Scène 2
ROSIE LA TERREUR , FIFI, CUNEGONDE, DAKTARI
ROSIE LA TERREUR (reconnaissant Daktari))
Ah, la tuile vraiment ! Revoilà ce crétin
Enroulé dans sa cape et sentant le purin !
DAKTARI
Le compliment me touche et je te le renvoie.
ROSIE LA TERREUR
On dirait dans ta cape un vautour aux abois.
FIFI
Vous n’allez pas tous deux déjà recommencer ?
ROSIE LA TERREUR
Que faites-vous ici ? Il est enfin crevé ?
FIFI
De qui parles-tu donc, ô reine des glaciers ?
ROSIE LA TERREUR
De celui que l’on nomme le grand grimacier.
CUNEGONDE (Enlevant ses fourrures)
Est-ce à mon ex époux que tu fais allusion ?
ROSIE LA TERREUR (bondissant en arrière)
Cunégonde en ces lieux ! Ciel, quelle confusion !
CUNEGONDE (rassurante)
Sois tranquille, ô Terreur, et calme bien tes craintes.
Tu voulais des amis ; nous voici ; sans contrainte.
Un froid épouvantable enveloppe le pôle,
Et nous grelottons tous, oubliant* notre rôle.
ROSIE LA TERREUR
Viens près de moi, ma sœur, et viens te réchauffer,
Dans le poêle céans mets tes mains à griller.
CUNEGONDE (étonnée)
Où vois-tu donc un poêle ? Il n’y a rien du tout.
Hallucinerais-tu ? Serions-nous chez les fous ?
ROSIE LA TERREUR
Quand j’ai vraiment trop froid, j’imagine un instant
Que je suis toute nue dans un sauna brûlant.
DAKTARI (se détournant)
Vision d’horreur !
FIFI (consterné, à Cunégonde)
Voyez le triste résultat
De tous ces mois passés. La voilà bien gaga.
ROSIE
Mais ce n’est qu’un doux rêve, une grande illusion :
Je n’ai plus les moyens de me cramer le fion.
Alors, dans cet igloo, bien seule je grelotte,
Et mes pieds congelés dans l’eau glacée clapotent.
CUNEGONDE
Ton esprit, je le vois, n’est pas encore atteint.
Remettez-vous Fifi : elle n’a pas un grain.
ROSIE
Asseyez-vous, Madame et prenez donc pour siège
Mon fauteuil adoré en bois noir de Norvège.
(Cunégonde s’assoit puis se relève aussitôt.)
CUNEGONDE
Mais il est tout mouillé !
ROSIE
Prenez donc ce coussin.
CUNEGONDE
Lui aussi est trempé !
FIFI (regardant le coussin)
On dirait un peu moins.
CUNEGONDE
Il n’y a donc ici que choses imprégnées
De cette eau si glacée que mon âme est gelée ?
ROSIE (un peu énervée)
Présidente adorée, l’enfer est certes loin.
Ne vous asseyez pas mais cessez tout ce foin.
CUNEGONDE (digne)
Ne me confonds donc pas avec cette autre tache
Qui sans un brin d’émoi a carotté ma gâche.
Présidente ne suis et je ne veux plus l’être.
ROSIE
La cour pourtant vous suit.
CUNEGONDE
Elle colle à mes guêtres,
Nuance.
DAKTARI
C’est pour mieux vous protéger, Madame.
CUNEGONDE
Et de quel grand danger, je vous prie, cher Pyrame ?
La pneumonie, peut-être ou bien l’hypertension ?
FIFI
Nous devons témoigner de toutes vos actions.
CUNEGONDE (méprisante)
Voilà, chère Rosie, comme on passe aisément
Du rôle de ministre à celui de manant.
Oreille complaisante, espion du Président,
Pour survivre Fifi devient fort malfaisant.
FIFI (choqué)
Je ne mérite pas ce blâme si terrible.
CUNEGONDE
Tant pis pour vous, mon cher. Il me faut une cible.
ROSIE
Pourrais-je enfin savoir ce qui me vaut l’honneur
De vous voir débarquer ici et à cette heure ?
(A suivre)