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Jamais ?

Publié le 03 août 2008 par Perce-Neige
Et puis, retrouvant Bombay, les immeubles en verre fumé, les tracas de la circulation routière, les viaducs, les téléphones cellulaires, les ascenseurs qui clignotent en arrivant à destination, les télévisions satellitaires, les fax, les entremetteurs, les stewards aux sourires de composition, retrouvant mes habitudes à l’Intercontinental, apprenant que le kenyan n’avait plus donné le moindre signe de vie à mes correspondants depuis mon départ, et ne m’avait laissé ni message ni rien du tout qui puisse faire penser qu’il entendait, finalement, se ranger à mes arguments, retrouvant ma chambre de marbre rose dont le balcon fleuri me rappelle, en nettement plus impersonnel, toutefois, l’appartement de Maud, autrefois, à Montmorency, quand nous nous retrouvions le dimanche midi, avec toute la bande, histoire d’ouvrir en grand les baies vitrées pharaoniques, inondées de soleil, retrouvant la jeune indienne presque muette, presque invisible, presque belle, qui veille depuis l’office à garnir de serviettes parfumées, et d’un assortiment discret de fleurs et d’agrumes, la salle de bains attenante à ma chambre, retrouvant le miroir en pied face à la bagagerie qui me renvoie, cette fois, l’image d’un homme nettement plus brisé que je veux bien l’admettre, retrouvant Bombay et les lumières noctambules qui saupoudrent l’obscurité de je-ne-sais-quelles misères et je-ne-sais-quel infini de pacotille, je me suis dit que je ne pourrai jamais, aussi bien que tu l’as fait dans tes romans, décrire cela, cette vie qui est la mienne, ces sentiments mêlant l’enchantement que répandent les mots sur le monde et la désillusion continuelle qu’ils engendrent aussitôt qu’ils ont été prononcé. Tout ce que tu n’as eu de cesse, au fond, de vouloir transcrire... Car, sans pouvoir saisir, aussi précisément que je le souhaite, les nuances subtiles de la réalité qu’il m’est facile de percevoir, pour peu que j’y prête attention, il me vient tout de même à l’esprit qu’en t’introduisant aussi profondément que tu l’as fait dans mes pensées, tu pourrais finir par comprendre ce que j’ignore, et par écrire ce que j’imagine pourtant devoir taire à jamais, et ne jamais laisser soupçonner, et ne jamais, au grand jamais, te raconter. Tout de même !

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