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Vingt-neuf juillet

Publié le 29 juillet 2008 par M.

Il est cinq heures passées, il fait chaud, je fonds lentement mais sûrement sur mon canapé. J’ai fermé les volets. La lumière ainsi filtrée fait des dessins sur le plancher. J’y perds mon regard, et quelques unes de mes pensées. Pour toi.


La ville semble s’être endormie. Dehors, pas un bruit, pas un pas, ni un souffle d’air. C’est si calme que l’on pourrait se croire seul. Peut-être l’est-on… J’ai coupé la musique pour n’écouter que le silence de l’été. Les rayons de soleil qui se cognent sur les volets. La pierre qui brûle. Encore quelques heures, et le soleil s’en ira, et la vie reprendra. A l’andalouse, les corps dorment le jour et ne se montrent qu’à la nuit tombée.


Les nuits sont chaudes aussi, tu sais. Torrides.

Je sors souvent marcher, respirer l’air absent, sentir la chaleur des pavés sous mes talons. Je regarde et j’écoute les gens parler et rire, et boire parce qu’il fait si chaud, parfois je bois avec eux, je ris aussi, pour faire comme eux, pour faire comme si, comme si tu étais là à parler et rire et boire aussi. Ivre de leur joie et de leur vin rosé, je rentre chez moi presque apaisée. Le presque c’est toi, bien sûr. Je prends une douche et me couche trempée, ainsi ce ne sont pas mes larmes mais mon corps tout entier qui inonde les draps. Je ne pleure pas, plus maintenant. Je pense, seulement. Je panse mais la douleur persiste, comme ton odeur, comme ton absence, comme des images encore en couleur qui passent et repassent derrière mes paupières closes. Toutes les nuits, c’est toi que je vois, toi qui me guides à travers le sommeil dans quelques rêves fantastiques où tout est tellement plus facile.


Hier, j’ai parlé au vendeur de musique. Nous avons écouté Vinicius de Moraes en buvant du rhum. Il a promis d’accorder ma guitare, je vais enfin pouvoir apprendre. J’espère le convaincre de m’enseigner quelques méthodes, j’y travaille d’ailleurs assidûment : hier, je lui ai descendu du café et des petits gâteaux sablés que j’avais fait. Il était content.


Et demain soir, j’irai de nouveau écrire sur les murs, armée de ma boîte de craies et de mon petit carnet. J’ai écrit trois lignes pour raconter la plage, ce matin. Et trois autres pour le manque de toi, mais ceux-là je les garde pour moi. J’en ai d’autres, tu sais. Tant d’autres…


Ma voisine du dessus sous-loue son appartement pendant l’été. Un homme d’une cinquantaine d’années vient donc de s’installer, je le croise tous les matins dans l’escalier, quand je pars travailler il sort acheter son pain, et ses cigarettes. Il me sourit mais ne me parle pas, jamais. Il écoute Coltrane tard le soir, je m’assois sur le bord de la fenêtre pour l’écouter avec lui, en secret. J’ai parfois l’impression que notre désespoir porte le même nom… Et je me demande ce qu’il dirait de l’amour. Moi, je ne sais plus vraiment.


Je ne sais plus qu’en dire, alors je lis. Baricco, De Luca, Garcia Marquez et Neruda, je me nourris de leurs mots au sang chaud, j’apaise mon âme en adhérant à leurs amours déçues, en me disant que c’est ainsi, une histoire n’est belle que parce qu’elle finit, et je t’aime autant parce que je t’ai perdu. Même si je sais que c’est faux. Et que dans mille nuits de cela, je rêverai encore de toi.



La lumière s’affaiblit, le soleil décroit, je crois. Je vais ouvrir les volets et m’asseoir sur le bord de la fenêtre, fumer une cigarette. En regardant parfois le ciel, parfois la terre, me demandant lequel des deux te rammènera.


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