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Ce Point a été préparé par Krystle Wittevrongel, analyste...

Publié le 16 octobre 2021 par Magazinenagg

 Ce Point a été préparé par Krystle Wittevrongel, analyste en politiques publiques à l’IEDM, en collaboration avec Miguel Ouellette, directeur des opérations et économiste à l’IEDM. La Collection Environnement de l’IEDM vise à explorer les aspects économiques des politiques de protection de la nature dans le but d’encourager des réponses à nos défis environnementaux qui présentent le meilleur rapport coût-efficacité.

Les efforts mondiaux visant à réduire les gaz à effet de serre font de nouveau la une. À la fin septembre 2021, le Dialogue de haut niveau sur l’énergie de l’ONU a affirmé l’engagement de dizaines de gouvernements à atteindre les objectifs en matière d’énergie durable et de carboneutralité(1). De plus, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26) arrive à grands pas et on s’attend à ce que ces engagements soient considérablement renforcés(2). Si les pays décident en effet d’aller de l’avant avec des objectifs de réduction plus ambitieux, il sera d’autant plus important pour les décideurs politiques d’adopter les politiques environnementales les plus efficaces. ​

En particulier, à mesure que nous nous dirigeons vers un avenir à faibles émissions de carbone, les bien-fondés du captage, de l’utilisation et du stockage de carbone (CUSC) deviennent plus apparents. Ces technologies peuvent jouer un rôle de premier plan pour protéger l’environnement, et cela, sans que soit mise de côté l’importance de l’énergie pour l’économie et pour le niveau de vie des familles canadiennes. De fait, le gouvernement fédéral a identifié le CUSC non seulement comme outil indispensable pour la réduction des émissions, mais aussi comme la seule technologie disponible à l’heure actuelle ayant le potentiel de générer des émissions négatives(3). Cela étant, afin que les entrepreneurs en énergie nous aident à mettre le cap sur les objectifs du Canada en matière de changements climatiques, l’émergence d’un marché de CUSC robuste et autonome est nécessaire.

Qu’est-ce que le CUSC?

Le CUSC englobe les technologies qui captent le carbone émis lors de la production d’électricité ou de divers procédés industriels, empêchant ainsi son rejet dans l’environnement. Ces technologies peuvent également capter le carbone déjà émis dans l’atmosphère, réduisant donc l’accumulation globale(4).

Lorsqu’elles sont captées à la source, les émissions sont séparées des autres gaz produits industriellement dans les centrales électriques, les aciéries et les raffineries de pétrole et de gaz, entre autres. Si les émissions ne sont pas utilisées sur place, elles sont alors transportées, souvent par pipeline, afin qu’elles soient utilisées ailleurs, par exemple dans la production de béton et de combustibles synthétiques(5), ou alors elles sont injectées dans des formations géologiques pour un stockage permanent(6) (voir la Figure 1). En effet, les mêmes formations d’où sont extraits le pétrole et le gaz peuvent stocker le CO2 en profondeur dans le sol(7).

Ce Point a été préparé par Krystle Wittevrongel, analyste...

Bien que la plupart des technologies de CUSC puissent absorber environ 85 % à 95 % du CO2 produit par une centrale électrique, une pénalité en matière d’efficacité énergétique résulte des exigences énergétiques supplémentaires nécessaires au bon fonctionnement des installations(8). Même en tenant compte des exigences énergétiques accrues, cependant, les technologies de CUSC enregistrent tout de même une réduction globale atmosphérique de plus de 85 %(9), et certains projets atteignent même 90 %(10), voire 100 %(11).

Le CUSC et la carboneutralité

Comme plus de 120 autres pays, le Canada s’est engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050(12). Afin d’y parvenir, l’économie canadienne doit n’émettre presque aucun GES ou encore trouver un autre moyen de compenser les émissions. Des améliorations marquées ont certes été réalisées en matière d’efficacité énergétique, mais les industries à forte intensité d’émissions, comme l’acier et le ciment, ne disposent pas d’options viables pour la réduction d’émissions(13). Ainsi, afin d’enregistrer la réduction d’émissions nécessaire pour atteindre la carboneutralité, nous devons utiliser les technologies de captage de carbone. Non seulement sera-t-il impossible d’atteindre la carboneutralité sans ces technologies, mais tenter d’y parvenir pourrait avoir des répercussions néfastes sur la croissance économique, ce qui compromettrait grandement notre niveau de vie.

Sur le plan de la réduction des émissions, le CUSC s’inscrit dans un modèle plus large d’économie circulaire. Les quatre R de l’économie circulaire – réduire, réutiliser, recycler et retirer – ont été appuyés par les ministres de l’Énergie du G20 en 2020 comme étant « une approche holistique, intégrée, inclusive et pragmatique pour gérer les émissions »(14). Ainsi, le CUSC a un rôle à jouer dans un système résilient et durable. Le gouvernement fédéral reconnaît que le CUSC représente une occasion importante pour le Canada, non seulement sur le plan de la lutte contre les changements climatiques, mais également en matière de possibilités économiques(15). Les entrepreneurs du secteur de l’énergie reconnaissent également les possibilités offertes par le CUSC, tant pour l’industrie que pour l’environnement(16).

