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Mythologie du livret A

Publié le 01 août 2008 par Desiderio

Voici une étrange image que j'ai vue dans Libération.

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Analysons. Nous avons affaire à une image issue d'une banque de photos prêtes à l'avance pour convenir à toutes sortes de sujets d'actualité ou de dossiers plus généraux. Elle n'a donc rien d'original, mais elle semble convenir à l'article qu'elle illustre.

On voit partout la mention Livret A qui est fort parlante à tous. Mais il y a un problème : le livret A se nomme Livret bleu au Crédit mutuel et était de couleur... bleue. Le rouge en question est celui des Caisses d'épargne dont on a bien pris soin de masquer le logo en forme d'écureuil en superposant les livrets de manière à éviter la raison sociale en bas (elle demeure cependant un peu lisible pour deux livrets aux extrémités). Le rouge est bien entendu un rappel de l'emblême de l'écureuil, bien parlant pour les Français ordinaires, puisque l'écureuil est considéré comme un animal qui accumule des provisions pour l'hiver (d'où l'idée fausse selon laquelle Tic et Tac de Walt Disney seraient des écureuils). Un livret rouge parle plus qu'un livret bleu. Cela rappelle des souvenirs d'argent de poche déposé chaque mois, de l'inspection des pièces d'identité par un oeil suspicieux et de gros mécanographes qui inscrivaient la nouvelle somme en faisant beaucoup de bruit.

Seulement, il y a un problème. Le livret A (et je crois le livret bleu) est entièrement dématérialisé ! Il n'existe plus que sous la forme de fichiers informatiques ! Bien mieux, le bilan des comptes n'est plus délivré automatiquement, il n'y a plus de récapitulatif du calcul des intérêts chaque mois. On est entré dans une ère de gestion plus rationnelle où chaque sou compte (mais d'abord ceux du banquier qui s'épargne de la main d'oeuvre humaine). Parce que faire et refaire les comptes et le calcul des intérêts, puis les retranscrire, cela prenait beaucoup de temps et ne permettait pas de gagner de l'argent sur d'autres produits plus rentables.

Nous avons donc ici une image qui renvoie à un passé depuis longtemps révolu, celui où l'on pouvait voir dans un objet précieux le produit de ses économies et où cet objet concrétisait une forme d'accomplissement personnel. Mais si cet objet - le livret sous sa forme physique - n'est plus, il parle encore à la mémoire de la plupart. On ne peut décemment pas représenter une liste informatique ou une carte de retrait pour figurer le changement des Livrets A ou bleus. Cela ne voudrait rien dire, on pourrait tout penser. On fait donc appel à une sorte de lieu commun à la fois très reconnaissable (la couleur rouge) et masqué (pas d'écureuil, pas de nom de banque).


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