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Carte postale 6 /...

Publié le 08 décembre 2021 par Alexcessif

 Résumé

Un jour, cette porte s'ouvrirait...

Carte postale 6 /...

   

    Il s'était passé de l'insolite dans l'avant qu'il était urgent de comprendre. La fiction produisait de la réalité à un rythme que je ne pouvais assimiler. Il me fallait la verbaliser, l'encadrer. Entre autres, une fois admis que la base était bonne - pourquoi tant de travaux sur cette carcasse sinon? - ces interventions chirurgicales prenaient quelques mois. Une période de coma de quelques jours avait suffit à la révision complète. Je me souvins que pendant la seconde cosmique du rattrapage du temps terrestre de 2015,  j’étais passé de Libourne à Barcelone, les 21 grammes du moi allèrent de Baltimore à Bacalan, de 1999 à 1692, de Faustine/Mourade 1 de 2015 à  Justine/ Mourade saison 2 en 2019 une virée chez les camisards, avec  la bête du Gévaudan aux trousses,  incluse. A  l’évidence quelqu’un quelque part dans la matrice  s’amusait à plier l’espace/temps et à jouer avec mes nerfs.

    Je sortais stupidement sur le palier plusieurs fois par jour sans autre nécessité que de savoir qui était derrière la porte.

Réalité/Hasard

Conséquences

Fuite/forêt

Confinement Paris

Buisson/Sac/clés-Perdu/trouvé

Appartement vide

Chèque

Dé confinement

Romeschka n° 2

Contrat/Devoir

Fièvre/coma (fuite)

Soins/Analyse

Traitement

Usufruit App. Paris

Bonnie. Filer à l'anglaise

Implants dentaires

Guérison

Danger/risque 

Prime/Récompense

Généalogie

A la poursuite du Moi

Devoirs/reconnaissance

Parentèle Russe

Romanet/Romanov


La connaissance

    La démarche qui m’avait amené sur ce vélo, dans cette forêt de Fausses Reposes si bien nommée était scientifique – les mêmes causes produisent les mêmes effets – pour faire simple. Emotionnellement disponible, mes actes n’avaient d’autre but que de me tirer du mauvais pas où je m’étais fourré. Je reprenais de l'intérêt pour les choses humaines. 

    Quand vous égarez vos clés ou votre CB vous remontez dans le temps pour les retrouver. En déterrant cette capsule temporelle vous devenez pisteur de vos propres traces. Par où suis–je passé, hier, avant–hier, la semaine dernière ? Comment étais–je vêtu ? Dans quelle étourderie étais–je ? Vous prenez une route plus ou moins longue au cours de laquelle vous apprendrez la différence entre perdre et égarer, ce qui est remplaçable et celle qui ne l’est pas. Les livres qu’il faut relire et les pages qu’il faut tourner. Un acte de courage si la perte est plus qu’une simple clé mais une altération plus dommageable. La disparition de celle qui "n’habite pas le monde de la même façon. " par exemple.

    Dans le brouillard des "pourquoi" du moment il y avait le "parce que" j’avais vécu fugitivement la légèreté qui me permettait de m’habiller en 36 et chausser d’autres godasses que des espadrilles, les moments doux où nous marchions bras dessus/bras dessous quand elle avait ce saut d’un pas que l’on apprend chez les bidasses qui lui permettait de régler le sien sur le mien. Nous avions même chanté la Marseillaise au théâtre de la Gaité Montparnasse.Il n’y avait rien de militaire dans notre relation mais j’avais imaginé une hiérarchie qui a bien foutu le bordel. J’étais un chatcapable de monter aux arbres mais incapable d’en redescendre. 

    "Pas d’mon monde !" disait-elle. Ni dans l’un, ni dans l’autre ! 21 grammes de mon âme existaient dans le rapport entre deux entiers où je m’entêtais à mettre beaucoup d’espace dans peu de temps. Pour autant, plier l’espace/temps n’est pas à la portée de tout le monde. Et "… ce petit bout de mon cœur…" J’existais dans cet alter mais l’alter existait-elle en mon ego ? L’intimité doit-elle précéder le sentiment et le sentiment suivra-t-il l’acte ? Je l’ai su, je l’ai oublié, et l’ai-je su, re-su et reçu au bon moment ? Je ne suis pas très sûr. La coïncidence est- elle un aboutissement ? J’aime à croire à la confluence de deux rivières qui se rejoigne pour aller vers l’océan.

    Cette année là, mes compagnons terriens virent leurs projets gelés. Pendant que la vraie banquise fondait, une banquise économique paralysait le monde.

    Seuls les plus adaptables surent en tirer profit et j’en faisais parti sans être de leur monde.

    Mon expérience de survivaliste interrompue avant même de passer ma première nuit en bivouac avait tourné à mon avantage grâce à un Deus Ex machina digne d’une odyssée homérique alors que j’étais incapable de bander l’arc d’Ulysse ou de libérer Excalibur de son rocher de solitude. Pour en finir avec toutes ces épées, qui régaleront les psys dans ce récit, celle de Damoclès tenait par un cheveu au dessus de ma tête. 