Le potentiel canadien en matière de CUSC

Dans les dernières années, certains des projets les plus ambitieux et les plus avancés au monde en matière de captage du carbone ont été réalisés dans l’Ouest canadien(17). Les quatre projets canadiens existants représentent 15 % des installations mondiales et captent, à l’heure actuelle, quatre millions de tonnes d’émissions de carbone annuellement, en plus des deux autres centres de captage de grande envergure qui sont planifiés(18). Grâce à un stockage géologique considérable permettant une séquestration permanente du carbone et à l’expertise et à la capacité technologique de l’industrie, le Canada a le potentiel de devenir un véritable chef de file en matière de CUSC(19).

Des défis subsistent toutefois, comme les coûts initiaux élevés. Pour permettre et développer le CUSC commercial, les mécanismes gouvernementaux doivent faire office de mesure incitative pour que les entrepreneurs fassent ce qu’ils font de mieux : innover. Il ne s’agit pas de choisir des gagnants ou des perdants, ou encore de favoriser des joueurs particuliers du secteur. Cependant, ces technologies de pointe requièrent un déploiement à grande échelle afin d’atteindre les objectifs d’atténuation des changements climatiques, et ceci ne peut être accompli sans la participation active du secteur privé.

À l’heure actuelle, plusieurs des mesures de la stratégie canadienne en matière de changements climatiques suscitent des incertitudes, des désavantages concurrentiels et des pertes d’emploi dans le secteur manufacturier ainsi que dans d’autres secteurs(20). En contrepartie, des mesures bien conçues pour encourager le captage, l’utilisation et le stockage des émissions de carbone pourraient être moins coûteuses dans l’ensemble, tout en contribuant quand même à l’atteinte des objectifs climatiques du Canada. Le gouvernement fédéral devrait accorder une attention particulière à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures qu’il adopte afin de s’assurer qu’elles soient aussi efficaces que possible.

Références

International Institute for Sustainable Development, Highlights and images of main proceedings for 24 September 2021, consulté le 30 septembre 2021.

UN Climate Change Conference UK 2021, « COP26 Explained », 2021, p. 9.

Gouvernement du Canada, Budget 2021: une relance axée sur les emplois, la croissance et la résilience, 19 avril 2021, p. 189.

International Energy Agency, About CCUS, avril 2021.

David Roberts, « These uses of CO2 could cut emissions – and make trillions of dollars », Vox, 27 novembre 2019.

International Energy Agency, op. cit., note 4.

Gouvernement du Canada, « Sables bitumineux: une ressource stratégique pour le Canada, l’Amérique du Nord et le marché mondial », Ressources naturelles Canada, mai 2016, p. 1.

Tabbi Wilberforce et al., « Progress in carbon capture technologies », Science of the Total Environment, vol. 761, 20 mars 2021, p. 2.

Mohamed Kanniche et al., « Pre-combustion, post-combustion and oxy-combustion in thermal power plant for CO2 capture », Applied Thermal Engineering, vol. 30, no 1, janvier 2010, p. 57.

NRG, Case Studies, Petra Nova, Carbon capture and the future of coal power, 2021, consulté le 30 septembre 2021; Center for Climate and Energy Solutions, Climate Solutions, Technology Solutions, Carbon Capture, consulté le 30 septembre 2021.

James Conca, « Net Zero Natural Gas Plant − The Game Changer », Forbes, 31 juillet 2019.

Gouvernement du Canada, Environnement et ressources naturelles, Changements climatiques, Plan climatique canadien, La carboneutralité d’ici 2050, 13 août 2021.

Chris Bataille, Low and zero emissions in the steel and cement industries, Issue Paper, OECD, 26-27 novembre 2019, p. 13.

G20 Research Group, « G20 Energy Ministerial Meeting », Communique, 28 septembre 2020, p. 2.

Gouvernement du Canada, Ressources naturelles Canada, Changements climatiques, L’avenir vert du Canada, Stratégie de captage, d’utilisation et de stockage de carbone, 7 septembre 2021.

Suncor Energy Inc., « Canada’s largest oil sands producers announce unprecedented alliance to achieve net zero greenhouse gas emissions », Communiqué de presse, 9 juin 2021.

David Coglon, « Canada’s carbon tech opportunity », Context: Energy Examined, Canadian Association of Petroleum Producers, 2 mars 2021.

Rod Nickel et Nia Williams, « Canada pushes to build 2 new carbon capture hubs – gov’t document », Reuters, 30 août 2021.

International CCS Knowledge Centre, « Canada’s Budget 2021: Carbon Capture & Storage », 29 avril 2021.

Miguel Ouellette, « La NCP: une mesure qui va nuire à la relance économique du Québec », Note économique, IEDM, 17 septembre 2020.


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