemple, la génération de ceux qui ont passé le baccalauréat en juin 2020 et qui ont démarré leurs études universitaires en automne 2020, une étape énorme, très nouvelle, presque le passage de l'enfant à l'adulte, de l'élève très encadré à l'étudiant autonome, un moment de la vie qui nécessite une très forte "sociabilisation", c'est sûr que cette génération-là, avec Teams en guise de camarade de promo ou de prof, n'a pas a été aidée dans l'évolution de sa maturité.
Mais la réalité, c'est que tout le monde a été impacté, et salement impacté, par cette crise sanitaire, les actifs qui, parfois, se sont retrouvés au chômage (et tous ses conséquences désastreuses), ou sont devenus fous d'être confinés (la violence conjugale a augmenté), les retraités qui, eux aussi, ont payé un lourd tribut, car après tout, et on insiste souvent sur ce point pour vouloir trouver cela normal (alors que ce ne l'est pas), les 112 000 personnes décédées qui sont mortes du covid-19, ce sont surtout des personnes âgées, pas des jeunes, le lourd tribut se décline donc suivant un fil qui n'a rien d'objectif et l'on peut mettre tout le monde d'accord en affirmant que tout le monde a été traumatisé, affecté du moins, par cette crise sanitaire qui n'en finit pas et c'est d'ailleurs étonnant d'être contre la vaccination alors que c'est la solution le plus précise et la plus efficace pour tenter d'en finir avec ce virus. Du reste, si l'une des générations avait été plus affectée qu'une autre, les autres en seraient autant affectées : un parent ne peut se satisfaire de voir son enfant affecté, pas plus que son propre parent. Il n'y a pas d'étanchéité sociale entre les générations. Chacune a besoin des autres.
Les risques pour les 12-18 ans de se faire vacciner ? Je n'en vois pas dès lors que le vaccin leur est autorisé selon des études cliniques concluantes (je le répète). Les vaccins autorisés (du moins en France) ont très peu risque d'effets secondaires. Les seuls effets quasiment systématiques (mais pas toujours), ce sont une petite gêne au bras (un jour) et, selon le vaccin, pour Pfizer, c'est à la deuxième dose, un état "grippal" pendant un ou deux jours avec forte fièvre (38-40°C). Puis retour à la normale (quand on se vaccine, il faut prévoir un ou deux jours sans obligation physique). Selon moi, ces désagréments ne sont pas des effets secondaires, c'est le rôle voulu du vaccin qui vise à faire produire des anticorps, ce qui est une "lutte", d'où la fièvre. Ce serait précisément l'absence de forte fièvre qui devrait inquiéter, car cela signifierait que le corps n'a pas développé beaucoup d'anticorps (mais chacun réagit différemment dans son organisme).
D'ailleurs, tous les risques, ils sont maintenant bien documentés. On a parlé de thrombose, mais pas plus que lorsqu'on prend la pilule (contraceptive) : est-ce que la lecture de la notice pharmacologique de ce produit a dissuadé une seule jeune fille d'en prendre ? Pourquoi serait-ce différent avec le vaccin ?
Aujourd'hui, en été 2021, au contraire du mois de décembre 2020, le monde a une vision bien plus documentée des vaccins contre le covid-19. Plus d'un milliard de doses ont été injectées, les premiers tests datent d'il y a quinze mois, on aurait donc tout le loisir de détecter des effets pervers non observés au stade expérimental. Pour tout dire, vu la généralisation mondiale de cette vaccination, jamais des vaccins n'ont été aussi surveillés que ceux contre le covid-19.
Alors, parler de bénéfices-risques reste-t-il pertinent en été 2021 ? À mon sens, et malgré le titre de cet article, je pense que non. On a parlé de cette notion à un moment où l'attentisme l'emportait sur la décision. On était favorable à la vaccination mais on avait peur de ce vaccin, supposé nouveau avec une technologie supposée nouvelle (pour les vaccins à ARN messager). Alors, très courageusement, on était attentiste : on attendait de voir chez les autres comment ça irait. Heureusement que les Britanniques et les Israéliens n'aient pas fait la "chochotte" (je prie de m'excuser pour cette expression !), car ils ont pu montrer aux autres nations du monde que les risques étaient infiniment moins grands que les bénéfices. Aujourd'hui, il faut en finir avec la vision "égocentré" du vaccin, vision encouragée (je l'ai écrit plus haut) par les autorités sanitaires pour encourager la vaccination des plus vulnérables au début de la campagne.
La vaccination est une protection collective. L'objectif, c'est que la population soit suffisamment vaccinée dans son ensemble pour que le virus n'ait plus de terrain pour se propager et pour circuler. La plupart des nouvelles contaminations sont sur des personnes non-vaccinées. C'est très encourageant de savoir l'extraordinaire efficacité de ces vaccins (c'est une chance : rapidité et efficacité ; seuls des pays riches comme en France peuvent se permettre de faire la fine bouche devant ces vaccins alors que les pays pauvres meurent de ne pas pouvoir en avoir, et c'est une absolue nécessité de les aider, il faut combattre la pandémie partout dans le monde).