    Je lisais. 

  Quand je n’étais pas le portier de nuit de Romeschka dans cet appartement inconnu et dans l’inconnue de sa propriétaire, je cherchais un viatique dans les bouquins. Idéalement LE grand livre contenant l'ensemble de la connaissance ou à défaut juste un paragraphe, une phrase un mot m’attendait quelque part écris par un de nos semblables puisque je n’attendais plus rien de toi.

"Par où suis je passé, hier, avant–hier, la semaine dernière ? Comment étais-je…?" disais-je.

    Je décidai de commencer ma traque par le début : le Goncourt de l’année de ta naissance. Jacques Borel "L’adoration" ! T’en veux des symboles ? Interflora ? Allo, deux roses s’il vous plait !

Et des coïncidences, t’en veux des coïncidences ? La page ∑ de ton âge: « Je me rappelle qu’une nuit je rêvais longuement d’Hélène et qu’au réveil une impression extraordinaire de bonheur m’emplissait : il me semblait qu’Hélène était là encore, que j’étais contre elle, le visage enfoui contre sa peau que j’embrassais avec une tendresse apaisée comme dans ces moments qui suivent effectivement l’amour etoù l’on dirait que ce n’est pas l’esprit ou l’âme qui rêve mais le corps et le sang eux-mêmes qui sont entraînés dans une rêverie quasi physique, telle que je n’en avais jamais éprouvé auparavant, et dont ils ne peuvent plus s’éveiller. »

    Vas-y mon Jacquot, paye ta phrase! Hé Borel, t’es obligé de nous envoyer des conjonctions de coordination, des pronoms relatifs, des adjectifs à la pelle et des adverbes dans des phrases d’un kilomètre ?Depuis l’Odyssée, Ulysse, Pénélope, Homère etc. touta déjà été écrit par d’autres avant nous de la fuite, de l’opportunisme, de la trahison des hommes, du courage, de la constance etde la fidélité du peuple fendu.

    En mieux, mais c’est plus long !

    On devrait jeter l’ancre, mon capitaine, se poser dans cette anse, abrités, se re-poser à l’eau douce, attendre la fin du monde. Sans Justine, Hélène, G. et toutes les femens du monde, la vie est une longue attente. Les conquistadors cherchent l’Eldorado sans notion de précieux et croient le trouver sans distinguer le clinquant du discret.

    Je devenais dingue ! Dans cet appartement où rodait le mystère et une vieille chatte en train de mourir, fantômes & fantasmes étaient de connivence pour me dire que l’on pouvait obtenir le Goncourt en faisant chier la terre entière en racontant sa vie à la première personne dans un pavé de 600 pages taille de police 6 avec des phrases interminables alors que Amélie Nothomb y parvient en seulement 120 pages avec des énoncés sibyllins.

    Ma lecture était laborieuse petits caractères, les yeux piquent–. Tu étais dans chaque mot de chaque phrase de chaque page. Changer de bouquins, de thèmes ou de genre ne suffisait pas !

    " Sapiens" deYoval Noah Hariri, que tu m’avais confié, en disait long sur la brève histoire de l’humanité. C’est vrai, je n’ai rien contre la station debout et la découverte du feu, mais franchement,  la sédentarité …

… Il y a un petit futé qui a pigé comment faire pousser  les graines. Finis les voyages au gré des saisons. Il  fallut se baisser, virer les pierres des champs, construire des murs, clore les prés, gratter la terre, se niquer le dos pour la récolte et fabriquer des armes pour la défendre.

L’auteur nous rappelle qu’avant l’agriculture nous vivions de cueillette et de migrations, de récoltes sans semailles, de moissons et de regains.

Le concept de la sédentarité induisait celui de la propriété et de la violence pour la défendre, ou s’en emparer.

Le "Toutes les histoires d’amour ont été écrites sauf une" de Tonino Benacquista m’indiquait qu’il y avait des trucs à ajouter sur le sujet puisque " [tu] accueillais ce qu’il y avait de bon chez les autres tout en [t]’attendant au pire" comme l’affirmait Arthur Miller.

    Je lus avidement "La petite Barbare" d’Astrid Manfredi quand me remonta un stupide ressentiment et "Tu la baises" d’Anne Perrin bien que tu ne sois pas du genre"Mets–me la et qu’on en finisse" essai érotique de Phalène de Lamparo.

    S’il fallait réduire notre histoire, nous étions cet été là, un feu de paille qui manquait de feu, de paille et de poutre. Celle qui était dans mon œil !

    "Pensées pour moi–même" de Marc–Aurèle nourrissaitmon ego et j’y faisais mon marché. Sénèque avait rallumé la lumière avec son "La vie heureuse" et l’avait obscurcie par "La brièveté de la vie" Epictète, Ovide sur "l’art d’aimer" qui n’avait rien de scientifique, de mesurable et de reproductible, Epicure, dont je n’avais cure, depuis que je n’avais de plaisirs que ceux de table et de lit que ceux de lecture.

    Je ne retenais rien ou si peu de mes lectures. Un paragraphe comblait mon puzzle, un mot m’expliquait la vie, parfois un chapitre en savait plus de moi que je n’en savais moi–même.

