C'est peu dire que la question du pouvoir d'achat agite les débats en France, à tel point que tous les autres sujets lui semblent subordonnés. En particulier, les dépenses publiques et la dette publique sont passés à la trappe... Dans ce billet, nous allons chercher à comprendre ce qu'est le pouvoir d'achat et comment il se mesure. Puis, nous terminerons par une étude fort intéressante menée par l'Institut des Politiques Publiques (IPP) sur les impacts redistributifs des mesures socio-fiscales du quinquennat Macron.
Qu'est-ce que le pouvoir d'achat ?
Je me contenterai de donner ici quelques éléments de compréhension pour le besoin de mon analyse. Mais le lecteur intéressé par les questions de pouvoir d'achat, d'inflation, de prix et de choix dans la consommation, pourra utilement se reporter à l'un de mes livres aux éditions Ellipses, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'économie ! ou Les grands mécanismes de l'économie en clair - 2e édition (chapitre 2 et 3).
Le pouvoir d'achat correspond à la quantité de biens et de services qu’un ménage peut acheter avec ses revenus ; il dépend du niveau des revenus mais aussi de celui des prix. Dès lors, l’évolution du pouvoir d’achat correspond à la différence entre l’évolution des revenus des ménages et l’évolution des prix. Bien entendu, si la hausse des revenus est inférieure à celle des prix, alors le pouvoir d’achat diminue...
Dans ses calculs de pouvoir d'achat, l'Insee s'appuie sur le revenu disponible des ménages, c'est-à-dire les revenus d’activité (revenus du travail, revenus de la propriété) augmentés des prestations sociales reçues et diminués des impôts versés. Et pour mesurer l'évolution des prix, l'institut de statistiques utilise l'indice des prix à la consommation (IPC).
[ Source : Insee ]
Évolution du pouvoir d'achat
L'Insee publie l'évolution du pouvoir d'achat du revenu disponible brut (ici sur la période 1999-2021) :
[ Source : INSEE ]
Mais afin de tenir compte de la démographie et des structures familiales, le pouvoir d’achat est souvent calculé par unité de consommation. En effet, les besoins d'un ménage ne s'accroissent pas en stricte proportion de sa taille, dans la mesure où chacun peut profiter par exemple du téléviseur, du grille-pain ou de la machine à laver ; dès lors, le premier adulte du ménage compte pour 1 unité de consommation (UC), les autres personnes de 14 ans ou plus pour 0,5 UC et les enfants de moins de 14 ans pour 0,3 UC. L'on appelle alors niveau de vie, le revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC), ce qui signifie que le niveau de vie est le même pour tous les individus d’un même ménage.
Ci-dessous, l'évolution du pouvoir d'achat des ménages par unité de consommation depuis 1995, qui montre que durant le quinquennat d'Emmanuel Macron, le pouvoir d'achat a augmenté :
[ Source : OFCE ]
Impacts redistributifs des mesures socio-fiscales
L'Institut des Politiques Publiques (IPP) a évalué l’impact redistributif de l’ensemble des réformes socio-fiscales pérennes du quinquennat (chèque énergie, cotisations, prélèvements, allocation chômage, impôts directs, ISF et IFI, prestations sociales, retraite brute, taxe d'habitation). Les résultats montrent que le niveau de vie a augmenté sauf pour les 5 % les plus modestes :
[ Source : IPP ]
Lorsqu’on décompose le dernier centième, c'est-à-dire les 1 % des individus les plus riches, les résultats sont édifiants :
[ Source : IPP ]
En définitive, certes les statistiques montrent que le pouvoir d'achat des ménages a globalement augmenté. Mais lorsqu'en parallèle les prix de l'accession à l'immobilier s'envolent, les ménages ressentent les remboursements d'emprunts dans leur budget alors qu'ils ne figurent pas dans le calcul de l'inflation. De même, les récentes hausses des prix de l'énergie pèsent lourdement sur le budget des ménages, surtout ceux qui subissent déjà dans leur budget le lourd poids des dépenses contraintes. Enfin, comme le rappelle Agnès Bénassy-Quéré dans son billet sur la pauvreté, le pouvoir d'achat et l'emploi, il y a également une question de ressenti propre à chaque ménage, dont Thaler, Kahneman et Tvsersky ont rendu compte dans des expériences de psychologie sociale (comportement différencié au gain et à la perte, aversion aux pertes...).
La différence entre l'augmentation du pouvoir d'achat des ménages et leur sentiment de stagnation voire de dégradation n'est-il pas aussi le signe que le bonheur ne réside pas dans la consommation ?
P.S. L'image de ce billet provient de cet article du Journal du Net.