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Ce n’est pas rien de vous prendre un tableau en pleine gueule

Publié le 02 août 2008 par Lironjeremy
Toujours ce qui m’a fasciné dans la peinture – l’endroit où s’est fixé pour moi le mystère – c’est sa pauvreté fondamentale. Je veux dire, à chaque fois que j’ai voulu sonder le mystère, les secrets d’une œuvre éblouissante, je me suis retrouvé face à un bout de tissus maculé de pigments, parfois de la façon la plus simple et la plus sommaire. Ça m’a fait dire parfois que devant l’œuvre je n’y voyais rien, rien ne se révélait de concret que l’on puisse emporter avec soi, que l’on puisse avec satisfaction expliquer. Il me semblait que le tableau était, l’instant de sa contemplation, ce qui rendait possible la suggestion d’une éblouissante clarté, une excédance en quelque sorte immatérielle. Une expérience en somme. L’art se passait au-delà, dans cette irradiation émotionnelle et intellectuelle, et cela était renforcé encore par l’apparence fruste de ces matériaux anciens. Presque j’aurai pu dire : il y avait art qui se passait malgré la peinture ; ou que justement l’art était ce dépassement de la peinture elle-même, sa façon d’incarner un immatériel. Ce n’est pas rien de vous prendre un tableau en pleine gueule ; un tableau pas droit, épais comme une glaise, monté sur des bois de chantier comme ceux de Van Rogger, un tableau avec un semblant de forme un peu sauvage et posée là en surface comme venu de profondeurs laborieuses. J’ai trouvé ça très fort qu’il puisse advenir cette épaisseur insondable à partir de si peu, dans un champ si étroit ainsi courageusement renouvelé. Cela justifiait un peu que j’aille sonder de l’intérieur l’aventure impossible. C’est toujours magique qu’un tableau advienne, il pourrait n’y avoir rien.

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