    D’Alain Teulié son "Stella Finzi", narrant une héroïne fortunée pactisant sous la couette avec l’auteur afin qu’il écrive sur elle, m’en apprit sur mon coté féminin dans l’extase et la soumission d’une nuit humiliante sans subir les préjudices irréversibles de l’homosexualité.

    La préface de Bukowski avait attiré mon attention sur John Fante et, son "Demande à la poussière", retenumon intérêt.

    "Robe de mariée" et "Travail soigné" de Pierre Lemaitre toujours inégalé dans la vélocité que peut atteindre sa narration. Dans son premier polar, en deux cent pages, Lemaitre créait de l’attachement pour le personnage principal, l’éliminait en deux lignes puis alignait cent pages de mieux, crescendo.

Je me cherchais dans Maxime Rovère "Que faire des cons ?" et ne m’y trouvais pas plus que dans le Begaudeau de "Histoire de la bêtise" depuis que je ne me cognais plus dans les obstacles. Je savais désormais qu’il était inutile de pousser les portes en forçant pour les ouvrir, certaines s’ouvrent facilement en tirant. D’ailleurs il suffisait de lire "pousser ou tirer" à l’attention des distraits qu’ils restentdans le vaste monde.

    Christian Cétois restera mon ami malgré son "Rédemption" et son "Double peine". La trilogie de "Vernon Subutex" par Virginie Despentes – mazette quel style ! - racontant son errance autour des Buttes Chaumont jusqu’au Sud Ouest me parlait.

    Mon ancienne vie à Bordeaux me revenait en boomerang en lisant le document réaliste deRaymond Courcy. J’avais commencé ma vie active comme Michel Favreau, prêtre–ouvrier, docker sur le port de Bordeaux, moins la prêtrise pour ce qui me concerne et sans pousser le dévouement jusqu’à mourir comme lui dans un accident du travail sous la charge d’une grue.

    A l’évidence la littérature me parlait.

    "Au delà de cette limite votre ticket n’est plus valable" ce malentendu entre une femme encore jeune et un homme pas encore vieux – était un coup à mettre en demeure Romain Gary de cesser de parler de Moi.

    Un seul mot de Jaeneda, Philippe dans "La serpe" m’étais resté: dérisoire ! De l’importance des actions humaines et l’art magistral - parfois agaçant - de la digression quand on se doit d’honorer honorablement une commande de six cent pages sans perdre son lecteur.

A l’inverse "Ecriture" réflexions sur le métier d’écrivain de Stephen King rendait possible la confection d’un roman aussi simplement que celle d’une pizza, si l’on n’oublie pas le dépouillement, le sacrifice de la phrase de trop que l’on croit indispensable. De la partd’un écrivain capable de capter et de retenir son lecteur sur des pavés de 400 pages, cela donne une idée du souffle nécessaire. "La conjuration des imbéciles" de Kennedy O’ Toole correspondait à ce que nous vivions en direct avec ce que disait les Cassandre sur cette pandémie. J’avais trouvé ce roman très fantasque pour ne pas dire confus. Mystère de l’édition, il ne devait sa publication posthume qu’à la ténacité de la mère de l’auteur après le suicide de ce surdoué désespéré par son insuccès. Bien plus tard, ce bouquin eut les honneurs d’une lecture sur France Inter portée par la voix de Guillaume Galienne. Il était en avance sur son temps dans la prémonition du comportement humain confronté à l’exceptionnel. Je n’étais pas le seul à me gourer de time code. Le kairos aurait dit cet helléniste distingué.

    L’histoire de l’humanité pouvait se résumer à la rencontre du "Hasard et [de] la nécessité" de Jacques Monod. Le hasard EST une science avec une grosse part d’inconnue, c’est aussi simple que cela.

    J’avais remis à plus tard la lecture de "La maison Ipatiev" de John Boyne pour des raisons qui m’échappaient, mais tous les noms propres de cette histoire, de la chatte Romeschka à la localisation fantaisiste du chèque tiré sur une vraie banque d'une ville imaginaire sur un fleuve bien réel me conduisaient sur cette piste Slave.

    Deux curieux détours perturbaient mes lectures. Je suis l’homme des raccourcis qui allongent la route. Il me faut parfois le talent d’un auteur pour comprendre la phase d’un autre. 

    Premier détour: de "Trente ans avec sursis" de François Debré, c’est la phrase conclusive d’Oscar Wilde "Je sais ce qui est bien mais je fais ce qui est mal" qui me resta. 

    Le second détour eut lieu quand je me m'égarai dans "Retour à Montechiarro" de Vincent Engel c’était cette phrase de Camus. "Quand je serai(s) vieux, je voudrais qu’il me soit donné de revenir sur cette route que rien n’égale au monde …" qui me servit de trope puisque je n’arrivais pas à admettre que tu avais disparu dans les airs du côté du Costa Rica. Il était l’heure de bouger !

    Et me revoilà sur une étape unique du chemin de Stevenson "…cette route que rien n’égale au monde…" pour la troisième fois. 

Sacré Albert !


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