C'est une course de vitesse, car plus le virus circule, plus il mute et le jour où un variant résistera au vaccin (heureusement, l'intérêt des vaccins à ARN messager est qu'ils résistent, généralement efficaces même contre la plupart des variants, mais on ne connaît pas l'avenir évolutif de ce virus), on reviendra à la case départ. Donc, il faut aller vite, d'où la décision du Président Emmanuel Macron le 12 juillet 2021 de susciter un sursaut vaccinal, qui semble en tout cas une réussite aujourd'hui : rappelons que cette semaine, la France a dépassé les États-Unis et même la moyenne européenne pour le taux de couverture vaccinale (arrêtons donc de nous "autoblâmer"). Au 23 juillet 2021 en France, il y a 39 474 866 personnes qui ont reçu une dose (soit 58,9%), et 32 790 772 personnes complètement vaccinées (soit 48,9%). L'objectif du gouvernement de 40 millions de personnes ayant reçu une première dose au 31 juillet 2021 sera largement atteint. Plus de 70% de la population adulte est vaccinée.
Il est donc là le principal bénéfice de la vaccination de 12-18 ans alors qu'on dit généralement qu'ils font partie des personnes qui font le plus circuler le virus (plus généralement, tous les moins de 30 ans). Dans cette tranche d'âge, il y a une grande possibilité d'amélioration pour augmenter notablement la couverture vaccinale. Actuellement, au 22 juillet 2021, seulement 29,5% des 12-18 ans ont reçu une première dose (9,6% deux doses). Il faut donc intensifier la vaccination des plus jeunes pour rompre la circulation du virus. Il faut éviter de séparer les générations : le virus ne choisit pas l'âge de ses victimes, en revanche, il contamine beaucoup moins les personnes vaccinées, basons-nous donc sur ce critère.
Et puis, en fin de compte, et ceux qui parlaient de "générations sacrifiées" ne peuvent pas y être insensibles, le véritable bénéfice personnel des jeunes de 12-18 ans de se faire vacciner, c'est encore de pouvoir étudier dans les meilleures conditions, de pouvoir aller au collège ou au lycée, de pouvoir avoir une vie scolaire (presque) normale, avec des vrais enseignants qu'ils peuvent interroger physiquement et pas par écrans interposés, avec des camarades présents avec qui jouer, discuter, rigoler, etc.
Car c'est cela l'enjeu : si nous ne pouvons pas résister à la quatrième vague (25 624 nouveaux cas rien que la journée du samedi 24 juillet 2021, c'est un tsunami !), si le taux de vaccination est insuffisant dans la population générale, la seule réponse possible pour éviter un nouveau massacre (111 616 décès au 24 juillet 2021), c'est de reconfiner le pays. Pas sûr que ce soit dans l'intérêt des jeunes générations...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (24 juillet 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Covid-19 : les bénéfices-risques de la vaccination des adolescents.
4e vague : passe sanitaire ou reconfinement ?
Les outrances désolantes des antivax, enfants gâtés de la planète.
Fête nationale : cinq ans plus tard...
Emmanuel Macron, la méthode forte.
Emmanuel Macron face à la 4e vague (2).
Emmanuel Macron face à la 4e vague (1).
SARS-CoV-2 variants of concern and variants under investigation in England, Technical briefing 17, Publlic Health England, 25 juin 2021 ( à télécharger).
Bosetti et al., Epidemiology and control of SARS-CoV-2 epidemics in partially vaccinated populations ; a modeling study applied to France, Institut Pasteur, 28 juin 2021 ( à télécharger).
Covid-19 : Où en est l'épidémie en France ? Et faut-il avoir peur du variant delta ?
Covid-19 : la divine surprise.
Vive le déconfinement, mais attention au relâchement !
Covid-19 : passe sanitaire et obligation vaccinale.
Dénigrements du vaccin Pfizer sur le Web : une origine russe ?
Plus de 20 millions de Français vaccinés : et moi et moi et moi.
Covid-19 : le passe sanitaire né dans la douleur en France.
Levée des brevets des vaccins anti-covid-19 : de la théorie à la pratique.
La balance bénéfices-risques du vaccin d'AstraZeneca.
Covid-19 : 100 000 décès en France, 1 million en Europe.
Le vaccin russe Sputnik V.
Témoignage : au cœur d'un centre de vaccination contre le covid-19.
Origine du coronavirus SARS-CoV-2 : détecté et en circulation en France depuis le 5 novembre 2019 ?
La technologie à ARN messager de Katalin Kariko.
Pandémie de covid-19 : plus de 2 millions de décès et une poignée de néo-négationnistes.
7 questions sur les vaccins contre le covid-19.
Covid-19 : vaccins et informations parcellaires.
La lune de Jupiter.
Faudra-t-il rendre obligatoire le futur vaccin contre le covid-19 ?
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210724-covid-du-vaccination-adolescents.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/07/24/39070742.html