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Roger Vétillard: La guerre d'Algérie, une guerre sainte?

Publié le 22 octobre 2021 par Jpryf1

                                 

Roger Vétillard: La guerre d'Algérie, une guerre sainte?

Roger Vétillard ,professeur de médecine, est aussi un historien reconnu qui s'est intéressé à l'histoire mouvementée de l'Algérie contemporaine. Je dois avouer que, bien que m'intéressant à cette histoire je ne connaissais pas cet auteur. J'ai fait sa connaissance après qu'il se soit intéressé à l'histoire de la Compagnie Genevoise des Colonies Suisses de Sétif et , dés lors, à mon aïeul Gotlieb Ryf qui œuvra ,avec efficacité, pendant de longues années au sein de cette compagnie. De là j'appris que la famille de Roger Vétillard avait été proche voisin de mes grands parents au Faubourg des Jardins à Sétif et je me suis intéressé à ses écrits , notamment sur le 8 mai 1945 à Sétif et Guelma et donc à celui que je commente ici sur le côté religieux de la guerre d'Algérie.

Ce livre est le deuxième qu'il consacre à cette question qu'il avait déjà abordé dans: La dimension religieuse de la guerre d'Algérie (1954-1962).Prémices et conséquences. Il y revient donc de manière plus fouillée encore dans: La guerre d'Algérie, une guerre sainte?

Ce que j'ai apprécié dans ce livre c'est qu'il montre sans équivoque que dés le début cette guerre a été considéré comme un "djihad" c'est à dire une guerre pour l'Islam. Certes les Algériens luttaient, c'est évident, contre l'occupation de leur pays mais la base idéologique de ce combat a été pour une grande part la volonté de défendre l'islam et sa civilisation.

Cependant l'auteur montre que cet aspect n'a pas été perçu immédiatement et complétement car les dirigeants de cette lutte ont usé d'un double langage comme il le démontre dans les textes. La plupart et, en tous cas , la très grande majorité des dirigeants étaient musulmans et ont compris que cette idéologie religieuse était puissante pour motiver une population ,par ailleurs en grande majorité analphabète.

Mais ces dirigeants ont, par contre tenu , à l' égard du monde un autre langage, celui d'une lutte marxiste , politique et ont même laisser croire à un  la création d'un Etat moderne et ouvert. Le Congrès de la Soummam a été de ce point de vue et l'auteur le montre bien d'une très grande ambiguïté puisque dans les textes les dirigeants ont essayé de camoufler l'objectif purement arabo-islamique du combat. (p.54 et s.) L'auteur fait d'ailleurs justice du mythe selon lequel Abane Ramdane aurait été partisan d'un Etat "laïc"!

Cette attitude que l'auteur qualifie de "takya" cette manière de mentir pour arriver à ces fins qui est bien connu notamment des Frères musulmans a fonctionné puisqu' un certain nombre de personnes, ,notamment à gauche ,ont cru à ce discours moderne et ouvert pour se rendre compte, très vite, dans l'Algérie nouvelle que ce n'était évidement pas le cas.

Une partie de la gauche est tombé dans le piège et a cru comme aujourd'hui encore une partie de la gauche (décidément incorrigible) croit à cette vielle lune de "l'islamisme modéré".

Il aurait suffit de lire quelques déclarations des dirigeants ( que cite l'auteur) pour savoir que dans l'Algérie nouvelle ni les juifs ni les européens n'auraient leur place. Je crois que Camus l'avait compris, (lui qui était anticolonialiste) ce qui explique sa réticence à une indépendance dont il voyait à l'avance les ravages. Dans une lettre écrite en 1956 à Jean Grenier il écrit: "Les musulmans ont de folles exigences: une nation algérienne indépendante où les Français seront considérés comme des étrangers à moins qu'ils ne se convertissent à l'Islam."   Cette lucidité ne fut pas celle, par exemple du poète Jean Senac (Yaya El Ouarani) qui en paya le prix fort.

Ce que nous apprend aussi l'auteur c'est que le FLN a imposé des règles, des comportements rigoristes à la population (ne pas fumer, ne pas boire, ne pas aller dans les cinémas...ne pas fréquenter les écoles françaises.)qui sont bien un trait de l'islamisme radical dont on voit encore aujourd'hui les effets néfastes et n'a pas hésité à sanctionner les manquements de manière cruelle et atroce: nez coupé, égorgement , attentats dans les cinémas fréquentés par les algériens etc.. (p.74 et s.) ce qui, pour moi, est une marque d'infamie sur ce mouvement.

Le livre est intéressant parce qu'il cite de nombreux entretiens dont on a les sources et qui montrent très bien que pour une très grande majorité il fallait que soient exclus de l'Algérie nouvelle et les les juifs, présents pourtant depuis si longtemps et les Européens! 

Ceux qui apportèrent leur soutient au FLN ne s'en rendirent compte qu'après et là encore l'auteur cite beaucoup de ceux qui se sont trompés sur les objectifs véritables des dirigeants de la Révolution. Il suffit de citre Pierre Vidal-Naquet, Jean Daniel et d'autres.

Inutile de dire que ce constat et ce récit pèse encore de tout son poids dans l'actualité de l'Algérie même si, on peut voir apparaitre timidement, dans une partie de la jeunesse de ce pays une volonté d'aller vers un pouvoir plus laïc. Doit-on y croire? Je ne sais.


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