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En souvenir d'Alexandre de Nuñez

Publié le 30 juillet 2021 par Slal

Villamanrique de la Condesa, Paris, juillet 2021

En souvenir d'Alexandre de Nuñez

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En souvenir d'Alexandre de Nuñez

Il faut du temps pour se convaincre tout à fait du départ d'un ami, surtout quand on est loin de lui et que les circonstances (on était en 2020) ne s'y prêtent pas vraiment. Alexandre de Nuñez avait 53 ans (c'est ce qu'on m'a dit) et depuis les longues années de travail que nous avons partagées, je ne m'en étais pas aperçu. Il avait l'habitude d'aller de-ci delà, d'inventer sans cesse, tout en préservant des zones d'ombre sur une vie intimement partagée entre l'Argentine et la France. Qui était-il vraiment ? Il était sans doute le premier à ne pas s'en soucier vraiment. Comme si la stabilité l'effrayait, il lui fallait faire des choses, créer, se lancer de nouveaux défis, convaincre, pourvu que sa chère famille restât toujours protégée.

Entre nous, tout commença avec le Salon du Livre d'Amérique Latine qui allait se tenir à l'Unesco en 2006 (avec le soutien des services culturels de la Délégation argentine). Il avait conçu l'événement, il avait sans doute besoin de la caution scientifique et de l'ouverture d'esprit que pouvait alors lui offrir la Maison des Sciences de l'Homme à Paris. Et de quelques sous, déjà, après lesquels on n'arrêtait bien sûr pas de courir.

L'aventure fut belle, enthousiasmante, qui se poursuivit à la Maison de l'Amérique Latine, dans l'Ambassade du Paraguay, et puis à la Cité Internationale des Arts. L'ensemble du continent se voyait généreusement représenté par des auteurs d'exception, même si l'Argentine trouvait toujours un petite place à part, comme si Alexandre se sentait investi de quelque responsabilité diplomatique que ses relations privilégiées avec l'Ambassade justifiaient abondamment. C'était un plaisir de le voir animer les réunions, motiver les invités, informer les présents, faciliter les découvertes.

En souvenir d'Alexandre de Nuñez

Ne pouvait alors que s'ensuivre la fabrication de ce site voué à laisser des traces de l'actualité d'un monde porté à faire mieux connaître la production de créateurs venus de pays fort divers. Il fallait un espace ouvert pour témoigner des avancées obtenues par des entreprises culturelles généreuses et flamboyantes, autant que pour relater les difficultés surgissant d'un environnement économico-politique moins incertain qu'on le souhaiterait.

Unie à la volonté de convaincre, la rage de faire le fit se lancer dans plus d'une expérience difficile, comme la direction de la librairie espagnole à Paris, avec le soutien de la Ville, des festivals en banlieue et en province, ou encore des participations en tant que journaliste à des revues ou à des stations de radio. Dans chacun de ces projets, il veillait à diffuser, à sensibiliser, pas toujours convaincu de l'intérêt de suivre les sentiers battus, mais toujours préoccupé par le respect des règles de l'amitié. C'est en tout cas en musique que l'aventure devait s'interrompre.

Curieusement, Alexandre a dû nous quitter à un des moments phares de sa trajectoire, et alors qu'il participait avec l'ambassadeur Fernando Solanas à la promotion du chamamé comme Patrimoine culturel immatériel de l'Humanité auprès de l'Unesco. Le chamamé, genre musical traditionnel originaire de la province de Corrientes mêlant musique et danse, soutenu par l'accordéon et la guitare. Comme par hasard, un genre à la fois syncrétique (le guarani s'entrelace avec l'influence jésuite, entre autres) et porteur d'une forte identité argentine ; un pied ici, un pied ailleurs, en toute logique.

On ne peut que regretter que la date du départ d'Alexandre, et celle de l'arrivée au sommet du chamamé se soient croisées. Car le succès a été au bout, laissant à ses deux promoteurs des honneurs qu'ils ne manquent sans doute pas de partager dans un monde meilleur. C'est ce qui advient parfois aux amis les plus chers, à ceux qui ont su vivre avec intensité leur bonheur de partager, et ont voulu donner jusque là l'impression d'une jeunesse éclatante et têtue, une jeunesse qu'on gardera précieusement au plus profond de nous.

En souvenir d'Alexandre de Nuñez

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