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Contre-pouvoir, d'Yves Velan

Publié le 27 octobre 2021 par Francisrichard @francisrichard
Contre-pouvoir, d'Yves Velan

Dans sa préface, Daniel de Roulet met dans son contexte ce texte du trublion Yves Velan (1925-2017), publié initialement en 1978 aux éditions Bertil Galland.

Cette mise en contexte est nécessaire, car l'écrivain adressait Contre-pouvoir au Groupe d'Olten, une association dissidente de la Société suisse des écrivains (SSE).

En 1971, le Groupe d'Olten avait rompu avec la SSE, fondée en 1912. Ces dissidents, engagés à gauche, avaient pour objectif, une société socialiste et démocratique...

Les deux associations concurrentes, jusqu'à un certain point, finiront par se réconcilier en 2002 et c'est ainsi que naîtra l'association des Autrices et auteurs de Suisse.

Yves Velan égrène ses idées après des détours, qui sont sa manière de raisonner avant que d'énoncer, et celle d'un spécialiste de rien mais curieux de tout, incitant au débat. 

Cette lettre au groupe est motivée par la publication, en 1975, du Rapport Clottu, par lequel l'État donnerait de l'argent à la culture, sans vraiment définir ce qu'elle est:

On constate dès l'abord qu'elle [la définition de la culture dans le rapport] est la plus large possible; si large même qu'on ne voit plus la différence nette entre culture et société. 

Au passage, remarquons qu'Yves Velan, sans refuser l'aubaine, relève la contradiction qui existe dans le fait de recevoir de l'argent du Pouvoir et d'en être un contre-pouvoir.

Velan s'interroge sur la position du Groupe d'Olten au sujet de la culture, qui semble, refusant l'élitisme, vouloir faire une différence minimale [...] entre le texte et l'existence...

À ne plus vouloir faire de différences, à vouloir les abolir toutes, il n'y a plus de littérature, il n'y a que la communication. Il n'y a plus de culture, il n'y a que la société...

Si le raisonnement est poussé jusqu'au bout, à quoi bon apprendre à écrire? Sans compter qu'écrire n'est qu'une condition nécessaire mais pas suffisante pour être littéraire...

À quoi cela aboutit-il? À la société de consommation qui, selon l'ancien popiste, serait le stade suprême du capitalisme (ce qui est une vision fausse et convenue d'icelui):

Le langage modélisé. Le règne de la série. Le manque et le présent perpétuels. La non-subjectivité. L'empire du Même. Goulag mou.

Après avoir vécu les derniers mois, c'est plutôt l'étatisme qui semble avoir atteint son stade suprême avec de telles caractéristiques; il était déjà plus qu'en germe en 1978:

Puisque pour le Pouvoir le littéraire est soumission, séduction, instrumentalité, série, il est pour nous rupture de la série, arrêt, obstacle.

Que faire? Là Yves Velan revient au fond: La littérature populaire ne consiste pas à écrire pour tout le monde [...] mais à hausser tout le monde à l'écriture lue ou pratiquée.

À l'école tout se joue. Velan explicite l'action à y mener: Par culture, j'entends la plus traditionnelle: littérature, latin, grec, histoire, histoire de l'art, tout ce qui est vertical.

Cela commence dès les premières années: Ignoti nulla cupido, disait Ovide dans L'Art d'aimer: On ne désire pas ce qu'on ne connaît pas. Velan commente: une sûre sagesse.

Faute d'insuffler ce désir, le Rapport Clottu appliqué ne fera de la culture qu'un îlot: Au mieux nourrira-t-on plus d'artistes ou, ici et là, abaissera-t-on le prix des places.

Et le Groupe d'Olten, puisque cette lettre lui est destiné? Que peut-il faire? Puisqu'il s'agit d'un groupe, il devrait avoir une production collective, faire une publication régulière:

Dans le cas où la princesse paierait; voire même où elle ne paierait pas...

Francis Richard

PS

Le volume comprend en outre:

- Discours à l'occasion de la remise du Grand Prix C.F. Ramuz, le 24 novembre 1990

- Discours à l'occasion de la remise du Prix de l'État de Neuchâtel, le 19 mars 1993

- Postface de Jean Kaempfer

Contre-pouvoir, Yves Velan, 96 pages, éditions d'en bas


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